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The Pan African Music Magazine
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Príncipe Discos : la voie royale 

Depuis sa création en 2011, le label Príncipe Discos s’est lancé à la conquête du dancefloor international avec une signature sonore irrésistible : la batida. Beats, émancipation, racines, fierté et identité…. rencontre avec les producteurs Marfox et Nídia lors du Guess Who? Festival.

Photo : Nídia

Portugal, 2004. Discrète mais sur le point de durer, une révolution se prépare au sein des banlieues de Lisbonne. En fusionnant kuduro, kizomba, funana ou encore tarraxinha à des beats house et techno, les pionniers de la batida trouvent alors ce qui allait devenir le son, la signature et les beaux jours du label Príncipe Discos – comme pour Boy Better Know avec la grime de Skepta et les siens à Londres. Batida, qui désigne de la même manière en portugais les beats et les battements du cœur après un choc. Tout juste !

« Il y avait ce mec qui mixait dans un coin. Moi je n’étais que DJ et à cette époque-là, c’était toujours la même musique en soirée – toujours la même soupe. Mais là, c’était nouveau, je n’avais jamais rien entendu de pareil ! Je suis allé le voir et il jouait ses propres tracks. C’était Nervoso, le père de la batida. J’ai tout de suite voulu faire la même chose”, rembobine Marlon Silva alias Marfox qui figure aujourd’hui, avec Nervoso et Firmeza, parmi les piliers de Príncipe Discos. Lancé en 2011 avec la sortie de le premier EP de Marfox, Eu Sei Quem Sou (“Je sais qui je suis”), le label réussit une prouesse : désenclaver la musique des ghettos de Lisbonne en un temps record. En s’invitant dans les clubs du centre-ville dont le fameux MusicBox avec la soirée Noite Príncipe, rendez-vous incontournable des nuits lisboètes autant que vitrine du label dont le son mute en permanence, Príncipe Discos s’offre alors une voie royale vers les scènes du monde entier. Une place que la deuxième génération de producteurs – et désormais une productrice – entend bien défendre coûte que coûte. « La philosophie de Príncipe ? » demande Nídia. « Permettre à chacun d’entre nous de vivre son rêve. » 
 


Repérée par Marfox, la jeune productrice progresse très vite : après Nídia É Má, Nídia É Fudida en 2017, un premier-né plébiscité par Fever Ray et le New York Times, elle se produit notamment au Sonar dès l’année suivante.  À son image, Maboku mais aussi Nigga Fox, Lilocox, KarFoX, LioFox, DadiFox, FamiFox continuent de cultiver le sillon creusé par les pionniers – avec toute leur gratitude contenue dans un suffixe. « Aucun d’entre nous ne fait la même batida, en revanche, c’est viscéral pour tout le monde », explique Nídia qui aime les rondeurs R&B là où Lilocox préfère les syncopes de la trap. Si les couleurs varient – chacun a les siennes – l’ethos du Príncipe Discos lui ne bouge pas : ce sont l’authenticité et le sens du collectif qui priment. « C’est ensemble, en tant que scène, que nous avons pu conquérir des espaces dont nous n’osions même pas rêver », renchérit Marfox que l’on retrouve à Le Guess Who? Festival aux Pays-Bas, dans la fumée stroboscopique du club Basis. Là-bas, une autre chose se vérifie : le pouvoir dansant de la batida qui, avant d’être un ascenseur social, demeure une musique de fête pour corps non-aliénés.


La batida de Príncipe Discos, la fureur des grands lacs de Nyege Nyege Tapes en Ouganda ou la gqom sud-africaine quelques années auparavant… à chaque fois que surgissent des sons radicalement novateurs, Fruity Loops fait office de dénominateur commun. « Évidemment ! C’est le logiciel du pauvre. Quand on y pense, Fruity Loops est un véritable outil d’émancipation – et c’est le plus facile à craquer », s’exclame Marfox qui, en plus d’être un producteur reconnu, est devenu un exemple à suivre pour les jeunes de Portela qui lui rendent hommage avec une peinture murale de plus de 15 mètres de haut. « Príncipe Discos a un rôle social, c’est clair : nous avons ouvert une voie nouvelle dans nos quartiers en prouvant qu’il est possible de se réaliser par la musique plutôt que par la violence. » Mais surtout, la batida de Príncipe Discos exprime une culture indépendante et fière de l’être.

DJ Marfox


Nídia comme Marfox trouvent leurs racines sur le continent africain : l’une en Guinée-Bissau et au Cap-Vert, l’autre à São Tomé-et-Príncipe. Si tous deux sont nés dans les ghettos de Lisbonne, la disciple et le maître cultivent à leur manière les liens avec leurs origines. Nídia rêve dur au retour en se délectant pour patienter des petits plats de sa maman – cachupa capverdienne en tête, tandis que Marfox se rend régulièrement à São Tomé-et-Príncipe pour rendre visite aux siens. « Il m’est arrivé de jouer ma musique à São Tomé mais je crois qu’elle est trop expérimentale pour eux », déplore-t-il, en ajoutant que c’est aussi le cas dans les fêtes « à l’africaine » au quartier à Lisbonne. Il est vrai qu’à l’écoute d’Ardeu (« C’était chaud ») de Firmeza et de Cartas Na Manga (« J’ai d’autres atouts dans la manche ») de Nigga Fox, excellentes dernières sorties en date de Príncipe Discos dont l’intensité rythmique et les dissonances alien franchissent un nouveau cap, on peut facilement concevoir que certains puissent être déroutés.


Dans leur discothèque respective, les musiques-racines de Ferro Gaita, Rui Sangará ou encore África Negra arrivent en bonne place, néanmoins Nídia comme Marfox revendiquent la batida comme synthèse et pur produit des enfants de la diaspora. « Dans les ghettos de Lisbonne, il y a des gens qui viennent de São Tomé, de Guinée Bissau, du Mozambique, de l’Angola, du Cap-Vert… Mais moi je ne suis ni vraiment portugais ni vraiment africain. Cette musique me donne une identité, j’ai beaucoup d’amour pour elle car c’est notre drapeau. La batida, c’est le son mutant des ex-colonisés, conclut fièrement Marfox, c’est le son des ghettos de Lisbonne. » Et Príncipe Discos, son catalyseur. Et si le label n’a pas le monopole du beat à Lisbonne – citons notamment Enchufada, le label du collectif Buraka Som Sistema, avec qui une belle rivalité s’est installée ces dernières années – ce jour-là c’est Marfox qui a le dernier mot : « quoi qu’il arrive, nous ne perdrons jamais notre identité, pour nous c’est l’essentiel» 
 

DJ Firmeza

Maboku

Firma, Do, Txiga

DJ Marfox

DJ Lycox

Pictures by Marta Pina

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