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Giant Steps : Coltrane à pas de géant

Pour le soixantième anniversaire de Giant Steps, le label Rhino a réédité et remastérisé cet album culte, où Coltrane plane au-dessus des sommets. L’occasion de le découvrir, ou de le réécouter.

Giant Steps. Un pas de géant dans l’histoire du saxophone, du jazz, de la musique tout bonnement. Demandez à n’importe quel saxophoniste : se mesurer au solo de ce thème titre, près de trois minutes à toute berzingue, c’est se coltiner un Himalaya harmonique. Avec pas moins de vingt-six changements d’accords, ce thème de seize mesures constitue un monument du jazz moderne. Comme il y aura un avant et un après JC, il y a ceux qui l’ont passé et les autres qui ne parviennent pas à franchir cette suite d’accords complexes, pour le moins inédits à l’époque. Tommy Flanagan, le pianiste de ces sessions, y est lui-même planté, ne parvenant pas à suivre ce que son leader développe au cours de cette improvisation. 

 « Je pars d’un point et je vais le plus haut possible. » Cette parole de John Coltrane qui sert de titre au recueil d’entretiens paru en 2011 aux éditions de l’éclat — petit par le prix et la taille, énorme par sa qualité — rappelle qu’il y eut bel et bien un envol vers les cimes du jazz du messager/messie, qui au moment des faits fête tout juste ses trente-trois ans. « L’avenir sort de son instrument », écrira un journaliste américain. Et c’est bien de cela dont il s’agit dans cette session qui, enregistrée au printemps 1959 et sortie l’année suivante, marque son entrée sur le label Atlantic. Coup d’essai, coup de génie, puisque l’album qui ressort agrémenté de multiples prises alternatives à l’occasion de son soixantième anniversaire fait partie des classiques de toute discothèque.

Ce serait néanmoins en limiter la portée que de circonscrire ce chef-d’œuvre aux uniques vertiges harmoniques de ce thème qui sonne comme une petite mort du jazz tel qu’on l’entend alors, une énorme jouissance qui s’impose comme une évidence pour tout auditeur. Car en une poignée de titres dont plus d’un deviendra un standard, Coltrane balaie le champ esthétique du jazz. De l’impur blues que représente « Cousin Mary » au swing entêtant de « Syeeda’s Song Flute , du « Mr. P. C. », un post-bop pied au plancher, d’un aussi bref qu’irruptif « Countdown » qui s’ouvre avec tambour et saxophone digne de Parker au plus joyeux « Spiral », tout ici souligne la puissance mélodique des écrits du natif de Hamlet, en Caroline du Nord. 

John Coltrane, 1963 (DR)

C’est sans aucun doute l’un des autres traits de ce génie singulièrement multiple, comme le relève Nat Hentoff, dans les notes de pochettes originales : « Bien que l’aventureuse imagination harmonique de Coltrane demeure, pour les musiciens en particulier, le trait principal de son style en constante évolution, le plus important réside dans le fait que Coltrane, à son meilleur niveau, est avant tout capable d’émouvoir les non-musiciens. » Ce que confirment à leur manière les nombreux saxophonistes, Archie Shepp comme David Murray, Dave Liebman comme Shabaka Hutchings, cités par l’auteur Ashley Kahn qui signe un nouvel essai pour cette réédition évènement.

Et au final, plus encore que le défi technique, c’est son rayonnement onirique qui irradiera, tel un diapason, les futures générations, une ouverture d’esprit qui ne peut que convertir même les plus hermétiques. Toute la spiritualité du maître se déploie ainsi dans « Naima », la seule pièce enregistrée sept mois plus tard, le 2 décembre 1959, avec une autre rythmique : Jimmy Cobb à la batterie et Wynton Kelly au piano ont respectivement remplacé Art Taylor et Tommy Flanagan, seul le contrebassiste Paul Chambers demeure. Quelques notes en suspension, un tempo crépusculaire, pour une ballade sensuelle dédiée à sa première épouse. Inutile d’être raide dingue de jazz pour en tomber instantanément, éternellement, amoureux. Moins d’un an plus tard, John Coltrane rencontrera Alice McLeod, celle qui va le guider vers une autre voie, les musiques « orientales ». Avec Giant Steps, une page vient de s’écrire, un chapitre se clôt, pour celui qui va bientôt monter son propre quartette. Fin octobre 1960, il grave « My Favorite Things » et gravit un autre sommet. Une mélodie de trois fois rien qui annonce une nouvelle ascension, cette irrésistible montée vers une acmé, par celui dont l’aura plane au-dessus de tous. Et la messe est dite. 

John Coltrane, Giant Steps 60th Anniversary, disponible via Rhino Entertainment Company.

John Coltrane – Giant Steps (2020 Remaster)
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