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The Pan African Music Magazine
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Robinio Mundibu : les pieds dans la rumba, la tête dans l’afro house

Pour sa première venue à Paris, le chanteur qui a grandi dans la rumba et flirte aujourd’hui avec l’afro house fera la première partie de Fally Ipupa à Bercy. Un beau tremplin pour cet artiste dont la vie ne fut pas un long fleuve tranquille. Portrait.

Crédit photos : Mehdi Sotot 

Le petit génie qui réparait déjà les radios, télévisions et même le courant électrique de son quartier dès 10 ans, s’apprête à fouler la scène de l’AccorHotels Arena ce vendredi 28 février, en première partie de son mentor Fally Ipupa. L’aboutissement d’une longue et difficile formation musicale auprès de ténors de la rumba. Depuis 2014 en solo, Robinio Mundibu enchaîne les succès (ses deux derniers singles dépassent le million de vues sur Youtube, dont « Misu Na Misu » à 10 millions). À 36 ans, après avoir longtemps été dans l’ombre, Robinio Mundibu fait un joli pied de nez à ceux qui le sous-estimaient et parvient même à afficher son nom dans l’une des plus grandes salles européennes. C’est à Paris justement, qu’il a raconté à PAM son histoire.


De Mongala Akelembi à Robinio Mundibu

Après quelques emplettes sur les Champs-Élysées, première fois à Paris oblige, Robinio Mundibu me rejoint dans les locaux des labels EPM et Cantos Music. D’apparence calme et plutôt introverti, il se met facilement à chanter lorsque je lui demande quels airs ont bercé son enfance. Doué pour retenir les chansons des artistes préférés de son père (Bana Ok, Franco, Madilu System…), sa voix captait l’attention des habitants du quartier qui l’incitaient à chanter dès son plus jeune âge : « On me disait ‘tu deviendras musicien’. C’est parce qu’on m’a trop pointé du doigt que je le suis devenu.« 

Après l’obtention d’un diplôme d’État en électricité générale et soucieux d’être formé par les plus grands, le jeune Kinois s’est décidé à rejoindre Do Akongo en 2002 : « C’est un grand compositeur qui habitait le quartier où j’ai grandi, et un ancien du groupe Quartier Latin de Koffi Olomide. Quand il l’a quitté, il a monté le sien. Je ne savais même pas que je deviendrais un jour musicien, mais je venais chez lui pendant qu’il répétait avec ses artistes, on se parlait… Quand je suis devenu musicien, je me suis donc tourné vers celui que je côtoyais déjà. Et même si je n’avais aucune base, il m’a quand même accepté. »

Le nouveau chemin emprunté par le jeune homme, qui jusque-là passait plus de temps à se saper et réparer toutes sortes d’appareils et circuits électriques, mit sa force de caractère à rude épreuve : « Quand on jouait, tout le quartier venait me voir, mais j’étais mis de côté, car je ne chantais pas assez bien… C’était l’humiliation totale. Ça m’a poussé à travailler en me donnant à fond. Aujourd’hui, je suis le seul à être resté musicien parmi ce groupe. » 
 


Après quatre années à apprendre et maîtriser les bases de la rumba, Mongala Akelembi quitte Do Akongo en quête d’un orchestre offrant une rémunération et plus de visibilité à ses artistes. Mais pour y parvenir, une seule issue possible : interpréter à la perfection une des chansons de leur immense discographie, lors d’un examen réunissant près de 800 candidats… pour trois places. « 
Je me suis préparé pour intégrer Wenge Musica Maison Mère, Wenge Musica BCBG et Quartier latin. Il faut maîtriser leur répertoire, mais ce sont des groupes qui ont une dizaine d’albums chacun… J’en connais qui ont passé des tests pendant huit ans avant d’être acceptés. » 

Recalé, Mongala Akelembi apprit par un membre du jury qu’un pionnier de la rumba tendance ndombolo, Tutu Caludji, montait son groupe après avoir quitté Wenge Musica BCBG. Et c’est ainsi que naquît Robinio : « J’ai tellement appris pour les examens, qu’en arrivant chez Caludji, je fus le meilleur des artistes postulants. Quand il m’a vu, il m’a donné le nom de Robinio ». Sûrement en référence au joueur brésilien Robinho qui cartonnait à l’époque. Et ce n’est qu’en 2009, en rejoignant Wenge Musica Maison Mère, que « Mundibu » vint compléter son nom de scène grâce à l’esprit inspiré de Werrason. 

Certes, avant d’intégrer le clan Wenge BCBG, Robinio connut son lot de joies et notamment de mémorables concerts avec Tutu Caludji, mais il vécut aussi de longues errances : « En 2006, quand on a commencé de collaborer avec Caludji, on était sur le projet de son album. Mais il est parti à Paris pour le terminer et nous a laissés à l’abandon. Pendant deux ans, on n’avait ni patron ni salaire… rien. J’ai voulu recommencer mes démarches pour intégrer Wenge Musica Maison Mère, sauf qu’ils avaient déjà fait les recrutements et que les prochaines sessions étaient dans trois ans. Je ne pouvais pas attendre autant alors j’ai tenté d’une autre manière : je payais des télévisions et radios pour chanter et me faire découvrir en mentionnant que j’étais un artiste libre, cherchant un groupe à intégrer. J’ai été le premier à faire ça au Congo. Je faisais mes petits boulots à droite à gauche, comme réparer le courant, et ce que je gagnais, je le misais sur la musique. Et c’est comme ça que Werrason lui-même a envoyé quelqu’un pour venir me chercher. J’ai quand même dû passer le test, mais ça a facilité l’approche. J’ai pu intégrer le groupe et directement chanter sur l’album en préparation, Techno Malewa Vol. 1.« 

C’est donc à l’âge de 25 ans que Robinio Mundibu obtint un début de reconnaissance et parvint enfin à vivre de la musique. Pourtant, au bout de cinq ans à voyager et échanger, parfois vigoureusement, avec de grands musiciens, « El Generalissimo » ne se sentait plus évoluer et décida de quitter le groupe : « Avant tout, j’aime la musique. Chez Wenge Musica Maison Mère, il y avait l’argent, le succès… mais je me suis rendu compte que ça devenait trop business. Je voulais chanter, changer les gens, apporter de la joie. J’avais besoin de développer ma vision et m’exprimer. En cinq ans, je n’ai fait qu’un seul album sur lequel j’ai posé deux parties solos vocales de quelques secondes. Comment tu veux t’exprimer ou évoluer dans ces conditions ? »

Mais quitter une telle institution n’est pas aisé et ses anciens partenaires devinrent ses premiers détracteurs : « On me disait : ‘Regarde les gens qui ont fait 15 ou 20 ans avec Werrason. Ils ont gagné de l’argent et des fans, mais en quittant Wenge Musica Maison Mère qu’ont-ils fait ? Toi, que vas-tu faire en quatre ans seulement avec des petits solos vocaux ? Et actuellement, il y a le phénomène Combattants : même dans ta famille, personne ne croit en toi’ ». 
 


Quand le compteur Youtube s’affole

Malgré ces difficultés, Robinio Mundibu redouble d’efforts. En 2014, il entame une carrière solo. D’abord avec un titre rumba, « Vantard », puis avec « Mbonzi Mbonzi » en mode ndombolo, et sort progressivement de l’ombre que lui imposaient ses différents groupes : « Je suis passé de 15 000 à 60 000 écoutes. Alors j’ai poursuivi dans cette voie avec une autre chanson dansante, qu’on appelle ‘générique’, et j’ai eu 150 000 écoutes. » Il n’en fallait pas plus pour que les labels français EPM et Cantos Music lui fassent signer son premier contrat en 2016. La voie est ouverte à son premier EP, Chiffre 9, en référence au groupe du même nom qu’il vient de former. Sa musique parvient jusqu’aux oreilles de Fally Ipupa qui découvre l’ampleur de son talent et lui apporte son soutien : « À l’époque, c’était le seul grand monsieur de chez nous qui parlait de moi. » 

Plusieurs fois frappé par la censure pour des chansons jugées trop scabreuses, Robinio Mundibu a paradoxalement gagné en popularité tout en dépassant les frontières de son pays. Ce fut le cas justement de « Misu Na Misu« , interdit de diffusion sur les ondes congolaises pour « atteinte aux bonnes mœurs » parce qu’il y était question de « faire entrer, faire sortir ». Le chanteur se défend : « il y a plusieurs interprétations, mais je ne suis pas responsable de la pensée des autres. » 
 


Soucieux de se renouveler et surprendre pour garder la flamme, Robinio Mundibu élargit progressivement sa palette musicale. Notamment en s’inspirant des musiques électroniques comme l’afrobeats ou l’afro house, comme en témoignent ses derniers morceaux. Depuis 2017, El Generalissimo a un album dans les tuyaux, baptisé « Noir & Blanc ». « L’album de mes rêves », prévient-il. Celui qui cristallise toutes ses frustrations accumulées, ses influences et son ambition internationale — avec la volonté d’avoir d’importants featurings et une interprétation déclinée en quatre langues (lingala, anglais, français et swahili) : “
Ce sera un album pour tous, de tout et de partout. Il faut que je puisse gagner la communauté francophone, anglophone...” 

« Misu Na Misu« , qui ne devrait pas figurer sur son album, a été envoyé comme un ballon d’essai. Il est devenu un hit aux 10 millions de vues, prouvant ainsi son aura internationale. À l’instar de la nouvelle scène congolaise incarnée par Innos’B, Alesh, Rebo, DJ P2N ou encore Samarino. « Tous ces artistes, on se parle ensemble. On a appris la musique au même moment. Aujourd’hui, le RnB et le hip-hop cartonnent et je me retrouve là-dedans, car j’ai appris ces deux côtés-là. D’ailleurs, j’ai pas mal de chansons style RnB dans mon album. Même mon morceau qui sortira en mars, ‘Tonight’, c’est un style que je n’avais jamais fait. Les gens seront surpris. »

Admiratif de Burna Boy et Niska tout autant que de Koffi Olomidé, Robinio Mundibu n’est ni hautain ni démesuré. Il est ambitieux, mais sait rester humble. D’ailleurs, son souhait de changer les gens est déjà en passe de se réaliser avec Freddy Mbolongo : « C’est un danseur dont j’ai beaucoup appris. Il a une taille et une corpulence que les gens n’aimaient pas. Ils le trouvaient trop vieux, trop gros et ne voulaient pas le voir à mes côtés. Ils le détestaient. Je lui ai donné sa chance en lui disant : ‘ta taille fera de toi un grand. Sois juste patient et travaille.’ On a commencé à faire des clips et dedans je le mettais toujours torse nu, avec son gros ventre. Aujourd’hui, on voyage partout, les gens viennent prendre des photos avec lui et là, il a obtenu le trophée du meilleur danseur d’Afrique. Ça me fait du bien. » 
 

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