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The Pan African Music Magazine
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Rokia Koné, des nuits blanches de Bamako aux Banlieues Bleues de Paris

Après avoir longtemps écumé les scènes des maquis de Bamako, Rokia Koné est enfin entrée en studio pour l’album Bamanan, réalisé par l’Irlandais Jacknife Lee. Ils joueront ensemble le 22 avril au festival Banlieues Bleues.

Tentez de gagner vos places pour le concert de Rokia Koné dans le cadre du festival Banlieues Bleues à Aubervilliers en envoyant votre nom et prénom à [email protected], avec « Rokia » en objet.

Un jour de 2016, sur la terrasse de Radio Libre, le célèbre espace de concert où les artistes qui font les nuits bamakoises et leur public ont leurs habitudes. Valérie Malot, manageuse et productrice démarre à cette époque son nouveau projet musical, Les Amazones d’Afrique avec Oumou Sangaré et d’autres chanteuses maliennes. Elle discute de la production des chansons avec des gens du milieu dont le fondateur des lieux, le reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly. En-bas, un orchestre est en plein spectacle. Une voix résonne. Valérie est distraite, elle ne suit plus la discussion. « J’entends un chant qui me prend dans les tripes, qui m’a vraiment transportée au point que je n’arrivais plus à écouter les gens autour de moi. » Elle veut savoir qui se cache derrière cette voix : « Je demande, on me dit le nom et je comprends Rokia Traoré. Je me dis : mais quand elle est à Bamako ça donne autre chose, c’est spirituel. » Elle veut la voir chanter. « Je descends et je la vois, ce n’était pas Rokia Traoré, mais Rokia Koné ! et j’ai commencé à discuter avec elle ». C’est ainsi que débute la collaboration entre les deux femmes. Valérie Malot et son agence 3D Family, qui s’occupent de la carrière de plusieurs artistes maliens dont Amadou et Mariam ou encore Salif Kéïta, la prennent sous son aile. Elle l’invite à rejoindre Les Amazones d’Afrique et lui ouvre ainsi ses premières scènes internationales en Europe.

Une voix qui ne laisse pas indifférent

Comme toutes les personnes qui travaillent avec Rokia Koné, on tombe d’abord sous le charme de sa voix avant de la rencontrer. Cette voix envoûtante qui a séduit Valérie Malot est aussi arrivée aux oreilles du producteur américain Jacknife Lee qui a travaillé avec de grands noms. U2, R.E.M, The Killers, Taylor Swift… rien que ça! Il en est tout de suite tombé amoureux. « Il m’a appelée tout de suite pour me demander, c’est qui cette femme, elle a une voix de dingue », se remémore Valérie Malot fascinée par le magnétisme que dégage sa nouvelle protégée qui justement, travaillait sur la sortie d’ un album, son tout premier. Le coup de fil de Jacknife Lee tombe à pic : il travaille sur le premier opus de Rokia Koné. Il ne l’a jamais rencontrée, aussi la collaboration se fait-elle à distance, par l’intermédiaire de Valérie. Le producteur a tenu à garder intacte la performance vocale de la chanteuse. « Jacknife n’a pas touché son chant, il n’a fait aucun découpage qui dénaturerait la façon de chanter de Rokia », précise Valérie. Le résultat est magique. Il suffit d’écouter le titre « N’yanyan », une vieille chanson ancestrale qui nous ramène à notre condition de mortels en nous mettant face à la fragilité de la vie. Le clip de cette performance vocale a été réalisé à Gorée au Sénégal dans l’une des maisons coloniales de cette île, sous la direction du réalisateur sénégalais Joseph Ramaka. Rokia Koné apparaît aux différentes fenêtres de la bâtisse dans une magnifique robe bazin couleur vert d’eau clair confectionnée par le jeune styliste Cheickh Kébé. Elle donne de la voix comme si elle s’adressait à des êtres invisibles et insaisissables de l’autre côté de l’atlantique. Des paroles philosophiques qui interpellent. « Le monde prendra fin un jour, avec tout ce qu’il contient. L’humain est passager. L’humain, c’est aussi la mort », chante-t-elle. 

Rokia Koné & Jacknife Lee – N’yanyan
L’album Bamanan, une ode à la femme

Pas facile de faire parler Rokia Koné, surtout quand il s’agit de raconter sa vie. Si vous voulez la connaître, demandez-lui de chanter, vous ne serez pas déçu. Vous en apprendrez davantage sur elle en prêtant l’oreille aux paroles, si bien sûr vous comprenez la langue Bambara. Comme dans les paroles de Kurunba avec cet extrait traduit en français.

J’étais folle quand je me suis mariée.
Et je n’étais pas enfermée.
J’étais folle quand je suis tombée enceinte.
Et je n’étais pas enfermée.
J’étais folle quand j’ai accouché.
Et je n’étais pas enfermée.
J’étais folle quand j’ai élevé mon enfant.
Et je n’étais pas enfermée.
Un proche cruel représente le kurun.
Un mari cruel représente le kurun.
Je n’ai plus rien à te dire kurun.

Tous les titres de l’album Bamanan sont chantés dans cette langue pour faire résonner les causes qui lui sont chères, comme le bien-être des femmes évoqué dans la plupart de ses chansons. « Je m’intéresse beaucoup aux problèmes qui touchent les femmes parce que je suis moi-même une femme et aussi ce sont elles qui souffrent énormément dans nos traditions », justifie-t-elle. « Anw Tile » qui signifie « notre époque » et « Kurunba », un message envoyé aux femmes pour les inciter à se faire entendre face aux injustices qu’elles subissent dans la société. « Mansa Soyari », une chanson composée pour Les Amazones d’Afrique dans laquelle elle choisit de remplacer les héros de l’histoire du Mali par des héroïnes telles les chanteuses Ramata Diakité et Fanta Damba. « Mayougouba » pousse les filles et les femmes à danser et à ne pas cacher leur personnalité. Tous ces morceaux finiront de vous convaincre sur son engagement pour les femmes et sa passion pour son art dans un pays conservateur comme le Mali car « la musique, revendique-t-elle, n’empêche pas une femme de construire une vie de foyer ou d’avoir des enfants. Si un homme dit qu’il ne veut pas de moi tant que je fais de la musique, je choisis la musique, c’est ma priorité. Je ne sais rien faire d’autre à part chanter. »

Rokia Koné & Jacknife Lee – Kurunba
Une scolarité interrompue par un mariage forcé

Rokia a grandi à Dioro près de Ségou, berceau de l’empire bambara, puis à Maraka Kungo, à 90 km de la capitale malienne. Elle grandit dans une famille qui, bien que noble, baigne dans la musique. Elle voit sa grand-mère, ses tantes et ses oncles chanter. C’est certain, elle sait qu’elle veut suivre cette voie. L’adolescente commence alors à chanter tout en poursuivant sa scolarité. Une soif d’apprendre qui sera brutalement interrompue. « J’ai été mariée très tôt à 14 ans, j’ai aussi été mère très jeune, tout cela a mis fin à mes études. J’avais pourtant envie de continuer parce que quand tu n’es pas instruite, tes connaissances sont limitées et tu dépends parfois des autres » regrette-t-elle aujourd’hui, d’où son intérêt pour la thématique de la scolarisation des filles. Elle souhaite que d’autres petites filles et adolescentes puissent avoir cette chance qu’elle n’a pas eue. « Les filles doivent aller à l’école et avoir une bonne éducation, j’exhorte les parents à faire cela. » lance-t-elle. Le mariage forcé qui l’avait arrachée aux bancs de l’école, elle s’en est affranchie grâce à la musique quand elle a décidé de prendre son destin en main en quittant sa région pour la capitale. Surnommée « la rose de Bamako », certainement du fait qu’elle s’est fait tatouer une rose sur le bras, elle se produit au moins trois fois par semaine dans les bars et autres lieux de spectacles de la ville. Des concerts qui commencent à 1h du matin et prennent fin à 5h. Rokia Koné ne laisse personne de marbre quand elle déploie ses cordes vocales. Elle s’inspire énormément des chants traditionnels du Mali. Telle une bibliothèque, elle a emmagasiné un nombre incalculable de chansons ancestrales et s’en sert pour construire son répertoire. Des chansons qui ont souvent une portée spirituelle caractérisant son style. Valérie Malot est convaincue qu’avec Rokia Koné, « on dialogue avec une spiritualité qu’elle sait transmettre dans ses chansons: cette énergie qui transporte même si on ne comprend pas la langue ». Sa technique musicale est instinctive et elle y apporte une touche d’improvisation qui surprend toujours sur scène tant sa voix dégage une certaine fragilité tout autant qu’une force insoupçonnée.

En mars, Rokia Koné était en couverture du très sélect magazine britannique Songlines, et Valérie Malot n’en revient toujours pas. « De toute ma carrière de productrice, avec tous les projets que j’ai menés, en travaillant avec tant d’artistes africains, Oumou Sangaré, Salif Kéïta, Amadou et Mariam, je n’ai jamais eu une couverture de Songlines. Et là, qui a la couverture de ce magazine ? C’est Rokia Koné. » Invitée pour la soirée de clôture du festival Banlieues Bleues, elle présentera pour la première fois, en live, son album Bamanan. Celle qui est présenteé comme l’une des grandes voix actuelles de la musique mandingue, la « Bamanamuso », la femme bambara en français, a encore une belle carrière à construire, et deviendra peut-être la nouvelle star internationale malienne qu’on devine en elle.

Rokia Koné, en concert le 22 avril à Paris à l’occasion du festival Banlieues Bleues.

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