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The Pan African Music Magazine
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5 classiques de la Côte d'Ivoire des années 90

En Côte d’Ivoire, la décennie voit l’émergence d’une musique inédite, le zouglou. Mais aussi l’éclosion d’une future star du reggae, Tiken Jah Fakoly. De « Gboglo Koffi » à « Premier Gaou » en passant par « Mangercratie », nos cinq classiques ivoiriens des années 90.

Dans la Côte d’Ivoire des années 90, les incertitudes et l’instabilité politique succèdent à la crise économique des années 80. Les jeunes artistes qui émergent sont d’ailleurs les enfants de la décennie précédente qui a vu les cours du café et du cacao chuter, et avec eux le modèle de développement ivoirien qui avait su profiter à leurs parents. Ce déclassement concerne tout le pays, mais en particulier les étudiants qui autrefois jouissaient d’un prestige certain, et de bourses conséquentes. Bourses et prestige ont fondu avec la crise, et on comprend alors comment le zouglou, le nouveau son qui va marquer toute la décennie, nait sur ce terreau et prospère au point de devenir, comme le soulignait le philosophe Yacouba Konaté, la première musique véritablement nationale de Côte d’Ivoire. Reflet du creuset urbain abidjanais, elle puise aux sources de toutes les ethnies et introduit le nouchi, l’argot populaire de la rue qui est aujourd’hui passé dans presque toutes les couches de la société. Cette musique, tout comme le reggae avec l’éclosion de Tiken Jah Fakoly, fera la bande son d’une décennie mouvementée, qui commence avec la fin du parti unique, le décès de l’indéboulonnable Président Félix Houphouët-Boigny, la lutte pour sa succession, et se termine avec le premier coup d’État de l’histoire du pays. La Cote d’Ivoire est « mélangée ». Malheureusement, ce n’était là que le début de sa descente aux enfers.


Didier Bilé et les Parents du Campus — Gboglo Koffi (1991)

Sortie de nulle part, la cassette Zougloudance de Didier Bilé et Les Parents du Campus a pris tout le monde au dépourvu en 1991 avec son méga tube « Gboglo Koffi ».

Avec des instruments sommaires, percussions, bouteilles et cloches, ces étudiants apprentis musiciens exécutent une musique élémentaire nourrie des rythmes de l’Alloukou, un style populaire des Bété du centre-ouest de la Côte d’Ivoire. Imbibés d’humour, les textes chroniquent le dénuement des Ivoiriens, notamment celui des étudiants dont le panache des glorieuses années de croissance s’est étiolé avec le tarissement des caisses de l’État au fil des années 80. 

Le laboratoire de création de cette nouvelle expression urbaine ? La cité universitaire de l’immense banlieue populaire de Yopougon, au nord d’Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Bilé Didier et sa bande de joyeux lurons se réunissent tous les soirs après les amphis de l’Université. Tambours et bouteilles sonnants, ils rythment leurs chants exutoires et livrent une chorégraphie caractérisée par une stature raide, des mouvements désarticulés, une mimique grimacée, et les bras lancés dans toutes les directions, questionnant les esprits de l’univers sur leur condition sociale.

La pantomime illustre le texte des chansons qui disent le mal de vivre des jeunes en général et des étudiants en particulier. Les passants offusqués leur balançaient ainsi leur mépris: «…O ti lê zouglou!», (en dialecte baoulé, ils sont entassés comme des ordures). La bande cueille ce mot dédaigneux au vol et donne le nom « Zouglou » à leur création musicale. Zougloudance s’est écoulera à plus de 90.000 exemplaires en quelques semaines. 


Les Go du Koteba — Bara (1993)

En réponse à la déconsidération du métier d’artiste, « Bara » des « Go » du Koteba assène un uppercut à tous ceux qui pensent encore que les comédiens, les chanteurs, les danseurs et autres ne font qu’un travail de vauriens. Chantée en Dioula, les jeunes filles du Koteba incarnent dans la chanson celles qui ont choisi ces différents métiers, et rappellent les insultes et autres humiliations dont elles sont victimes comme tous ceux qui ont suivi le même chemin. Et pourtant, disent-elles, le travail d’artiste ne peut qu’être épanouissant et contribuer comme n’importe quel autre au développement des communautés. Le texte de la chanson fait un clin d’œil, un tantinet laudateur à feu Souleymane Koly, le fondateur et directeur artistique de l’Ensemble Koteba d’Abidjan, une compagnie résolument urbaine d’inspiration traditionnelle conjuguant, d’après son slogan, l’Afrique au futur.

S’inspirant du théâtre traditionnel malien le « Koteba », feu Souleymane Koly, sociologue de formation, crée « Le Koteba d’Abidjan » au milieu des années 70 avec des jeunes qu’il recrute dans les quartiers populaires du grand Abidjan. De longs mois durant, il les forme au chant, à la danse et à la comédie. À partir de 1975, les productions s’enchaînent: « Eh Didi Yako » raconte les soubresauts d’une adolescente que les parents enverront se ressourcer dans son village d’origine. « Adama Champion », relatent les mésaventures d’une star du football retombée dans l’anonymat suite à une blessure lors d’un match qui l’éjectera des stades. En 1993, le Maestro Koly réunit trois des jeunes comédiennes et danseuses de la compagnie, et forme le module groupe baptisé « Les Go du Koteba » (les filles du Koteba). Le sixième titre de leur album, « Bara » (« le travail » en malinké, s’impose tube de l’année et élargit l’envergure de l’ensemble Koteba d’Abidjan, qui tournera ses différents spectacles en Afrique, en France et aux États-Unis.


Les Poussins chocs — Asec-kotoko (1994)

Avez-vous déjà entendu chanter le compte rendu d’une rencontre de football ? Sinon, écoutez « Asec Kôtôkô » du groupe de zouglou « Les Poussins Chocs » d’Abidjan. Cet exercice inédit sur fond de drame est d’une croustillance sans pareille…

Dans la compétition de la Coupe d’Afrique des clubs champions de l’année 1993, l’Asec d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et le Kôtôkô de Koumassi (Ghana) s’affrontent. Au match aller, l’Asec l’emporte à Abidjan par trois buts à un. Mais au match retour au Ghana, l’Asec connaît le plus grand drame de son histoire. Des dizaines de cars de supporteurs ivoiriens sont pris d’assaut et saccagés par des hooligans ghanéens. Les Actionnaires (le nom des supporteurs de l’Asec), les dirigeants et les joueurs sont violentés dans les vestiaires avant et après le match. Certains meurent des suites de leurs blessures. Le lendemain du match, la riposte est fatale à Abidjan. Les ateliers, les commerces et les domiciles de nombreux Ghanéens vivants à Abidjan sont saccagés. En 1994, un an après ce drame, Les Poussins Choc consignent dans la chanson « Asec Kôtôkô » les élucubrations d’un jeune ivoirien et sa belle Ghanéenne. Il se trouve que le marché des péripatéticiennes est alors dominé par les Ghanéennes sur l’ensemble du territoire ivoirien. La bourrasque des agressions apaisée, notre jeune ivoirien va retrouver sa Ghanéenne vendeuse d’amour. Enjaillement garanti à 300 CFA (0,46 euro)… Elle lui rappelle les agressions et le pillage subis par les Ghanéens un an plus tôt et le somme de dégager de sa vue. Dorénavant, lui et ses compatriotes feront l’amour avec les chiens…

Après « Gboglo Koffi » de Bilé Didier, « Asec Kôtôkô » provoque la deuxième grosse tornade de la décennie 90 du genre zouglou. 


Tiken Jah Fakoly — Mangercratie (1997)

« On a vu toutes les autres Craties, maintenant on veut la Mangécratie ou rien… »Entendez « On a entendu tous les discours de la Démocratie, maintenant, on veut nous aussi manger à notre faim. » Ce cri de dépit introduit « Mangercratie », le titre qui installera Tiken Jah Fakoly sur le haut du podium de la musique ivoirienne en 1995. À charge contre les hommes politiques, l’album éponyme interpèle par ailleurs les citoyens révoltés qui se sont illustrés par la déprédation des structures publiques lors des élections présidentielles cette même année dans « Plus Jamais Ça » ou restitue la lignée généalogique de Tiken, celle de Fakoly Kourouma dans «Le Descendant ». Dès sa sortie ce mois de décembre 95 en Côte d’Ivoire avant d’inonder la France en 96, « Mangécratie » tourne en boucle sur la bande FM et s’impose en hymne de toutes les manifestions de protestation sociale ou politique, durant lesquelles les marcheurs reprenaient en chœur la phrase emblématique « allez dire aux hommes politiques qu’ils enlèvent nos noms dans leur bizness, on a tout compris… […] c’est toujours le même scénario, les marchands d’illusion sont là, ils allument le feu, ils l’activent, et après, ils viennent jouer aux pompiers : on a tout compris… ».

Un texte posé et incisif, lanceur d’alerte, hautement explicite. L’album se vendra à plus de 500 000 exemplaires sans compter les innombrables copies pirates vendues sous le manteau. Au cœur de cette décennie 90, Tiken Jah Fakoly est estampillé « Nouveau Prophète du Reggae ivoirien ».


Magic System – Premier Gaou (1999)

« Premier Gaou » de Magic System, cas d’école ? Pourquoi pas ! En tout cas il offre une fenêtre grande ouverte pour analyser les symptômes de la fièvre économique dont souffre la Côte d’Ivoire depuis plus d’une décennie, mais la problématique des relations amoureuses ou encore le culte des stars de la musique… Le texte de « Premier Gaou » s’inspire d’un jeune tombé dans la dèche, qui se fait lourder par sa petite amie dès lors qu’il devient incapable de l’entretenir et de l’inviter dans les maquis de la Rue Princesse de Yopougon ou aux Mille Maquis de Marcory… Plus d’un mélomane se reconnaît dans cette chronique. Originaire du quartier populaire de Marcory-Anoumabo à Abidjan, Salif Traoré dit A’salfo, Goudé, Tino et Manadja, débutent dans un collectif d’animation de plus de 50 membres dit groupe de « Woyo » (bruit en Dioula). Ils s’illustrent dans l’animation des compétitions scolaires et sportives, creuset de l’essentiel des groupes comme System Gazeur, Les parents du Campus, Esprit de Yop, Les Surchocs ou encore Les Salopards. Le collectif déjà baptisé Magic System se recentre sur huit personnes puis se divise en deux groupes (car pour aller jouer, on ne peut rentrer qu’à quatre dans un taxi) : les Marabouts d’un côté, et de l’autre les Magic System formés par A’salfo et ses trois copains. « Papitou », la première cassette produite par Claude Bassolé n’a qu’un timide succès. Echaudé, le producteur ne remet pas le couvert. Voilà nos quatre larrons dans la dèche. Mais on annonce qu’un télé-crochet doit faire escale chez eux, dans la commune de Marcory. Les magiciens doivent présenter quelque chose de nouveau, et enregistrent nuitamment une version qui demande à être peaufinée. Mais testée dans les maquis, elle prend comme un feu de brousse, et c’est cette version qui deviendra un des plus grands tubes de l’histoire ivoirienne, dans le pays comme à l’étranger. Leur manager, Angelo Kabila, réalise dans la foulée l’album éponyme, Premier Gaou (gaou = péquenaud, NDLR) en 1999, qui les installe au sommet. Les bénéfices de leur succès artistique et commercial et leur carrière internationale leur permettent depuis 2008 d’offrir écoles, centres de santés à tout le pays et un festival, le FEMUA (Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo) à Anoumabo, leur commune d’origine. 

Découvrez également les 5 classiques de la Côte d’Ivoire des années 60, 70 et 80.
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