Le rappeur de Pretoria avait prévenu son public avec son gimmick « ase trap tse ke pina tsa ko kasi » : « C’est pas de la trap, c’est de la vraie musique de rue ».
Il y a trois ans, Focalistic était encore un inconnu du grand public. Dévoilé à l’Afrique du Sud en 2018 par le duo Major League DJz et le titre rap « 19 Tobetsa », le rappeur a enchaîné avec une multitude d’EPs et de singles, pour devenir en l’espace de deux ans l’un des artistes les plus prometteurs du paysage musical national. Son super-pouvoir ? Sa formidable capacité à marier le rap avec les musiques électroniques en vogue. Son ascension fulgurante lui a donné le surnom de « Pitori Maradona » (le Maradona de Pretoria) ; en 2020, entre deux EPs et l’énorme hit « Ke Star », la balle était dans son camp. Et le but a été marqué avec Sghubu Ses Excellent. « C’est un grand pas dans ma carrière ! Mais ce n’est pas mon premier album. Mon premier album sortira sur des labels internationaux », nous dit-il, taquin.
« Sghubu Ses Excellent, c’est une affirmation », poursuit-il. « Sghubu, traditionnellement, c’est de la musique de rue, faite par des gens de la rue, seulement appréciée par la rue… jusqu’à récemment. Maintenant, c’est commercialement viable et on le fait à son niveau le plus excellent. On est en train d’élever l’image du ghetto. » Dans les ghettos dont parle Focalitic, les genres les plus populaires sont probablement les musiques électroniques sud-africaines et le rap. L’artiste a décidé de ne pas faire de compromis entre son background hip-hop et ce que les siens écoutent en fusionnant simplement les deux, rappant sur le genre le plus en vogue d’Afrique Australe : l’amapiano. « Et ce qui me rend spécial, c’est que je le fais spécifiquement en Sepitori [argot de Pretoria] », ajoute-t-il fièrement. « Beaucoup de gens pensent qu’il faut venir de Durban, faire de la musique en Zulu ou en anglais, et moi, ça a toujours été le Sepitori. C’est ça qui apporte l’ambiance. » Pour être au top des deux scènes qu’il a associées, le rappeur a su bien s’entourer, invitant sur le projet des géants de la house national (DJ Maphorisa, Kabza Da Small, Tyler ICU, Vigro Deep, JazziDisciples) et des rappeurs féroces (Riky Rick, 25K) : « il fallait vraiment trouver les meilleures chansons des différents producteurs, c’est pour ça qu’il y’a tellement d’invités », dit-il en riant. « Travailler avec autant d’artistes, c’était pour mettre en lumière tous ceux qui façonnent mon son. Il y a DJ Maphorisa, par exemple, qui a un couplet de rap et qui a fait le beat sur “In Your Mind” ».
De cette volonté de réunir la crème des producteurs et rappeurs sud-africains est né un EP chargé de couches de synthétiseurs sombres et intimidantes, agrémentées par les punchlines du rappeur et l’irrésistible lenteur rythmée de l’amapiano. Cette recette ultra-efficace a été appliquée sur la plupart des titres (« Phalafala », « Vrr Phaa », « Tashkuma »…) et s’est révélée fructueuse, « Onoroko » et « Blecke » étant déjà des hits de boîtes de nuit au pays. Bien que ponctué par quelques titres plus jazzy et légers comme « Billion » ou « City on Fire », le projet est globalement cru et fidèle au talent brut de l’Afrique du Sud. Sera-t-il compris à l’extérieur du pays ? « Oui, c’est aussi mon objectif de conquérir du marché international », répond Focalistic. « Mais il y a une chose sur laquelle les gens se trompent toujours, c’est de vouloir conquérir le marché international avec des sonorités internationales. Au contraire, il faut être aussi aussi brut que possible, être comme là d’où l’on vient. Le monde veut voir des choses différentes, il s’intéresse à l’endroit où vous avez grandi, à ce qui se passe ici. C’est la manière la plus authentique que je connaisse de faire de la musique. » En effet, se tourner vers le monde ne signifie pas tourner le dos à ses racines, et Focalistic le sait très bien. Il a même dédié « City on Fire » à ses fans, le Squad Se Maradona, en intégrant leurs notes vocales au morceau. « Si vous vous êtes déjà baladés dans les rues d’Afrique du Sud, vous êtes forcément un fan de Focalistic », nous dit-il. « Ma fanbase s’est agrandie, grosse dédicace à eux. Mon but, c’est de les faire se découvrir à eux-mêmes, de les faire réaliser que plutôt que de vouloir la dernière chose tape-à-l’œil, il vaut mieux être soi-même. C’est mon objectif principal et attention, il pourrait même y avoir un Sghubu Ses Excellent Volume 2… ».
Écoutez Focalistic dans notre playlist Songs of the Week sur Spotify et Deezer et retrouvez l’album complet ici.