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The Pan African Music Magazine
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Zara McFarlane reprend connaissance en Jamaïque

Songs of an Unknown Tongue, le nouvel album de la chanteuse londonienne, est le fruit d’un retour en Jamaïque, la terre de ses ancêtres. Elle y a repris racines, et confirme dans ce quatrième album teinté d’électronique sa fulgurante trajectoire.

Que de chemins parcourus par la jeune chanteuse en tout juste dix ans et quatre disques. 

Suite à un premier EP autoproduit, Until Tomorrow révélait dès 2011 cette voix du jazz venue d’Angleterre, dont quelques accents rappelaient les origines jamaïcaines, ses accointances avec Gary Crosby et Denys Baptiste, deux piliers du jazz britannique d’avant la nouvelle vague actuelle. Moins de trois ans plus tard, Zara McFarlane revenait avec un second disque, toujours sur Brownswood, le label de Gilles Peterson, DJ connu pour ses grandes oreilles, notamment en matière de chant : If You Knew Her, dans une veine nettement plus soul jazz, évoquait les grandes heures du jazz spirituel allant même jusqu’à reprendre l’hymne du reggae conscious « Police and Thieves », immortalisé par Junior Murvin, mais aussi des comptines plus folk jazz, comme le tourneboulant « Open Heart ». Justement intitulé Arise, son troisième recueil poursuivait dans la même voie : une identité musicale forcément créolisée où elle pouvait compter sur le soutien d’un partenaire de longue date, le batteur Moses Boyd, propulsé producteur. Aux manettes, celui-ci irriguait toujours plus la musique de Zara McFarlane de multiples influences caraïbes. 

C’est encore ce fertile sillon que la native de Londres creuse, encore plus profond, avec Songs of an Unknown Tongue. Celle qui fut comparée à ses débuts à Nina Simone et Ella Fitzgerald, la même qui reconnaît en Lauryn Hill une aînée, plonge toujours plus dans les méandres de son histoire personnelle, emblématique du rapport entre la couronne britannique et ses anciennes colonies. Pour y parvenir, elle a choisi de partir en Jamaïque afin d’y toucher du doigt (et de l’oreille) les musiques racines, s’inspirant ainsi de « The White Witch of Rose Hall », une légende jamaïcaine, comme de la terrible Nanny, une des pionnières de la liberation de l’île alors encore soumise à la traite négrière.

Plus largement, la jeune femme élevée dans une banlieue anglaise où prospère le British national party (nationaliste, comme son nom l’indique) y interroge son identité, née des siècles d’exactions qui ont marqué l’Atlantique noir. Nombre des chansons reviennent sur cette quête, de « Native Nomad » à « Black Treasure », recourant bien souvent aux rythmes hérités de l’Afrique et à la spiritualité des tambours qui battaient le rappel des ancêtres chez les neg’ marrons. Soit le ferment d’introspections ésotériques, que Zara McFarlane transcende grâce à l’apport de la paire de producteurs Kwake Bass et Wu-Lu, qui appuient clairement plus sur la touche électronique. 

Tout à la fois plus folk et plus minimaliste, l’alchimie ainsi produite grâce à cet effet de contrastes permet d’autant mieux de valoriser les mélodies, toujours imprégnées de soul, qu’elles flirtent avec la pop ou fleurent bon le jazz. 

Quelle relation personnelle entreteniez-vous avec la Jamaïque avant ce long voyage ?

La Jamaïque est l’endroit où j’ai passé de nombreuses vacances scolaires avec ma grand-mère et ma famille. J’avais une affinité toute particulière avec la vie à la campagne jamaïcaine car c’était un contraste frappant avec ma vie à Londres.

Comment avez-vous entrepris cette recherche pour votre album ?

J’étais très intéressée par l’exploration de la musique folklorique jamaïcaine des « premiers temps » en particulier, et ce dans le but de découvrir quelle musique était pratiquée avant le vingtième siècle. J’ai d’abord parlé à l’expert en musique folk Marjorie Whylie qui m’a parlé de ces traditions folkloriques telles que Dinki Mini, Kumina, Bruckins, Revival et Etu pour n’en nommer que quelques-unes. Lors de mon voyage suivant, je suis allée à l’université des Antilles en Jamaïque, à l’Institut de la Jamaïque et à la Bibliothèque nationale pour lire davantage, écouter des extraits de musiques et ainsi recueillir plus de contexte sur la façon dont la musique était utilisée dans les diverses traditions folkloriques.

Justement, Bruckins, Dinki Mini, Revival, Kumina et Nyabinghi… De quoi parlent toutes ces anciennes traditions ?

Ces traditions sont associées à différentes choses. Par exemple : Bruckins est une célébration du jour de l’émancipation. Dinki Mini est exécutée pendant les célébrations de Neuf Nuits après la mort du défunt.

De nombreuses chansons de l’album parlent d’histoire et sont tout aussi pertinentes aujourd’hui. Peut-on considérer cet album comme résolument plus politique ?

Songs of an Unknown Tongue explore comment le passé, le présent et le futur sont entrelacés dans un état perpétuel. C’est une célébration de soi, de l’identité, du passé et de l’avenir. Il explore comment les effets du colonialisme résonnent dans ma vie actuelle. L’auto-exploration est un thème commun à mes albums.

Comment comprendre le titre de l’album ? Est-ce l’affirmation d’une « nouvelle langue », puisque les Caraïbes sont une culture à part ?

Le titre de l’album consiste à réapprendre le passé pour informer l’avenir, à reprendre connaissance et à s’approprier les histoires perdues, et fait un clin d’œil aux pertes qui ont été infligées à l’histoire et à l’identité noire.

Quelles conséquences tout ce travail préparatoire a-t-il eu sur votre musique ?

Ce travail de préparation a été le catalyseur pour explorer le rapprochement des premiers sons folk jamaïcains avec des sons électroniques plus actuels. C’était aussi un moyen de combiner l’essence des expériences jamaïcaines avec l’essence de ma vie à Londres.

Nous avons reproduit les rythmes folk jamaïcains sur des percussions en direct, puis en rejouant parfois les percussions en direct sur l’ordinateur afin de créer des empreintes numériques du rythme, ce qui nous a permis d’explorer plus de sons synthétiques avec le rythme d’origine. Pour ce qui est des textes et des mélodies, j’ai choisi de les mouler dans la structure call and response, et pour la narration j’ai exploré divers sujets inspirés directement des traditions folkloriques, de l’histoire des Caraïbes et de mes propres perspectives personnelles en tant que femme britannique noire. 

À ce propos, quel regard portez-vous sur le réexamen de l’histoire coloniale, sur les manifestations d’affirmation de la population noire, suite à l’assassinat de George Floyd et du mouvement Black Lives Matter ?

Je suis une militante de la mise en œuvre d’une approche à 360 degrés en ce qui concerne l’histoire des noirs, en particulier lorsqu’il s’agit de faire entrer l’histoire coloniale dans les systèmes éducatifs.

Songs of an Unknown Tongue, Brownswood Records / Sortie prévue le 17 juillet 2020

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