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Chassol, des fourmis dans les doigts
Photographies de François Renoncourt

Chassol, des fourmis dans les doigts

Christophe Chassol était récemment à Roubaix pour jouer Indiamore, l’un de ses spectacles fétiches. PAM l’a intercepté pour tenter de percer ses secrets de composition.

Fin 2020, Christophe Chassol était l’invité du We Loft Festival, évènement organisé par la Cave aux Poètes qui réunit des artistes dans des lieux insolites de la métropole lilloise. C’est donc dans l’auditorium de l’Ecole Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse de Roubaix que Chassol et son batteur s’installèrent pour jouer Indiamore. Dans ce spectacle audiovisuel tourné en 2012 entre Calcutta et Bénarès, Chassol pose ses accords sur les instruments traditionnels, de simples monologues ou les bruits de la ville là où le vent le mène, qu’il soit dans un taxi, au milieu des klaxons, dans une école de danse ou au bord du Gange. Né de parents martiniquais en 1976, cet enfant du conservatoire a fait ses armes dans la pub et le cinéma avant de devenir chef d’orchestre, rejoignant ensuite le monde de la pop en collaborant avec Phoenix et Sébastien Tellier. Mais ce qu’aime Chassol par-dessus tout, c’est voyager, aller au contact des sons du monde réel qu’il serait susceptible d’harmoniser. Le son et l’image se fondent alors jusqu’à adopter les traits d’un documentaire d’un nouveau genre, où il sillonne la Nouvelle-Orléans, s’amuse avec l’univers du jeu, s’imprègne du quotidien de la Martinique. PAM a rencontré l’artiste quelques minutes avant son concert pour en savoir plus sur les personnages, les lieux et les anecdotes qui ont fait de lui un artiste unique.

Chassol – Indiamore (Full movie)

Ce soir, tu joues ton projet Indiamore, qui date de 2013. Comment l’appréhendes-tu après toutes ces années ?

J’ai tourné ce spectacle en juillet 2012, ça fait donc 10 ans qu’il existe pour moi. Je l’ai joué dans le monde entier, et je ne m’en lasse jamais. Hier soir je l’ai passé et je jouais par-dessus, en regardant l’image en mode spectateur. Il y a un personnage qui s’appelle Tuntun, l’oncle d’un autre personnage qui s’appelle Jay, que l’on voit sur le Gange et dans un taxi à Calcutta. Avant cette séquence, on voit son oncle qui chante une mélodie. Hier, j’ai vu pour la première fois qu’il avait les dents toutes rouges, défoncées. J’ai passé des milliers d’heures sur les images, et je redécouvre toujours des trucs ! Il y a aussi une séquence avec un passeur, immergé dans le Gange. Je me suis toujours concentré sur la voix, et l’autre jour j’ai entendu un oiseau qui hurle en boucle… Je remarque toujours de nouvelles choses, c’est dingue.

Qu’allais-tu chercher en Inde à l’origine ?

Au départ, j’y allais pour la musique. J’écoute de la musique indienne depuis longtemps, j’avais envie de la partager. Certains musiciens que je connais ne comprenaient pas le côté très pop que j’entendais dans la musique indienne. Cette histoire de tampura qui joue la basse et de la mélodie, de ces deux lignes avec plein de place au milieu (l’introduction du disque, ndlr) pour poser des accords occidentaux. Néanmoins, l’expérience me dit de prévoir ce que je vais faire uniquement un jour sur deux. Ça me laisse du temps pour me laisser porter par les rencontres.

Qui sont les musiciens que l’on aperçoit dans le premier quart d’heure du film Indiamore ? 

Je me souviens de tous les détails. Il faisait hyper chaud, c’était la mousson, il y avait ma cheffe opérationnelle Marie-France Barrier et mon ingé-son Johann Levasseur, on s’est baladé à 3 pendant 15 jours autour de Bénarès et Calcutta. J’ai rencontré les musiciens en partant faire un repérage deux ans avant. J’ai ouvert le routard à la page « cours de chant » et je suis allé dans cette famille avec un fils chanteur, un autre fils et un père percussionnistes, et j’ai commencé à prendre quelques cours de Sitar et de chant. On est restés amis, ils sont même venus chez moi à Paris. Quand j’ai eu besoin d’aller filmer, je les ai appelés en leur disant que j’aurais besoin d’un flûtiste, de chanteuse, d’un tabliste… Ces musiciens, c’est la famille Pandey ! Quand je suis allé à Calcutta, mes amis Jay et Tuntun voulaient venir avec moi. J’étais un peu méfiant, je voulais continuer mon périple avec mon équipe, mais c’est souvent comme ça en Inde. Tu crois qu’ils vont te prendre la tête, mais en fait c’est de bon cœur ! Du coup j’ai de supers séquences avec eux, qui m’ont aussi trouvé l’école de danse que l’on voit à la fin.

Il y a cette autre facette de l’Inde qu’est le chaos. Tu as fait le morceau « XIXth Century » qui sample les klaxons et les bruits de la rue. Qu’est-ce qui t’a inspiré dans ce désordre ?

Quand j’y suis allé en 2010 avec ma copine, on prenait les tuk-tuk, j’avais déjà vu ça dans les films de Louis Malle, j’avais cette image chaotique et bondée de Calcutta. On rigolait sur les histoires d’assurance, en voyant les grosses plinthes de métal qui débordent des véhicules, les groupes de 4 personnes sur une mobylette, les gens sur les toits des voitures… Finalement on n’a vu aucun accident, j’ai compris que c’était un chaos organisé !  Comme je viens de l’école documentariste, ces sonorités me paraissaient essentielles à restituer. C’est toujours un défi de rendre cool un truc ennuyeux ! C’est un peu ce que j’ai fait avec les vuvuzelas du carnaval martiniquais…

Parlons justement de Big Sun ! Quelle était la raison de ta téléportation en Martinique en premier lieu ?

En Inde, je voulais harmoniser les thékas, les chants que font les percussionnistes pour harmoniser leurs frappes. Je voulais avoir une séquence dans ma vidéo, c’était une envie urgente. De la même manière, en Martinique, je voulais à la fois voir le carnaval aux Antilles et en harmoniser les percussions.

La Martinique étant l’île de tes racines, était-ce une dette de faire un film là-bas ?

A la base, je voulais faire un film au Brésil en 2013. Une fois sur place, j’ai eu une épiphanie grâce à ma copine. On voyait que les visages ressemblaient aux visages de Martinique, la créolité explosait, il y avait des filles rousses avec des lèvres de noires… Les autoradios crachent la pop et la musique latine, il y a les senteurs et les ambiances, tout ça m’a rappelé la Martinique et m’a donné envie d’y retourner. Mes parents sont décédés dans un crash d’avion en 2005, et j’ai toujours eu cette relation particulière avec mon père autour de ce rapport à l’île, il me reprochait d’être un peu déculturé.

Un hommage était nécessaire !

Oui, j’avais un chantier à honorer ! Aussi, un jour un ami -pourtant très intelligent- de fac de philo m’a dit « je ne suis pas trop fan de la culture antillaise, je préfère les cultures africaines »… Ça m’a marqué, ça m’a tellement saoulé ! Et c’est quelque chose que je pouvais revérifier tout le temps, cette espèce de mépris qu’il y a en métropole pour les Antilles, alors que l’île fait 70 kilomètres sur 30, elle est démente, il y a des artistes de folie. La Martinique a inventé et exporté sa propre musique dans le monde entier !

Chassol – Big Sun (Full movie)

Le film commence pourtant avec des oiseaux, est-ce simplement une intro ou y-a-t-il une histoire ?

C’est un autre truc que je voulais faire absolument ! Quand j’étais plus jeune, j’avais passé des vacances en Martinique. Je m’étais mis en tête de chasser un merle au lance-pierre. J’ai raté pendant tout l’été et à la fin des vacances, j’ai tiré et j’ai chopé une femelle merle, qui est tombée morte à mes pieds. Je me suis senti tellement con sur l’instant ! (rires) Ce truc m’est toujours resté, et je voulais donc rendre hommage aux merles en leur offrant une belle harmonisation !

Qui est cette personne dans le film, qui imite les sifflements d’oiseaux ?

C’est Pipo Gertrude ! Ce n’était pas prévu, je l’ai filmé le dernier jour. C’est un oncle musicien qui m’a mis en relation. C’est l’un des trois chanteurs de Malavoi, un mec génial, pilote d’avion, super charmeur et qui imite tous les oiseaux ! On est allés dans la maison de mes parents, il a chanté des chansons, raconté des anecdotes, on a fini bourrés au resto. D’ailleurs je vais fais un hommage à Marius Cultier le 7 février (spectacle reporté,ndlr) au Châtelet et on m’a demandé de faire la direction artistique, et de faire venir plein de musiciens antillais. Pipo sera là !

Et ce flûtiste qui joue dans le cimetière, qui est-il ?

C’est Mario Masse, je savais que je voulais l’avoir. Il était crédité comme arrangeur sur les vinyles de mon père. Je le « connais » depuis petit, en particulier sa photo sur un disque de JM Harmony. Je voulais de la flûte, et c’est lui qu’il me fallait ! On est parti vers le nord de Fort-de-France, on s’est arrêtés à différents endroits, dont ce cimetière avec une belle vue.

La route de la Trace, qui part de Fort-de-France pour rejoindre le nord de l’île t’a donc aussi marqué ? 

Oui, c’est dément ! J’avais ça en tête depuis longtemps parce qu’on faisait les tournées du Nord de l’île. On partait avec toute la famille, les glacières et les casse-croûtes pour faire l’ascension de la montagne Pelée, aller dans les gorges de Macouba, dans les chutes d’eau… On passe forcément par la route de la Trace, et ce sont surtout les différentes nuances de vert qui m’ont marqué. Je sens que j’ai deux cultures, comme j’ai grandi à Paris. Quand j’étais au collège et au lycée, j’écoutais beaucoup The Cure. En troisième, j’étais en rangers, imper noir, ourlets et je buvais de la bière. Esthétiquement, c’était l’antithèse de la Martinique ! Je pensais au clip de « Jumping Someone Else’s Train », avec ce concept de filmer les rails depuis l’arrière d’un train et de le passer à l’envers pour faire croire qu’on avance. C’est mon influence principale pour ce morceau.

Qui est Madame Etienne-Lise, avec qui tu discutes sur le marché [28’10’’]?

Elle est géniale, je l’ai rencontrée par hasard au marché de Rivière-Pilote. Il fallait que j’y aille parce que je savais qu’il s’y passait plein de trucs !

Sur le plan suivant, on la voit en train de danser au carnaval ! Tu l’as donc suivie ?

Je l’ai retrouvée par hasard ! J’étais bluffé de la voir devant le camion. La femme qui est à côté d’elle est encore plus marrante. Il y a un moment de la séquence où elle répète tout ce que dit Etienne-Lise ! Elle a dit un truc à mon ingé-son que j’aurais dû mettre dans le film : « tu manges comme un pacha ! » (rires) C’est tellement antillais !

Et ces joueurs de dominos ?

Quand je vais là-bas je passe mes vacances à l’Anse Figuier, à Rivière-Pilote. Il y a une épicerie, j’y suis allé pour acheter des trucs et j’ai vu qu’il y avait une batterie. J’y suis retourné en leur demandant si je pouvais venir filmer et s’ils pouvaient me jouer un truc. En fait, ils jouaient aux dominos : les dominos qui claquent, les insultes, les coups de pression… C’était un régal !

Je fais la transition avec ton album Ludi, qu’est ce qui t’attire dans l’univers du jeu ?

On randonnait au Canada avec ma copine, et on a croisé un groupe de jeunes qui jouaient au football américain en criant des trucs du genre « Touch Dooown ! » J’ai regardé ma copine et elle a compris tout de suite (rires). Le jeu ! je vais avoir du mouvement, de la parole symbolique, des dialogues un peu simples du genre « j’ai gagné, je suis le plus fort ! »

Chassol – Savana, Céline, Aya, Pt.1 & 2 (Official Video)

Qui sont Savana, Céline, Aya, dans la chanson éponyme? 

On a filmé quatre récréations dans une école à Puteaux en région parisienne. J’ai filmé beaucoup de choses, mais ces filles étaient pour moi les plus photogéniques, surtout avec cette contre-plongée façon Terrence Malick !

Certains morceaux comme « le Jeu de la Phrase », « Game Rule », « Your hand » sont simplement basés sur une personne qui t’explique la règle d’un jeu. Qui est-elle ?

 C’est ma sœur Karine, je lui ai juste demandé de me donner les règles, mais sans lui dire ce que j’allais en faire…

Préviens-tu les personnages d’habitude ?

Bien sûr, quand je les rencontre dans la rue, je leur montre ce que je fais sur un iPad, je les paye et ils savent à quelle sauce ils vont être mangés ! 

Retrouvez la discographie de Chassol sur sa page Bandcamp.

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