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The Pan African Music Magazine
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5 classiques du Congo des années 60

PAM vous propose de parcourir plusieurs décennies de musique congolaise à travers une sélection de chansons qui firent date. Aujourd’hui, les années 60.

Si la musique congolaise, et singulièrement la rumba qui en deviendra l’emblème, naissent dès les années 40 avec Paul Kamba (Brazzaville) puis Wendo Kolosoy (Léopoldville) qui enregistre son fameux tube « Marie-Louise », les années 50 seront celles de sa structuration avec l’apparition des grands orchestres (African Jazz et OK Jazz) qui longtemps règneront. Quant aux années 60, elles furent certainement celles de sa maturité, et de son explosion à l’international. Le raffinement de la musique alliée à une industrie du disque florissante, ainsi qu’à la puissance des émetteurs radio des deux Congo y furent pour beaucoup.

Mais au Congo-Léo (Kinshasa), cette effervescence musicale accompagne une histoire politique et sociale on ne peut plus chaotique. Elle démarre dès l’indépendance, avec la sécession du Katanga protégée par les parachutistes belges, l’envoi de troupes onusiennes, l’arrestation puis l’assassinat de Patrice Lumumba, la rébellion muleliste dans l’est du pays… Le colonel Mobutu qui a confisqué le pouvoir finira par rétablir l’intégrité territoriale du Congo, tout en verrouillant sa position de maître absolu du pays. Ainsi donc, le pays et ses musiciens allaient traverser l’euphorie de l’indépendance avant d’être confrontés à d’immenses incertitudes. Mais le train de la rumba, lancé à pleine vitesse, n’allait plus s’arrêter.


Grand Kallé & L’African Jazz – Indépendance Cha-Cha (1960)

La fameuse chanson du Grand Kallé & l’African Jazz est certainement le premier hit (pan)africain de l’histoire. Interprétée pour la première fois le 20 janvier 1960 à Bruxelles, pour l’ouverture de la fameuse conférence de la Table ronde (négociations entre les autorités belges et les délégués congolais portant sur l’accession du Congo belge à l’indépendance), la chanson allait non seulement devenir l’hymne de l’indépendance congolaise (30 juin 1960), mais au-delà, de celle des autres pays d’Afrique francophones qui survint au cours des semaines suivantes. La puissance de la radio congolaise, déjà écoutée jusqu’au Mali en ondes courtes, allait participer de ce succès.

Indéndance Cha-Cha nous y sommes arrivés
Nous voici enfin libres
À la table ronde, nous avons gagné
Vive l’indépendance, nous y sommes arrivés

Et la chanson de citer les principales formations politiques et les leaders congolais présents lors de l’événement. Toute cette histoire est racontée dans l’émouvant témoignage de Pierre Yantoula, dit « Petit Pierre », batteur de l’African Jazz et d’Armand Mwango dit Brazzos, contrebassiste disparu l’an dernier à l’âge de 85 ans. Ils étaient tous deux réunis dans ce film d’Alan Brain.


Franco & OK Jazz – Course au pouvoir
(1966) 

Dans l’histoire de la musique congolaise, les orchestres se font et se défont, se piquent les musiciens et chanteurs… qui partent, et parfois reviennent. Entre temps, on n’hésite pas à régler ses comptes par chansons interposées. « Course au pouvoir » en est un bel exemple, puisqu’elle est la suite d’une brouille entre Franco et Kwamy qui fut chanteur de l’OK Jazz) et partit rejoindre l’African Fiesta de Rochereau et du Dr Nico. Pire, il compose une chanson, « Faux Millionaire », pour se moquer de son ancien camarade. Franco ne se fait pas prier, et dégaine « Course au pouvoir ».

Tu as assez chanté sur moi, mon frère
Et tout cela n’est qu’amusement
Tu as chanté sur ma vie privée
Voilà un indice de ta cupidité

Pas besoin de nommer Kwamy… Dans le microcosme de la musique kinoise, tout le monde sait qu’il s’agit de lui. Et Franco de poursuivre…

Tout ce que tu chantes au sujet de moi
N’est que de la course au pouvoir
Tu dis que j’ai marché sur un aoûtat
Toi, tu viens de marcher sur une aiguille à coudre, mon frère

Et le « sorcier de la guitare » enfoncera le clou (ou plutôt l’aiguille) peu après avec la chanson « Chicotte ». Voilà un bel exemple de ce qui est par la suite devenu une tradition dans la chanson congolaise et qu’on appelle toujours aujourd’hui « la polémique ». En cette année 1966, l’OK Jazz gagne provisoirement la partie contre ses rivaux puisque Franco et les siens sont sélectionnés pour représenter le pays au Festival Mondial des Arts Nègres (Fesman) à Dakar.


Rochereau & l’African Fiesta National – Mokolo Nakokufa (1966)

C’est sans doute l’une des plus belles chansons interprétées par le Seigneur Rochereau. Son succès dépasse vite les frontières du Congo. « Mokolo Nakokufa », le jour où je mourrai, est une méditation sur la mort. Le chanteur s’imagine quelles seront ses dernières pensées au moment de quitter ce bas monde, et se met dans la peau de plusieurs personnages emblématiques que l’on pourrait croiser dans les ngandas, les maquis de Kinshasa. Il y a le riche, qui se soucie de la fortune qu’il laisse derrière lui, le soûlard qui regrette déjà de laisser sa bière orpheline, la prostituée qui va regretter l’African Fiesta… Certes, la paternité du texte est discutée (s’agit-il, comme le défendent certains, de Faugus Izeidi ?), mais la voix du Seigneur Rochereau porte cette chanson au paroxysme de la nostalgie. Et soulève un accueil délirant lorsque l’African Fiesta (National) se produit quatre ans plus tard à l’Olympia de Paris.


Johnny Bokelo & Conga Succès – Tambola na Mokili (1967)

Frère cadet de Dewayon, un des doyens de la musique moderne congolaise, Jean (bientôt rebaptisé « Johnny ») Bokelo Isenge a fait ses débuts au studio Loningisa, l’une des principales compagnies de disque basées à Léopoldville. Le groupe Conga Jazz qui en est issu devient en 1962 le Conga Succès avec lequel Bokelo enregistre notamment une série devenue mythique : « Mwambe ». Une chanson qui décrit les travers de la société et devient un feuilleton puisqu’il en enregistre huit épisodes (« Mwambe » N° 1, N° 2, N° 3, etc.). Sur scène, son groupe comptera jusqu’à six guitaristes ! Et n’hésitera pas à puiser, comme le faisait Franco, dans le vaste répertoire des musiques du terroir pour renforcer sa rumba. C’est d’ailleurs le cas dans « Tambola na Mokili », qui fit danser dans les chaumières congolaises. La chanson raconte les enseignements qu’a tirés l’auteur de sa connaissance du monde, et de la condition humaine. Et il n’est pas très optimiste :

Circule à travers le monde tu vas découvrir ce qu’est ce que les deboires.
Celui qui va te detruire c’est souvent l’ami avec lequel tu partages des verres.
L’ami avec lequel tu vis,n’est gentil que du bout des levres.
Mais dans son coeur je suis son enemi n°1.
Il ne m’aime qu’en ma presence, une fois le dos tourné, il deploie toute sa sorcellerie*.

La dernière partie de la chanson est un break où, accompagnée par les battements de mains, la guitare solo se lance dans un exercice rythmique en altérant le son grâce à un jeu « scientifique » sur le vibrato. Avant que l’orchestre tout entier ne revienne, le saxo prend le relais avec de longues plaintes qui ne mourront qu’avec la fin du morceau. Superbe ! 


Dr Nico & l’African Sukisa – Tu m’as déçu chouchou (1969)

Après avoir quitté l’African Jazz de Kallé en compagnie de Rochereau pour créer ensemble en 1963 l’orchestre African Fiesta, le redoutable Nico Kasanda alias Dr Nico (auquel on doit, déjà, le mémorable solo de guitare sur Indépendance Cha-Cha) se brouille moins de trois ans plus tard avec le chanteur et part fonder une aile dissidente, baptisée African Fiesta Sukisa. Dans « Tu m’as déçu chouchou », où le refrain en français alterne avec les couplets en lingala, Dr Nico est au sommet de son art et s’illustre dans le style de la guitare hawaïenne (popularisé au Congo-K par le fameux « Jimmy de l’Hawaïenne »). La chanson est sans doute le plus grand succès du « docteur » (en raison de son excellence à la guitare) et s’exporte aussitôt partout en Afrique francophone. 

*traduction de Kerwin Mayizo

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