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Nuvens Pretas, la tête dans les nuages noirs
Photographies d'Helena Corboud

Nuvens Pretas, la tête dans les nuages noirs

Formé par des producteurs des collectifs Ozadya et Remitentes Produções, le duo genevois Nuvens Pretas dévoile un premier EP galvanisant intitulé NVNSPRTS. Rarement la fusion entre musique électronique, kuduro et baile funk n’aura été aussi intense.

La formation de Nuvens Pretas est aussi cocasse et imprévisible que les deux jeunes hommes qui en sont à l’origine : « Il y a deux, trois ans sur Soundcloud je vois un feat de JLZ avec Lawbeatz, je me dit :  »ils sont trop chaud les deux ! ». J’écoutais déjà JLZ (producteur afro-brésilien particulièrement productif et suivi sur Soundcloud, ndlr), puis je clique sur le profil de Lawbeatz et je vois écris Servette, Genève. Le même quartier que moi ! J’en revenais pas, il y a un producteur comme ça à Genève ? s’exclame Zalvf sur sa rencontre avec Laurent Mendes, son acolyte qui opère indifféremment sous les noms de LawBeatz ou DJ Lauran-CoOx. Il continue avec entrain : « Je vois sa tête, je le connaissais pas, personne ne le connaissais dans mes potes. Du coup je suis allé lui écrire sur Soundcloud en disant : ‘viens mixer à une soirée Ozadya’. Il s’appelait DJ Lauran-CoOx sur Soundcloud et le gars me dit : ‘Mais j’ai jamais mixé’. J’étais mort de rire » (rires)

Passé ce premier contact pour le moins comique, Zalvf transmet les rudiments du deejaying à Laurent lors d’un premier set à Genève où il fera danser un de leurs héros, DJ Nigga Fox, seul sur le dancefloor en plein warm-up. « J’avais jamais touché à des platines avant », se souvient le discret producteur de vingt-deux ans. Depuis début 2019, le duo s’amuse sur la plateforme où il ont fait leurs premières armes en installant les fondations de leur univers musical, inscrit principalement dans le baile funk : «  Au début c’était juste un délire 150BPM, tous nos sons à ce BPM là ». Les mois se suivent, puis le désir d’emmener le projet Nuvens Pretas sur un autre terrain artistique se manifeste : « je pense que ça c’est vraiment concrétisé il y a un peu plus de six mois, où l’on s’est dit : on va faire ce projet », confie Zalvf. C’est ainsi que l’on reçoit ce premier EP éponyme, les voyelles en moins, marqué aux premières écoutes par sa redoutable intensité et sa volonté – inconsciente d’après ses auteurs – d’apporter un nouveau regard sur le baile funk et le kuduro.

En mode guerilla

« On a essayé de le produire dans un laps de temps assez réduit, pour être vraiment dans le même mood sur toutes les tracks. Pour vraiment qu’il y ait cette cohérence ». Cette volonté de créer une atmosphère unique qu’expose Zalvf a été payante, tant une couleur sonore singulière se dégage au fil de l’écoute. L’énergie impulsée par l’ouverture « Da Antiga » donne le ton pour la quinzaine de minutes suivantes : une décharge percussive terriblement soutenue au point qu’elle en devient envoûtante. Pour le producteur révélé dans le collectif Ozadya, c’était l’unique manière de s’atteler à ce projet : « Moi perso je suis un peu un lunatique de la production. Demain je vais avoir envie de faire que des prods trap, il n’y a pas de cohérence. Avec Nuvens Pretas on a vraiment essayé de garder un fil rouge ».

Ce fil rouge dont il est question, les deux beatmakers touche-à-tout sont parvenus à le maintenir grâce à leur complémentarité : « on a bossé tous les deux ensemble. Sur certaines tracks tu ressens plus la touche de Laurent, et sur d’autres tu ressens plus la mienne. En fait, sur chaque track que l’on commence, il y en un qui débute la base et l’autre suit » détaille Zalvf.  » Law (Laurent, ndlr) apporte la touche afro, les trucs kuduro beaucoup plus profonds. Et moi, derrière ce côté plus techno européenne, berlinois un peu ». 

Il est vrai que des titres tels que « Ashar » et sa relecture baroque et retentissante du baile funk, ou encore le nerveux « Turbo » semblent presque avoir été façonnés pour résonner dans l’antre de la techno berlinoise qu’est le club Berghain. Pour ne jamais trop pencher d’un versant à l’autre de la balance et maintenir ainsi un parfait équilibre, Laurent apporte le contre-poids avec un son afro-électronique, lui qui a baigné dans l’effervescence du kuduro avant de s’installer en Suisse : « Je suis arrivé en Suisse en 2014. Avant je faisais du kuduro quand j’étais au Portugal. Je suis originaire de Barreiro, au sud de Lisbonne. (…) Avant que je sorte de là-bas, j’avais déjà un peu commencé à regarder des logiciels. J’ai demandé à un pote, DJ Walyfox, il était dans RMT (Remitentes Produções, ndlr) comment est-ce qu’on faisait pour faire de la prod’, il m’a montré trois gammes, puis après je suis arrivé en Suisse et j’ai commencé à voir un peu comment ça fonctionne. J’ai appris tout seul parce que j’avais rien à faire », dit-il en esquissant un sourire.

C’est ce même état d’esprit d’indépendance et de débrouillardise partagé par nos deux compères que l’on retrouve sur le clip de « Capsule », leur single avec le producteur luso-suisse Kappa. Pour ce titre qui fait l’effet d’une bombe à retardement, sans conteste un des moments forts de l’EP, c’est un mini-cypher de danseurs qui a été organisé à la dernière minute, où les protagonistes ont dû improviser leur pas en s’observant les uns les autres. Il en ressort une spontanéité de tous les instants et une énergie contagieuse. L’identité des Nuvens Pretas y est condensée.

Nuvens Pretas – Capsule ft. Kappa
Connexion lusophone

Pourtant, l’ADN musical de ces nuages noirs (Nuvens Pretas signifie nuages noirs en portugais, ndlr) a pris son temps pour développer la forme que l’on découvre pour la première fois ici. Cela vient en partie du fait que la paire de producteurs affine continuellement ses goûts et que, naturellement, son univers se dessine ainsi, en avançant, depuis ses débuts. Aujourd’hui, Laurent comme Zalvf ont trouvé leur voie et sont persuadés que leur musique dépasse les frontières : « Ça vient du fait qu’il n’y ait pas de paroles dans notre musique, explique Zalvf. C’est ce qui fait qu’elle est universelle. On peut l’écouter dans n’importe quel autre pays. Puis, c’est une vibe qui peut se retrouver ailleurs : au Portugal, chez les Brésiliens… mais qui peut parler à n’importe qui en fait ! ». 

Quant à Laurent, il souligne l’importance de l’évolution de la scène électronique afro-portugaise avec l’éclosion de la batida, en parlant de son admiration pour l’un des talents les plus marquants de sa génération : « DJ Lycox c’est une grosse source d’inspiration pour ma part en tout cas. C’est vraiment lui qui m’a donné envie de produire ».

DJ Lauran-CoOx / LawBeatz
photo d’Helena Corboud©

Dépassant aisément les carcans d’une seule et même esthétique, Nuvens Pretas tire un trait d’union entre les rythmes les plus remuants venus d’Afrique lusophone, du Brésil et d’Europe avec une fraîcheur qu’on entend trop rarement. Cette détonnante rencontre d’influences mérite certainement encore de mûrir. Et pourquoi pas de se voir agrémenter de voix rugissantes comme il était initialement prévu avec la jeune star du baile funk de São Paulo, Mc Dricka ou la reine incontestée du kuduro 2.0, Pongo, même si malheureusement ces collaborations n’ont pas pu voir le jour.

Qu’importe, la mission première, celle de planter le décor de l’univers Nuvens Pretas est relevée avec brio. D’autant plus que cet EP permet d’entrevoir les chemins futurs des genres que les deux compères affectionnent par dessus tout. Qu’ils s’en rendent compte ou non, il souffle un vent nouveau dans leurs productions.

Écoutez NVNSPRTS sur Bandcamp.

Pochette réalisée par Prodjection
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