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The Pan African Music Magazine
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Eat My Butterfly, poésie créole en extérieur

La compositrice réunionnaise Eat My Butterfly offre une nouvelle vie à son EP Déor avec Kreol Reworks, où elle s’entoure de remixeurs réunionnais. Interview et DJ set.

Multi-instrumentiste basée à La Réunion, Dilo signait en mars dernier le Spring EP de la série saisonnière du label Les Disques du Bord de l’Eau. Sur le morceau « Déor » écrit en plein confinement, elle véhiculait ses envies de liberté provoquées par l’appel de la nature environnante qui reprenait alors ses droits sur son île. Sur ce morceau poétique et introspectif, elle révélait une sensibilité musicale nourrie par la douceur des synthétiseurs et la pureté du maloya. Côté remixes, elle faisait alors appel à l’Argentin Lagartijeando, au Sud-africain Leeu et à l’Allemand Dan Bay. Elle écrit ici une nouvelle page de l’histoire de la chanson en restant cette fois chez elle, exploitant la richesse musicale que peuvent offrir les artistes électroniques locaux, ces habitués des rythmes ternaires que sont Aleksand SAYA, BeBass, Boogzbrown ou In[Sula]. Invitée de notre podcast, elle nous a livré une prestation exclusive quelque part entre live et DJ set, superposant des productions souvent inédites pour nous donner un morceau d’elle-même, que vous pouvez découvrir ci-dessous.

Pan African Music · PAM Sound System @RCV99fm – Episode #21 – Special Guest : EAT MY BUTTERFLY

Parle-nous de ce morceau « Déor », que tu as composé pendant le confinement. Que représente-t-il pour toi et quelle est son histoire ?

« Déor » est une ode à l’extérieur, à sa liberté apaisante, à tous ces petits détails qui nous apportent joie et extase, du simple rayon de soleil qui passe par les branchages pour se dissoudre sur le sol à cet air qui vient frôler et caresser les pores de nos peaux et qu’on a presque considéré comme acquis. Ce morceau, ou du moins l’instrumental, est né lorsque j’étais à la terrasse d’un resto, La Storia, la veille de la toute première fermeture des bars et restaurants. Les paroles et la mélodie, quant à elles, sont nées dans la période de mise en abîme que j’ai vécue, un confinement dans le confinement. Christophe Zwissig de La Fondation Du Bord De l’Eau et du Festival Week-End au Bord de l’Eau l’a écouté en exclusivité et a souhaité le sortir sur son label Les Disques Du Bord de l’Eau. À chaque saison, un titre original sort avec plusieurs remixes, ou « reworks », pour illustrer le titre original de diverses manières. C’est une très belle façon d’inviter à la collaboration et au changement de perspective face à une même œuvre.

De plus en plus d’artistes réunionnais se font remarquer en mêlant maloya et électronique. Quel est ton processus de composition et de quoi t’inspires-tu ?

Je suis extrêmement touchée par le mélange des sonorités dans la musique. Il y a déjà beaucoup de choses qui sont faites avec les influences des musiques traditionnelles de diverses régions d’Amérique Latine et les musiques électroniques. Mes processus de compositions sont très variés, un peu comme les plats que je cuisine. Il n’y a pas de routine, ni de règle et encore moins d’injonction. La création, pour moi, se laisse guider par les expériences, par les états d’âmes, les émotions, la curiosité et tout simplement le fait de s’exprimer. Il se peut, par exemple, qu’une rythmique ou une mélodie attire mon attention ou bien fasse vibrer quelque chose en moi. Je trouve que dans l’utilisation des outils qui permettent de faire de l’électro, beaucoup de choses vont avec l’intuition. Certains outils peuvent par exemple permettre de faire des collages avec des sons, ou encore d’avoir une palette de couleurs, telle une peintre et de donner relief à des sensations, des ambiances musicales. Parfois, j’essaie tout simplement d’apprendre des nouvelles choses au travers d’exercices et cela se transforme en création musicale.

Eat My Butterfly – Déor (BeBass rework)

Penses-tu que tout cela contribue à la reconnaissance globale de la musique réunionnaise ?

Je suis très heureuse que la musique de la Réunion trouve enfin écho à l’international car j’ai souvent eu l’impression qu’à chaque album qui sortait, c’était de nouveau une découverte de La Réunion qui se faisait, comme si tout repartait de zéro à chaque fois, avec des articles qui disaient les mêmes choses des artistes et de la musique. Aujourd’hui je sens une nouvelle avancée dans cette esthétique musicale et je sens que les personnalités et sonorités des artistes commencent réellement à résonner, à trouver écho non seulement dans l’océan indien mais aussi dans le monde.  

Pourquoi avoir fait appel à des producteurs réunionnais uniquement, pour ce nouvel EP, et comment les as-tu choisis ?

Cet EP qui sort prochainement est à la fois nouveau et à la fois la continuité d’un travail déjà commencé. En effet, le premier EP « Déor » qui sortait en mars dernier sous Les Disques Du Bord De l’Eau fût remixé ou retravaillé par trois producteurs internationaux, que j’admire énormément. Il y a Largatijeando d’Argentine, Leeu d’Afrique du Sud et Dan Bay de Hollande que nous avons choisi ensemble avec Christophe Zwissig. Une fois cet EP sorti et les remixes écoutés plusieurs fois, j’ai réalisé qu’une idée commençait à se formuler dans ma tête : celle du fait que « Déor » ait des consonances de musique Maloya par ses rythmiques et instruments utilisés et que les remixes de ces producteurs n’avaient pas incorporé cela. Ils avaient tous rendu le morceau binaire et le ternaire, le Maloya n’était pas si présent. Alors, si je voulais que la musique de mon île soit mieux représentée, qui mieux que des producteurs péi et locaux pourraient faire sonner ces sonorités et influences Maloya ? La question a rapidement trouvé réponse au cours d’une discussion avec Christophe qui m’a donné carte blanche pour choisir des artistes de chez moi qui étaient eux aussi enchantés de cette collaboration à venir.

Photo : Thibaudepeche.com

Tu as également sorti un titre sur une compilation de Shika Shika récemment. Peux-tu nous en dire plus ?

Shika Shika vient de sortir la compilation Querencia qui porte le thème de la migration au sens large pour illustrer comment les êtres et les cultures dépassent les frontières pour se mélanger. Le titre que j’ai sorti se nomme « Ayyur » et est une collaboration avec la chanteuse kabyle Syna Awel avec qui je travaille depuis un moment. Syna évoque Ayyur (l’un des premiers Dieu Berbères) qui lui inspire un questionnement sur la réalisation de soi. Son message : la lune est trop souvent associée au sommeil, à l’inertie, la passivité alors qu’elle procure la plus belle lumière : celle qui éclaire l’âme/qui nous guide vers la rencontre avec soi. Ce titre est pour moi une continuité dans mes recherches de mélange sonore, entre acoustique et électronique, entre ce qui vient de loin et ce qui est juste à côté.

Que signifie Eat My Butterfly?

Eat My Butterfly peut tout vouloir dire et rien à la fois. C’est ce qu’on y met derrière, c’est libre d’interprétation. C’est à la fois un nom de projet qui réunit des termes qui me sont chers, comme celui de manger ou bien de papillonner. Mais c’est aussi une manière de me libérer en quelque sorte des injonctions que nous pouvons souvent avoir dans la musique, comme celle de rester dans une même esthétique, faire ce qu’on réussit le mieux à faire et rester dans sa zone de confort ou encore faire des choses avec une « continuité ». Je suis une personne plurielle avec de nombreuses cordes à mon arc et une curiosité avide pour tellement de choses dans la vie. J’ai fait du Jazz, de la batterie, de la basse, des percussions, de la musique brésilienne, cubaine, électronique, rock etc. J’ai besoin de pouvoir continuer à vivre cette musique dans sa transversalité et j’ai besoin de continuer de me nourrir de différentes cultures et manières de faire. Je me suis donc dit qu’avec un nom si « perché », on n’attendrait pas de moi une homogénéité sur la longévité mais plutôt un chemin musical libre parsemé de surprises et d’évolutions. Et pour terminer, oui, ce nom a aussi une connotation provocante en lien avec mes combats féministes, humanistes et contre les discriminations en général, mais ça, c’est un autre sujet qui mérite bien plus de lignes.

L’EP est disponible depuis le 17 août, commandez-le ici.

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