Comme de nombreux artistes avant elle, l’humble lauréate du BET Award Sha Sha n’a jamais pensé qu’elle pourrait un jour faire carrière dans la musique. Pourtant, il est rapidement devenu évident qu’elle devait le faire, et cette évidence s’est d’abord imposée à son ami. À Mutare, alors adolescente, elle se destine à devenir infirmière, la musique n’étant alors pour elle qu’un passe-temps. Son ami néanmoins a jugé bon d’envoyer sa musique à une célèbre station de radio zimbabwéenne. « Les producteurs de l’émission ont trouvé que cette chanson était démentielle et ça a rapidement commencé à faire parler », raconte-t-elle. « J’ai réalisé que c’était ce que je devais faire et que je devais abandonner cette idée de devenir infirmière . Elle attire rapidement l’attention du chanteur zimbabwéen Audius Mtawarira, qui devient son mentor. Sha Sha part vivre à Harare. « J’ai juste eu la chance que mes deux parents ne soient pas dans le pays parce que je sais que ma mère m’aurait traînée de force à l’école . Les heureuses coïncidences s’enchaînent lorsqu’elle croise le chemin de DJ Maphorisa après s’être installée en Afrique du Sud, par l’intermédiaire d’un chauffeur de taxi qui les présente. Deux ans plus tard, elle sort son EP Blossom sous le label de DJ Maphorisa, Blaqboy Music. Cependant, cette histoire à succès n’est qu’une version simplifiée du parcours de Charmaine Shamiso Mapimbiro pour devenir la reine de l’amapiano aujourd’hui connue sous le nom de Sha Sha.
« Je n’arrive pas à croire tout ce qui a pu se passer en quelques années, car il m’a fallu beaucoup de temps pour en arriver là, beaucoup de travail, de larmes, de hauts et de bas ». Cette ténacité, Sha Sha la tient de sa mère, son modèle. « Ma mère est l’une des personnes les plus fortes que je connaisse, qui n’a jamais rien lâché tout au long de sa vie. » Étrangement, le parcours de Sha Sha n’est pas aussi direct que l’on pourrait le croire. La reine de l’amapiano ne s’est ainsi pas naturellement penchée vers l’amapiano. Ce genre est devenu son style de prédilection qu’à travers sa collaboration avec DJ Maphorisa. Mais, l’amapiano possède cette caractéristique bien spécifique, d’avoir fait fusionner différents genres musicaux qui avaient initialement séduit Sha Sha. « Dès le début de ma carrière, c’est-à-dire en 2014, j’ai fait toutes sortes de sons. J’ai fait de l’EDM à un moment donné, j’ai fait de l’alternatif à un moment donné. J’ai fait de la country à un moment donné ! » confesse l’artiste comme s’il s’agissait d’un passé honteux. « C’est tout un cheminement pour trouver sa voix. »
Pourtant, la démarche ne semble pas si absurde au vu de sa conception de l’amapiano que Sha Sha voit comme un « style de vie . « L’amapiano a évolué vers différents types de sons : il peut s’agir d’une simple vibe, du rythme des log drums sur lequel on va rapper, ou d’une certain type de musicalité. Il y a plein de sous-genres et tout le monde peut s’y retrouver », précise Sha Sha. « Pour moi, la musique en fin de compte et ces différents genres musicaux sont tant de façons différentes de m’exprimer. » Un processus théorisé par la chanteuse qui estime qu’il est nécessaire pour un artiste d’être exposé à différents sons s’il souhaite rester créatif. « On ne peut pas rester dans une petite boîte« . En effet, dans son prochain album, Sha Sha ne s’est pas retenue et explore pleinement son côté R&B. Un choix artistique facilement apparent dans ses derniers singles sortis « Give Me Something » avec la chanteuse sud-africaine Rowlene et « Themba Lami » avec Ami Faku. « J’ai essayé de puiser dans ces différents espaces avec mon album : ampiano, afro-piano, un peu de R&B, quelques belles ballades… il faut juste se laisser aller ».
Si cela semble naturel pour Sha Sha, c’est en réalité preuve de sa grande ténacité. Fruit de deux années de travail, I’m Alive a permis à l’artiste surmonter une période de transition et de défis majeurs. Sha Sha assimile ce processus de création à une « thérapie ». « Ça traite de beaucoup de thèmes émotionnels », résume-t-elle. « C’est une introspection de mon voyage avec Dieu, avec l’amour et pour me trouver moi-même« . Le besoin d’aller de l’avant lui a permis de surmonter les nombreux obstacles dressés sur sa route, notamment les retombées d’un concert manqué au Victoria Falls Carnival, dans son pays natal, puis la rupture avec Lawk Communications, son ancienne société de management qui s’occupait des réservations. Un simple cas de « mauvaise communication » selon Sha Sha qui a pourtant retardé la sortie de son album d’un mois. « À la fin de la journée, il faut avancer, essayer de rester positif pour trouver comment aller de l’avant« . L’artiste qui, manifestement, voit toujours le verre à moitié plein en a profité pour signer avec Black Major, une société qui « a permis à des artistes de percer à l’international ».
Sha Sha songe toujours à l’après. Assise dans sa chambre d’hôtel à Londres, où elle se rend pour la première fois, elle est convaincue qu’elle doit diffuser l’amapiano en dehors de son lieu de naissance. « C’est la direction que je veux prendre parce que je pense que je suis arrivée à un certain point avec l’Afrique australe ». Sha Sha rêve de « grands spectacles et de grosses productions, de remplir des stades ». Un projet très ambitieux car la scène de Sha Sha est très largement dominée par les hommes : « Certains artistes hommes y parviennent comme Wizkid, Burna Boy et Cassper Nyovest, mais à l’inverse, je n’ai pas vu beaucoup de femmes au même niveau ». En effet, les femmes dans l’amapiano sont régulièrement les victimes de nombreuses formes d’abus émanant d’une industrie impitoyable et des médias locaux. « J’ai eu de la chance, mais j’ai entendu tellement d’histoires et je suis de tout cœur avec ces femmes », déclare la chanteuse. « Que faisons-nous pour changer réellement la situation ? C’est un bon début que d’en parler. Mais pour que nous puissions enfin voir ce changement, il faut faire plus, parce que ces histoires, elles ne s’arrêtent pas. » Il ne fait aucun doute que Sha Sha fera partie du changement qu’elle espère voir se produire, tant elle fait preuve de détermination pour atteindre les objectifs qu’elle se fixe.
I’m Alive, disponible le 23 septembre.