Le musicien, adepte des métamorphoses du son, publie son troisième album entièrement fait des samples qu’il emmène dans une nouvelle dimension. Avec une couleur inédite, celle des enregistrements de l’ethnomusicologue Charles Duvelle auxquel il a eu accès.
Il y a des rencontres déterminantes qui changent la vie d’un homme. Parmi celles qui ont compté dans la vie de Nicolas Repac, il y a celle du sampler. C’était dans les années 80, quand cet instrument promis à un bel avenir commençait à se populariser. Lui y a vu l’ouverture d’horizons immenses, lui permettant de faire coexister les époques et les lieux, les vivants et les morts, et de réaliser les plus inouïs des collages sonores. Après Swing-Swing aux couleurs du jazz dansant des années folles, puis Black Box où le blues et les chants enregistrés par Alan Lomax avaient la part belle, Rhapsodic invite guembris, ngonis, balafons, chants soufis ou incantations chamaniques de Patagonie, tous issus de l’incroyable collection d’enregistrements que le Français Charles Duvelle, décédé en 2017, avait réunis sur son label Prophet. À cet « orchestre » inédit, on peut ajouter encore une pléiade de sons et d’instrumentistes surgis des plis de l’histoire qui viennent ajouter leur touche à ce concert mondial, en un mot, à cette rhapsodie. « La Rhapsodie, raconte Repac, c’est une forme musicale libre, classique mais qui emprunte les chemins des musiques populaires… et en même temps elle s’élève pour être jouée par 60 cordes ou par un grand orchestre. Rhapsodic, mis en anglais, ça prend aussi beaucoup de sens, et notamment celui de quelque chose d’exubérant, qui part dans tous les sens et c’est ce ni plus ni moins que j’ai essayé de faire à travers le travail de l’ethnomusiclologue Charles Duvelle. »
Pour comprendre le travail de collage sonore à l’œuvre dans les disques de l’artiste (qui fut d’abord musicien avant de se mettre au sampler), il faut aussi se rendre compte qu’une frappe de batterie, une seule note de contrebasse, ou des boucles faites à partir d’une séquence entière… Tout cela peut ensuite être modulé, plus grave et plus lent, plus aigu et rapide, à l’endroit comme à l’envers : le son d’origine est métamorphosé, souvent méconnaissable, et se met au service de la nouvelle œuvre dont il devient un des éléments nouveaux, jamais entendu tel quel. Car il s’agit bien de cela dans Rhapsodic, comme dans les précédents albums que Nicolas Repac a signés chez No Format (en plus des deux disques de Mamani Keita qu’il a aussi mis en musique) : une création originale, faite d’éléments les plus hétéroclites, comme le palais du facteur cheval qu’il aime à citer comme un cousin céleste. Et puis, quand il tombe amoureux d’un morceau tout entier, comme ce chant soufi d’Algérie issu des bandes de Charles Duvelle, il décide (comme dans « Sama ») de le reprendre tout entier, en lui offrant un écrin musical inédit : « quand je l’ai entendu la première fois il m’a subjugué, et j’ai respecté tout le déroulé du chant en lui créant un accompagnement : j’ai essayé de me glisser à l’intérieur sans le trahir. C’est quelque chose que j’aime profondément, et cette voix orientale me transcende véritablement. » À ces archives oubliées, Nicolas Repac offre une seconde vie, et à nous, de magnifiques voyages immobiles.
Écoutez Nicolas Repac dans notre playlist Songs of the Week sur Spotify et Deezer.
L’album Rhapsodic sortira le 15 janvier via le label No Format.