Plus de dix ans après avoir quitté la métropole pour rejoindre La Réunion, Kwalud et Betnwaar sortent l’EP 1, un premier essai convaincant inspiré par l’authenticité des cultures créoles et l’énergie de la scène club globale. Discussion avec les intéressés.
« On cultive une forme de lyrisme déglingué, on imagine des épopées de fortune. » C’est par ces mots que le duo Pangar résume une complémentarité bâtie sur des années passées ensemble derrière les platines ou aux commandes de l’organisation d’évènements. C’est certain, les cinq morceaux de ce premier EP nourrissent ce sentiment évident que nous n’avons pas affaire à des débutants. « Kwalud, qui a une longue expérience de producteur, aussi pour le spectacle vivant, arrive souvent avec des idées plus ou moins écrites qu’on mûrit et qu’on développe ensemble », nous dit l’un pour tenter d’exprimer le fonctionnement du tandem. « Chaque morceau raconte une histoire, sur laquelle Betnwaar mettra aussi souvent des mots », complète l’autre, même si le message principal résonne déjà dans leur nom de scène. La musique de Pangar — « Prends garde » en créole — sonne en effet comme un avertissement.
Entre gqom insulaire et UK bass ardente, les deux développent un style avant-gardiste inhérent à leur parcours et à leur statut de « Parisiens rendus Zorey à la Rényon depuis de longues années », à l’image du puissant morceau « 12 » en collaboration avec Ann O’Aro, qui représente la nouvelle génération du maloya. Naturellement proche des familles Blanc Manioc, Nyege Nyege ou Eumolpe, Pangar s’inscrit illico avec classe et brutalité dans cette prolifique scène créole qui injecte l’ADN du maloya et des polyrythmies dans les veines d’une bass music massive, qui semble extraire sa force de la Terre. « Le patrimoine musical réunionnais est riche et singulier », affirment-ils avant de dévoiler leurs influences majeures. « Au-delà des nombreux artistes de l’île que nous admirons, depuis Alain Peters ou Simon Lagarrigue (RIP), en passant par Danyel bien sûr, Lindigo, Ann O’aro ou Zanmari Baré, nous nous inspirons de l’utilisation massive des percussions et des rythmiques ternaires ou ‘bernaires’ qui empruntent au maloya et à l’héritage zarab ou malbar. »
La turbine grinçante de « $ea66 », le beat féroce de « Pangar » ou les airs gabber de l’implacable « Tuvan » laissent penser que les Parisiens ont absorbé comme des éponges une culture qui leur colle aujourd’hui à la peau même si elle n’était pas la leur, la mêlant sans vergogne à leur expérience des dancefloors. Si le titre minimaliste de l’EP semble suggérer une suite, le duo avoue s’être simplement ouvert la porte vers un couloir sombre, certains néanmoins d’y trouver une lumière à la sortie : « les époques défilent et les musiques magnifiques pleuvent. Une forme d’urgence s’exprime partout et crie à la barbe d’élites économiques et politiques mondiales toujours plus décadentes. On veut rester singulier et aller vers plus de liberté encore, plus d’abstraction, plus de radicalité. On souhaite également poursuivre les échanges et les collaborations avec les artistes de la Réunion qu’on aime. PANGAR ! »
L’EP sortira le 18 septembre sur la prolifique structure InFiné. Précommandez-le ici.