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Tempo Tempo : un hommage à Tony Allen plein d’à propos

Fixi et Nicolas Giraud, musiciens et compagnons parisiens du regretté batteur nigérian, ont repris les rythmes du maître pour coudre sur mesure, avec leurs invités, ce disque hommage. Interview.

Le multi-instrumentiste Fixi et le trompettiste Nicolas Giraud ne l’ont jamais caché : leur rencontre respective avec Tony Allen a changé le cours de leur vie. Après avoir longtemps joué aux côtés du maître tambour nigérian, ils ont développé leur propre carrière, sans jamais rompre avec ce mentor qui était toujours de bon conseil, prêt à les aider. Convoqué pour de nombreuses sessions, le premier s’est illustré notamment avec Java puis en duo avec Winston McAnuff, l’autre est demeuré présent sur les projets de Tony Allen, tout en pratiquant avec d’autres, de Keren Ann à Manu Dibango. Les voilà donc de nouveau réunis pour honorer la mémoire de celui qui est parti trop tôt, si vite, le 30 avril 2020, avec un disque qu’ils ont peaufiné ensemble, en invitant de nombreuses voix dont la diversité stylistique fait écho à celle pratiquée par Tony Allen : la globe-trotteuse Maïa Barouh, le Parisien Djeudjoah, la chanteuse Yoruba Ayo Nefretiti qui enregistra avec le batteur, le vieux maître nigérian Fataï Rolling Dollar, et même Tunji Allen, le petit-fils du créateur de l’afrobeat.   

Fixi et Nicolas Giraud, un hommage à Tony Allen : Tempo Tempo!

Avec ce disque vous saluez Tony Allen, qui fut un de vos guides au début de votre carrière. Quand et comment l’avez-vous rencontré ?

Fixi : En 1997. Rue de la Corderie, dans le Marais, je partageais un studio avec des potes, qui servait de lieu d’enregistrement à son album Black Voices. Le soir après les séances, je venais écouter les mises à plat, je connaissais un peu la musique de Fela mais là, c’était la batterie devant et des instruments funky. Dès que j’ai croisé Tony, je lui ai dit que je voulais enregistrer sur son disque. Ce que j’ai fait et depuis on ne s’est plus quitté.  

Nicolas Giraud: Moi, c’était trois ans plus tôt. En 1994 je venais d’arriver à Paris et je travaillais dans un studio à Bastille. Tous les jours à l’accueil je passais des morceaux de Fela en jouant de la trompette. Un jour, le boss du studio me dit qu’il y a Tony Allen dans le studio 2 ! Je toque à la porte et demande d’assister à la répétition. Tony très gentiment me dit oui. Après une bonne demi-heure, je le remercie : je devais reprendre le travail. Il m’interpelle : « Tu joues d’un instrument ? » Moi : « Oui de la trompette. » Lui poursuit : « Tu veux jouer avec nous ? »  Vous imaginez ma réponse. Et Tony d’enchaîner: « Va la chercher ! » Voilà comment a commencé cette histoire qui a duré 25 ans.

Tempo tempo, le titre de l’album que vous lui dédiez, est la grande leçon que vous avez retenue de Tony Allen. Il voulait dire quoi par là ? 

Fixi : « Tempo tempo », c’était sa phrase avant de commencer, comme pour dire on reste dans le rythme de la vie ensemble et on va voyager tous dans le même train. Tony était quelqu’un de très spirituel, et beaucoup de messages et de paraboles qui viennent de lui m’accompagnent. Souvent je les notais. Ou même, je l’enregistrais parler. Certaines phrases, j’en ai fait des chansons comme « Patience endurance and love » qui termine ce disque. 

Pour être cool, Tony n’en était néanmoins pas moins exigeant. La discipline est-elle une autre leçon ?

Fixi : La discipline c’est d’une part que chacun remplisse son rôle : la guitare doit garder sa ligne et la tenir sans déraper, les cuivres démarrer leur riff au bon moment et sans dormir… Ensuite, plus philosophiquement, la discipline c’est de rester soi-même et de jouer comme on est. Singulier.  

Nicolas Giraud: Il aimait aussi répéter « KIS » qui veut dire « Keep It simple ». Musicalement, cela voulait dire : joue avec ton cœur, simplement sans prétention. Et dans la vie c’était pareil : Tony était très accessible. On en a d’ailleurs fait un morceau sur cet album.

Comment avez-vous construit cet album ? A partir des patterns de Tony, présents de bout en bout ?

Fixi : Tony n’étant plus là, on s’est mis en chasse de batteries déjà enregistrées et heureusement il y en a. Tony faisait souvent cadeaux de ses beats aux quatre coins du monde : je l’ai vu au Brésil enregistrer un morceau live avec Abayomi, et laisser tourner la bande pour faire un rythme supplémentaire et leur dire : « C’est cadeau ! vous en ferez ce que vous voulez. » Six mois plus tard, un nouveau morceau était né. Tony a aussi enregistré des drums (batteries, NDLR) sur des sites qui les proposent à l’utilisation, ça nous a bien aidés. On s’est inspirés de ses rythmes et la composition venait, surtout que l’émotion était vive depuis son départ, et on avait beaucoup de choses à dire émotionnellement . 

Vous invitez de nombreuses voix qui, pour être différentes, ont toutes un lien avec Tony, et vous déployez à partir de la batterie de nombreuses pistes mélodiques, de la chanson au jazz. Est-ce une manière aussi de démontrer la complexité de ce personnage qu’on a souvent résumée au seul afrobeat ?

Fixi : Oui c’est vrai, Tony est universel. Et plus il avançait, et plus il cassait les murs et créait des ponts. Entre Afrique et Europe notamment, dans son travail avec Damon Albarn. Qui aurait pu imaginer Tony flirter avec de la pop anglaise ?! Et ça, il l’a décliné partout : au Brésil, en Louisiane, au Japon… On devait faire un tour en Jamaïque. Il voulait confronter sa perception du rythme et du beat avec toutes les musiques. Tony est un grand batteur mais avant tout un grand musicien et compositeur, qui a une vision globale de son art. 

(c) Frank Loriou

Vous m’avez parlé d’une session d’enregistrement qui était prévue entre vous et Tony. De quoi s’agissait-il ? Aviez-vous déjà posé des maquettes ?

Fixi : L’idée était de se voir et de jouer à nouveau, chacun étant dispersé sur d’autres projets. On se manquait ! Cela voulait dire être créatif ensemble sur un nouveau projet. Tony nous encourageait toujours à faire, à creuser notre chemin tout en disant qu’il serait toujours là pour nous : ce qu’il a fait souvent avec le groupe Java, mon duo avec Winston… Malheureusement, juste au moment où nous avons commencé à travailler, il est parti. 

Nicolas Giraud: Il est venu passer une soirée chez moi et j’avais commencé à lui faire écouter nos maquettes. Il m’a dit : « Je reviens la semaine prochaine pour enregistrer. » La vie en a décidé autrement. 

Tony attachait beaucoup d’importance à la voix, et lui-même a pris le micro. Pourtant, il n’est jamais parvenu à s’imposer comme chanteur. Etait-ce l’un de ses grands regrets ?

Fixi : Non pas du tout, Tony n’aimait pas chanter, il l’a fait par dépit n’ayant pas les moyens d’avoir un chanteur ou chanteuse pendant toute une période. Il n’aimait pas la représentation et voulait se concentrer sur sa musique, sa batterie et kiffer !!! Dès que quelqu’un prenait cette place au chant, il était soulagé. 

C’était une personne silencieuse en public ! « I don’t want to talk to much », disait-il souvent. En privé c’était différent. Ceci dit avec sa voix aussi unique, tellement en phase avec son personnage et sa puissance, il voyait bien qu’on le portait et l’encourageait dans cette voie. Du coup sur les albums on se mettait d’accord et il chantait deux, trois chansons.   

Quelle était sa marque de fabrique, qui rendait son son si particulier, reconnaissable entre mille ?

Fixi : La délicatesse, le batteur qui joue le plus soft au monde. L’équilibre entre les éléments. Son jeu sur la Charley et son kick, le battement de cœur qui tire tout le reste. 

Peut-on raisonnablement affirmer que Tony est l’un des dix batteurs qui auront compté dans le siècle qui vient de s’écouler ?

Fixi : Je ne suis pas objectif car sa musique coule dans mes veines mais oui ! En tout cas il restera comme un grand penseur de la polyrythmique et du groove. Et aussi il a développé « l’anti-batterie » : comment être batteur sans technique (physique) ! C’est contraire à toute la philosophie de cet instrument. 

Sans Tony, pas forcément de Fela. En quoi Tony a-t-il été le facteur déclencheur de la carrière du saxophoniste-chanteur ?

Fixi : Tony était son bras droit, son directeur musical et comme le dit son guitariste Kologbo : Fela c’était l’afro et Tony le beat. Il est à la fondation même de l’afrobeat, puisque c’est lui qui a fait ce syncrétisme rythmique entre les percussions yoruba, le highlife, le jazz et le funk. Fela composait la musique, excepté la batterie. Tony écoutait la composition et se plaçait dessus avec son ressenti. Ce qu’il a toujours fait ensuite avec toute sorte de musiques. Il écoutait et créait.  

Tempo Tempo disponible sur toutes les plateformes. (lafamilia/L’Autre distribution)

Écoutez Tempo Tempo dans notre playlist Songs of the Week sur Spotify et Deezer.

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