fbpx → Passer directement au contenu principal
The Pan African Music Magazine
©2024 PAM Magazine - Design par Trafik - Site par Moonshine - Tous droits réservés. IDOL MEDIA, une division du groupe IDOL.
Le lien a été copié
Le lien n'a pas pu être copié.

5 classiques de la Côte d'Ivoire des années 70

L’œil toujours dans le rétroviseur, PAM passe en revue 5 titres phares des années 70 dans une Côte d’Ivoire alors en plein boom économique qui accouche d’un foisonnement de styles et d’artistes. Une sélection forcément non exhaustive.


Amédée Pierre & l’Ivoiro Star — Moussio Moussio

La figure la plus emblématique des années 70 restera Amédé Pierre. Avec son orchestre l’Ivoiro Star, le chanteur a su s’imprégner de la poésie orale des Bété (ethnie du centre ouest de la Côte d’Ivoire dont il est lui-même issu) pour forger son écriture musicale où la lettre camoufle son esprit, renfermant une autre signification. Exactement comme le font les Azmaris, ces troubadours chanteurs et musiciens éthiopiens, champions du double sens, qui masquent sous leurs chansons d’amour leur critique sociale et politique. 

« Moussio Moussio » (« il brûle, il brûle »), composée en début de carrière, sera réeditée au cours de ses glorieuses années 70. En cette décennie du boom économique de la Côte d’Ivoire, cette chanson écrite en bété (la langue maternelle d’Amédée Pierre) tourne en boucle sur la FM de la radio nationale. Et tous ceux qui ne parlaient pas la langue pensaient que « Moussio Moussio » c’était « Monsieur Monsieur » et se demandaient « … mais qui est donc ce monsieur que chante le Dopé national ? » Dopé en Bété, c’est le rossignol. Et c’est le sobriquet gagné par Amédée pour la pureté de sa voix. Cette composition fustige le pouvoir colonial prédateur des richesses du pays et les nouveaux pouvoirs post-indépendance. La chanson dit en substance :  

« Il brûle ! Il brûle ! Mon trésor s’est consumé ! On a mis le feu au tronc d’arbre.

Qui renfermait notre richesse. On a tué ma fille, ma richesse potentielle ».

Dans la mémoire collective des Ivoiriens, Amédée Pierre demeure le premier artiste poète chanteur ivoirien a fouler les planches de la mythique salle parisienne de l’Olympia. C’était en 1972 à l’occasion des journées culturelles organisées par les étudiants de Côte d’Ivoire en France. Après une carrière de plus de 50 ans, Naounou Digbeu dit Amédée Pierre s’est éteint le 30 octobre 2011 dans la commune de Treichville (Abidjan), en Côte d’Ivoire.


Ernesto Djédjé — Adjissè

Dans le centre ouest de la Côte d’Ivoire à Tahiraguhé, les chanteurs et danseurs qui animent les cérémonies traditionnelles y découvrent un gamin souple, doté d’un sens époustouflant du rythme. Il n’a que 10 ans et se nomme Ernest Djédjé Blé Loué. Ils décident de l’initier au chant et à la danse du « Tohourou », le genre musical et chorégraphique traditionnel le plus populaire de la région. Vingt ans plus tard, après avoir fait ses classes de musicien guitariste dans l’Ivoiro Star d’Amédé Pierre, l’enfant prodigue – qui se fait désormais appeler Ernesto Djédjé invente un cocktail gorgé de Tohurou, de Soul, de Rythm & Blues, de Funk, de Disco, d’Afro Beat et lui donne le nom de « Ziglibithy ».

En 1975, « Adjissè », le premier 45 tours anonciateur du genre déboule par effraction sur les antennes de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI). Une bombe !!! 

Vous n’avez pas Aguissè dans votre surboum, dans votre mariage ou dans vos funérailles, on range votre fête dans la catégorie de celles organisées par les gaou, entendez les broussards, les péquenots.

Réalisé en 1977 par le producteur nigérian Raïmi Gbadamassi « Badmos », le premier 33T de Djédjé aura nécessité six mois de retraite dans les studios de Lagos au Nigéria. L’effet ravageur de ce LP sur les antennes ivoiriennes confirmera le génie créateur du petit danseur du Tohourou. 

Mort prématurément en juin 1983, à l’âge de 35 ans, Ernesto Djédjé est reconnu comme le premier artiste ivoirien à faire danser toute l’Afrique subsaharienne.


Aïcha Kone — Zata

Malgré la noblesse de sa lignée et la ferme opposition de son père, Aïcha Koné défie l’autorité familiale et entre en musique comme choriste dans l’orchestre de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (ORTI), dirigé alors par Manu Dibango. Elle a tout au plus vingt ans. En deux temps — trois mouvements, elle séduit public et producteurs. Et en moins d’une année de prestation dans les lives des émissions de la télé ivoirienne, elle est invitée dans un festival en Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso. Elle y chantera — lors d’une nuit de concert — tour à tour quinze fois « ’Mousso Gnalé »’ et « ’Kilimandjaro »’ de Myriam Makeba, les deux seules chansons de son répertoire. Les spectateurs voltaïques, bons publics, ne lui en tiennent pas rigueur et l’applaudissent à tout rompre… Ce tour de force fait dire aux médisants Ivoiriens que c’est pour cela qu’Aïcha Koné roule ses gros yeux au moins quinze fois dans tous ses concerts pour harponner son public. 

Après la parution de son premier 45 tours « Denikeleni » en 1979, arrangé par Boncana Maïga (qui a succédé à Manu Dibango à la tête de l’ORTI), Aïcha Koné surligne sa jeune carrière avec « Zata », chronique dénonçant le phénomène des disparitions des jeunes filles dans le pays. Tous les publics ouest-africains l’applaudissent des quatre mains.

Ses quatre décennies de scène l’ont couronnée de deux disques d’or, et d’une myriade de distinctions. Estampillée « Diva de la chanson ivoirienne », Aïcha rappelle qu’elle a dû se cacher pour passer le concours de l’Institut National des Arts (INA) et apprendre à chanter en faisant croire à sa famille qu’elle faisait du théâtre.


Doh Albert & Houon Pierre du Bélier Andralex — Moya

Quand, dans la fraîcheur de l’harmatan de cette année 1979, « Moya » du Bélier Andralex est diffusé pour la première fois dans la matinale de Radio Côte d’Ivoire, la chanson inonde tout le carré ivoirien comme ces grosses tornades des rudes saisons hivernales. Les auditeurs découvrent un duo sorti de nulle part avec une composition chantée dans un français créolisé typique du parler populaire ivoirien.

J’ai envoyé Kouakou,
Kouakou dit je pati pas ô

(J’ai demandé à Kouakou d’effectuer une course pour moi, Kouakou a refusé)

J’ai appelé son maman,
Son maman dit Kouakou lé comme çà.

(j’ai informé sa maman, de l’incorrection de son enfant, sa maman me répond qu’il est incorrigible)


La chanson est accueillie aux quatre coins du pays comme une leçon de morale plus qu’à propos. L’album sera vendu à plus de 130 000 exemplaires, un record inédit. 

Doh Albert et son frère cadet Houon Pierre doivent leur carrière d’artiste musicien à Alexandre leur aîné, fondateur de l’ébénisterie « André et Alex » dont la réussite lui permettra d’offrir un orchestre flambant neuf à ses petits-frères. La formation prend le nom de l’entreprise familiale et s’affiche : « Le Bélier Andralex ». Au bout de six mois de répétition dans le hangar de l’ébénisterie, le producteur Lassissi du label Sacodis, sis à Treicheville, les embarque à Lagos, la capitale nigériane où ils enregistrent l’album « Doh Albert et Houon Pierre du Bélier Andralex » 

Quand le combo éclate, Doh Albert se reconvertit dans le commerce et émigre en France où il décède à Metz en 2005.

Quant à Houon Pierre (père de DJ Arafat), il devient ingénieur de son et producteur de nombreux jeunes artistes, avant de décéder à son tour en 2012.


Bailly Spinto — Taxi Sougnon

En 1979, Gallet Bailly Sulvestre aka Bailly Spinto, fraîchement sortie de l’école de musique de Paul Beuscher de Paris, débarque avec son premier album à Abidjan, alors capitale politique de la Côte d’Ivoire. L’effervescence écomique du pays est des plus spectaculaires. Le bâtiment va bon train, les usines poussent comme des champignons, et le développement des transports publics —taxis urbains compris — croit de manière spectaculaire. Bref, comme on dit à Abidjan, « l’argent circule comme les taxis ». C’est au crépuscule de cette décennie glorieuse que Bailly Spinto annonce son album dont le premier titre est justement « Taxi Sougnon » (chauffeur de taxi en bété, sa langue maternelle). Sa voix de crooner supplie le chauffeur de taxi de le conduire jusqu’à sa bien-aimée. Il faut préciser que malgré l’importance du parc de taxis, la demande est plus élevée que l’offre. Et les taxis ne sont pas toujours gentils — comme le chantera plus tard le Burkinabé Amadou Ballaké. Ce sont eux qui décident les destinations qu’ils préfèrent et le client doit suivre, ou bien ne pas embarquer. Les auditeurs de l’époque reçoivent donc ce titre comme un plaidoyer pour le client, en demandant au chauffeur de taxi de la compréhension. Le succès est phénoménal. Le premier coup d’essai de Bailly Spinto s’avère un coup de maître, et le fera tourner partout en Afrique et jusqu’en France ou aux USA, dans les manifestations des diasporas ivoiriennes. Depuis, il collectionne disques d’or et distinctions diverses comme le grade de Chevalier de l’Ordre National Culturel ivoirien.

Découvrez également les 5 classiques de la Côte d’Ivoire des années 60 et des années 80.
Chargement
Confirmé
Chargement
Confirmé