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The Pan African Music Magazine
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20 Something : Banga, DJ et productrice globe‑trotteuse

20 Something, c’est notre nouvelle série de portraits qui s’intéresse aux questionnements et aspirations de jeunes talents, tous dans leur vingtaine. Pour l’inaugurer, c’est la DJ et productrice globe-trotteuse Banga que nous avons rencontrée.

Banga, c’est une artiste que j’ai découverte il y a un peu plus d’un an en tombant sur ses mixes et ses productions qui m’ont immédiatement scotché. Son background musical me projetait dans l’univers familier pour moi, des genres électroniques — mais pas que — issus des pays lusophones. Sa manière audacieuse de se réapproprier et d’entremêler les rythmes relevés du baile funk, du kuduro ou de la trap, avec les « batucadas » de la samba et le swing du jazz, donnent à mon sens une nouvelle couleur à ces genres musicaux en constante transformation. Au vu de son profil, j’ai pensé qu’elle serait parfaite pour inaugurer une série de portraits dédiés aux jeunes artistes afro qui, dans la fleur de l’âge — la vingtaine, tentent de bouleverser les codes et de se faire une place sur la scène musicale. Comme dans le titre « 20 Something » de la chanteuse noire américaine SZA qui donne son nom à cette série, l’accent est ici porté sur les défis que l’on rencontre lorsque l’on est un artiste qui a l’avenir devant lui et aussi, avant tout, un jeune adulte. Je vous présente Banga.

Un petit piment nommé Banga 

Petit Piment, c’est sous ce nom piquant que Magali s’est lancée dans le DJing il y a maintenant quatre ans. « Petit Piment c’est un nom que ma maman me donnait quand j’étais petite, quand je faisais beaucoup de bêtises, quand je répondais parce que j’avais un petit caractère, elle m’appelait “Petit Piment” », me raconte la jeune beatmakeuse au cours d’un ultime samedi ensoleillé à Paris. « C’était pour me provoquer un peu », rajoute-t-elle. 

Née à Port-Gentil, au Gabon, d’un père français et d’une mère gabonaise, Magali a sillonné les quatre coins du monde (ou presque) dès son plus jeune âge, suivant les affectations de ses parents. Si elle a aussi bien grandi au Nigéria, en Angola, suivi des études au Brésil et trouvé aujourd’hui un point d’ancrage à Paris, la DJ et désormais productrice de vingt-cinq ans n’a jamais eu l’occasion, pour l’instant, de renouer avec son pays natal. Un manque qu’elle souhaiterait combler dès que possible et qu’elle a déjà acté en troquant il y a quelques mois son nom de scène pour son deuxième prénom, Banga : « c’est drôle ça aussi parce que c’est le deuxième prénom que ma mère m’a donné et j’avais du mal à l’assumer quand j’étais petite parce que je l’aimais pas. Je disais :non c’est un prénom trop ‘roots’” ! », lâche-t-elle dans un rire espiègle. « J’ai eu du mal à le prendre positivement, mais je pense que c’est dans une démarche d’affirmation, et dans une recherche aussi de renouer plus avec le pays de ma mère que j’ai fini par accepter ce nom. J’ai pas pu avoir ce lien parce qu’on a jamais vécu là-bas (au Gabon, NDLR), maintenant c’est à moi aussi d’avoir la curiosité de m’en rapprocher. »

Pulsation lusophone

Des multiples voyages rythmant sa jeunesse qu’elle résume ainsi : « aller quelque part, y rester quelques années, apprendre une langue, apprendre plein de choses et partir », Banga a gardé une évidente ouverture d’esprit, une insatiable curiosité, mais aussi un certain détachement, qu’impliquent ces déménagements à répétition. « Je pense que parfois c’est difficile de trouver ses repères. (…) Parce que c’est compliqué de se dire qu’on habite dans un pays, mais qu’on n’est pas vraiment de là, et que son pays maternel on le connaît pas forcément bien », analyse avec lucidité Banga sur ce sentiment que partage, à un moment ou un autre, toute personne quittant sa terre natale. Parmi tous les pays où la jeune femme est passée, il y en a tout de même un pour lequel elle garde un attachement particulier : « l’Angola c’est vraiment un pays qui m’a énormément marqué ! J’ai passé toute mon adolescence là-bas. Je pense que c’est la période de ma vie où je me suis le plus formée, que ce soit musicalement, mais aussi humainement, je partage beaucoup de choses avec ce pays. »

C’est par le prisme de ce pays, proche de son Gabon natal, que s’est ouverte à elle sa nation cousine d’Amérique du Sud, devenue source fondamentale de son imaginaire, notamment musical. « Le Brésil c’est un pays que je connaissais par défaut à travers l’Angola. La culture musicale des deux pays est très liée. Traditionnellement par exemple, dans les mariages en Angola on va écouter de la samba, dans les soirées en club on va écouter du baile funk aussi. Il y a un héritage, une connexion qui est toujours forte », m’éclaire-t-elle.

En poursuivant notre discussion autour des liens culturels qui unissent l’Angola au Brésil, Banga me confie à quel point la musique, principalement afro-électronique, de ces deux pays résonne en elle depuis cette période : « l’héritage lusophone c’est celui qui m’a le plus marqué musicalement. J’ai commencé à écouter du kuduro et du baile funk à Luanda à cette même époque et ça a toujours été quelque chose qui me définissait, qui me ressemblait le plus, je pense. » Et Banga continue d’égrainer les souvenirs de ses premières sorties (en douce) dans la capitale angolaise : « Je faisais le mur pour aller en boîtes de nuit quand j’avais quinze ans, pour aller vraiment dans les soirées où on écoutait du baile funk, du kuduro. Il y avait aussi des super DJs qui jouaient de l’afro deep. Il faut savoir qu’il y a des soirées vraiment cool à Luanda, à la plage notamment. »

Lorsque Banga me cite les « kuduristas » qu’elle avait pour habitude d’écouter ces années-là, je comprends pourquoi le genre turbulent né dans les banlieues de Luanda est resté une constante chez elle, tant elle y puise ses références : « J’écoutais Bruno M, y’avait Agre G, Game Walla à cette époque-là qui ont fait des bangers de kuduro, c’est vraiment des classiques ! D’ailleurs j’en ai réécouté certains dans des soirées à Lisbonne. Les soirées kuduro où ils jouent parfois ces classiques que tout le monde connaît, c’est énorme ! » raconte Banga en évoquant l’autre ville phare du kuduro, où elle est souvent allé parce qu’elle y « connaît plein de gens d’Angola qui habitent là maintenant. » Pas étonnant donc de la voir collaborer aujourd’hui avec la patronne du kuduro nouvelle génération, Pongo, que Banga écoutait étant plus jeune, et que l’on devrait probablement retrouver sur son premier album à paraître.

Suivre son chemin

Si la musique a toujours occupé un rôle majeur dans la vie de Banga, elle a mis du temps avant d’accepter qu’elle pourrait en suivre le chemin : « À un moment donné, la musique m’a vraiment appelée. » Elle continue : « En fait un jour je me suis lancée parce que c’était une période de ma vie où j’avais besoin de trouver quelque chose qui me correspondait vraiment bien. » C’est ce que Banga s’est dit après l’année de césure de son master en école de commerce, où elle ne s’épanouissait pas. Depuis qu’elle a sauté le pas en se consacrant entièrement au DJing puis — suite logique — à la production, Banga ne s’est jamais arrêtée, et ce malgré les doutes que nourrissaient certains : « Au début les gens ne croyaient pas forcément en moi, mais j’ai avancé quand même. Ça a été un travail titanesque et des heures de prod », presque tous les jours à un moment donné. » Devant ce changement de voie à l’issue incertaine, sa famille a d’abord douté : « Parfois c’est aussi dur pour la famille de comprendre le choix en tant qu’artiste et même de comprendre ce que c’est en fait qu’être artiste. Au début ça a été une source de doutes pour moi, mais voilà aujourd’hui ils sont fiers de moi. Ils ont compris au final et je pense que c’est le plus important. Je savais où j’allais, à aucun moment j’ai baissé les bras, j’étais trop déter’ », conclut Banga dans un rire plein d’assurance.

Avec une succession de belles rencontres, des sets joués à divers endroits du globe, une carrière prometteuse de productrice qui s’ouvre à elle et des projets futurs mettant à l’honneur les femmes dans l’univers du DJing et du beatmaking, Banga a de quoi être satisfaite du trajet parcouru jusqu’ici : « Je suis contente de m’être écoutée, d’avoir persévéré et de réussir de plus en plus à aiguiser mes sonorités. »

Peu de temps avant de conclure notre entretien, Banga, qui a « tellement appris et compris de choses par la musique », me fait part d’une anecdote de ses débuts derrière les platines l’ayant profondément marqué et qui, je le sens, alimente toujours sa motivation depuis : « Je me suis rendu compte que ma musique pouvait faire avoir un impact pour les personnes, le jour où j’ai mixé à un festival en région parisienne et qu’un gars est venu me voir après mon set. Il m’a dit que j’étais la première DJ qui l’avait fait danser depuis le décès de son père, il m’a remercié et il m’a pris dans ses bras, j’étais tellement émue ! J’ai pris conscience de transmettre quelque chose, et je pense que ça, ça n’a pas de prix en fait. »

Écoutez le dernier remix de Banga du titre “Forward Flamingo”, issu de l’album Face To Phase de rRoxymore.

Suivez la résidence mensuelle de Banga sur Rinse FM chaque quatrième dimanche du mois.

rRoxymore – Forward Flamingo (Banga Remix)

Photographies de Thibault Juillard

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