Produit à l’origine en 1985 mais jamais commercialisé, cet album éponyme du compositeur brésilien George Sauma Jr marque sa fascination pour le groove disco-funky, un genre musical inscrit dans la lignée du mouvement Black Power brésilien des années 70.
En plus d’être une sortie exclusive du chanteur et compositeur de Rio de Janeiro, cet album produit en 1985 présente aussi le travail de deux grandes figures de la musique brésilienne : Arthur Verocai et Junior Mendes ! Un album indispensable pour tous les aficionados de la musique brésilienne.
À l’époque, George Sauma Jr. était un jeune artiste de Rio de Janeiro, apprenant en autodidacte à jouer des accords et composer des chansons depuis l’âge de 10 ans. À l’université, il est influencé par des artistes brésiliens comme Cassiano ou Tim Maia, le père de la soul brésilienne. Profondément fasciné par la « levada » (le groove) de toutes ces nouvelles chansons brésiliennes, George Sauma Jr. décide de se lancer à corps et âme dans ces nouveaux rythmes soul et funk.
Vers 1985, l’histoire prend un tournant inattendu. George raconte : « la mère de Junior Mendes était candidate au poste de député et est allée dans l’entreprise de mon père pour faire de la publicité. Quand je l’ai vue, j’ai crié : « Je suis une grande fan de votre fils ! » » Bien sûr, elle ne pouvait pas faire d’éloges sur le travail de son fils. Sur ses conseils, George se rendit à son studio sur la Rua Siqueria Campos à Copacabana. Junior a adoré le projet et l’a envoyé chez Arthur Verocai pour améliorer les arrangements. Sans argent, la décision fut tout de même prise de tout enregistrer au studio de Junior Mendes. C’était un petit montage, mais l’émotion étaient au rendez-vous ! George avait sûrement d’autres plans pour certaines de ses chansons mais sans le budget, ils ont fini par faire tout ce qu’ils pouvaient. Et ils se sont très bien débrouillés avec une équipe de musiciens de premier plan : Paulo Black à la batterie, Arthur Verocai à la guitare, Ricardo Do Canto à la basse et Helvius Vilela aux claviers.
En quittant le studio avec les cassettes, George a essayé de frapper aux portes des labels internationaux, mais aucun n’a pris la peine de lui répondre. Avec moins de 1000 copies pressées à l’époque et sans aucun distributeur ou label derrière lui, il s’est rendu avec fierté dans les magasins de disques, mais n’a reçu qu’un rappel brutal à la réalité concernant les difficultés pour un jeune artiste brésilien de réussir quelque chose sur le marché saturé des années 80. Même gratuitement, les magasins de disques n’en voulaient pas. Finalement, il a fini par en donner des copies à ses amis et à sa famille, sachant au fond de lui que les chansons étaient bonnes ! George raconte : « J’ai décidé de partir, calme et conscient. J’ai quand même fait trois autres albums, mais sur cassette, car c’était plus abordable. Cette fois, juste pour mon plaisir… ». Trente-cinq ans plus tard, c’est avec beaucoup d’émotion que ce premier album de George Sauma Jr. peut enfin avoir la reconnaissance qu’il mérite.
Mais comment expliquer qu’un disque aussi bon soit complètement ignoré des labels internationaux de l’époque ? Dans les années 70, la musique brésilienne connaît une forte reconnaissance internationale, notamment en France et aux États-Unis, mais c’est seulement la partie considérée comme la plus exotique qui s’exporte (samba, danse tropicale et fièvre du carnaval). Ces visions standardisées de la culture brésilienne rejettent la figure de l’afro-brésilien et par conséquent, les genres musicaux inscrits dans la lignée du mouvement Black Power brésilien des années 70, c’est-à-dire le funk et le disco, deux styles importés des États-Unis qui ont complètement été occultés par la dictature brésilienne de l’époque. Pourtant la sambafunk, le disco brasil et le funkjazz brésilien ont connu un grand engouement dans le pays du samba grâce à des chanteurs tels que Tony Tornado, Miguel de Deus, Lady Zu et Tim Maia, qui ont produit de nombreux tubes, donnant finalement naissance au Mouvement Black Rio, lequel inspira à son tour le nom d’un groupe, la Banda Black Rio. Si ce sont principalement les afro-descendants qui ont été fascinés par cette musique, c’est que les décolonisations africaines, la lutte pour les droits civiques aux États-Unis et la mise en place de la dictature militaire du Brésil, ont contribué à la radicalisation du mouvement et à la recherche de modèles musicaux provenant de l’extérieur du Brésil, dans l’espoir d’un grand mouvement panafricain international pour la défense des afro-brésiliens, comme le souhaitait le militant anti-racisme et écrivain Abdias do Nascimento.
L’album GEORGE SAUMA JR. sortira le 22 février via Favorite Recordings.