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The Pan African Music Magazine
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Nsasi, indomptable et incompris

Le collectif Anti-Mass vient de sortir DOXA, un premier EP symbole de la résistance queer électronique en Ouganda. On a discuté avec Nsasi, l’une des têtes pensantes de l’équipe.

Au premier abord, DOXA peut sonner dur et difficile d’accès pour les oreilles les plus fragiles. C’est pourtant par le biais de cette musique bruitiste, parfois agressive mais néanmoins taillée pour les clubs que Nsasi et ses complices Turkana et Authentically Plastic appellent à la liberté d’expression d’une communauté queer encore trop marginalisée en Ouganda. Animés à la fois par une envie de rébellion et d’exploration technoïde des  musiques africaines, le trio modèle des textures rugueuses surplombées de percussions polyrythmiques qui flirtent avec le gqom ou la musique noise et acide. Une expérience sonore qui surprend à chaque virage, qui fait autant danser qu’elle ne déstabilise. Originaire de la ville conservatrice de Jinja, Nsasi a toujours vécu en marge d’une société qui ne lui correspondait pas, suivant les traces de son idole Tshala Muana, icône congolaise pop des années 80 habituée aux scandales. Entre vivre dangereusement et s’exprimer librement, il tente aujourd’hui de faire pencher la balance du bon côté, en s’accrochant aux rythmes traditionnels, les yeux rivés vers un futur qu’il espère le moins dystopique possible. Invité dans notre émission PAM Sound System avec un mix intense et introspectif, l’indomptable Nsasi a aussi pris le temps de répondre à nos questions.

Pan African Music · PAM Sound System @RCV99fm – Episode #34 – Special Guest : NSASI

Comment vous êtes-vous rencontrés avec Authentically Plastic et Turkana, et comment avez-vous décidé de créer l’équipe Anti-Mass ? 

Authentically Plastic et moi avons été présentés par un ami commun de l’époque dans un bar queer friendly à Munyonyo, Kampala. Nous sommes très vite devenus « sœurs ». Notre amour pour la fête et la musique nous ont rapprochés, alors que nous avions déjà le côté queer en commun. Authentically Plastic avait déjà une idée bien mâture de la manière dont elle voulait commencer Anti-Mass, et au départ je l’aidais à trouver des lieux pour les événements. Faisant partie d’une communauté qui est constamment la cible de descentes de police, ce fut pour moi un soulagement de constater que nous avions l’opportunité de construire quelque chose qui nous aiderait à prospérer et grandir en tant que queers créatifs en Ouganda. En quelque sorte, l’équipe était déjà composée parce qu’on sortait déjà ensemble en soirée. En fait, tout s’est passé de manière organique car nous étions tous amis à l’époque, y compris d’autres membres comme le manager Bobby Kolade et Raldy Odil, un autre artiste performer.

Quelle est la philosophie d’Anti-Mass, et que signifie ce terme ?

Anti-Mass représente une section de marginalisés et cherche à soutenir les personnes queer en allant au-delà des espaces pour faire la fête. Le désir de créer et d’avoir des espaces d’expression sûrs dans un contexte social et un climat politique régressifs a favorisé l’idée d’Anti-Mass. Je me souviens des premiers jours d’interaction avec Authentically Plastic, je lui ai demandée ce que ça signifiait, et la réponse sonnait plus comme une référence à « une congrégation de freaks » et de « non pratiquants ». Nous fréquentions un spot du dimanche appelé Ram Bar qui a d’ailleurs fermé suite à des raids constants de la police ciblant la communauté queer. Nous avons naturellement pensé qu’il était nécessaire de créer plus d’espaces queer friendly, avec une politique de régulation des entrées pour trouver un public plus respectueux et moins fauteur de troubles.

© Tim Turyahikayo

De quelle manière combines-tu tes racines musicales traditionnelles avec la musique électronique noise expérimentale ? 

J’aime expérimenter avec tout et n’importe quoi. Mon existence traditionnelle dans la musique est presque limitée, j’ai surtout tendance à guider mes productions vers ce que je ressens dans l’instant. Je possède ce désir de créer quelque chose d’unique et de différent, ça me donne envie d’explorer divers éléments. J’aime me sentir « indiscipliné » et « incompris » mais avec une destination groovy si je peux l’exprimer comme ça. Donc, jusqu’à ce que je puisse pleinement m’identifier à ce que j’entends dans une production, je ne la considérerai pas comme prête.

Est-il difficile d’être un musicien queer en Ouganda ? 

Cela peut être un challenge si tu n’as pas la liberté d’exprimer pleinement qui tu es dans ton art. L’Ouganda met de côté une grande partie des queers créatifs parce c’est considéré comme culturellement inapproprié d’être queer, il est donc difficile de s’identifier en tant qu’artiste queer. Le système est totalement répressif.

Y a-t-il plus d’espaces d’expression pour cette communauté ?

A vrai dire, non. Les espaces sont vraiment limités et constituent une cible privilégiée pour les raids policiers et les tendances violentes à l’homophobie. Nyege Nyege a pourtant joué un grand rôle pour amener l’idée d’art et d’expression sur le terrain, pour encourager l’ouverture d’esprit, créant également cette communauté où les artistes sont libres d’accéder au studio et de travailler ensemble, de partager des idées à travers des ateliers et organiser des soirées. C’est assez unique : utiliser la musique et l’expression pour tamiser les indésirables et les populations « toxiques ».

L’EP DOXA est toujours disponible sur Bandcamp.

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