La rappeuse britannique aux racines nigérianes sort un premier album enregistré à la maison et bluffant de maturité. Discussion avec une artiste bouleversante de simplicité.
Quand Lex Amor rappe, on se tait. Les boucliers tombent et brusquement, une certaine vulnérabilité s’installe. Entre rap et poésie, la Londonienne fait le bilan de sa vie en chuchotant des vers introspectifs sur les neuf chansons qui composent son premier album Government Tropicana. « C’est un album 100% DIY », explique-t-elle à notre grande surprise. « la majorité des titres ont été enregistrés dans ma chambre et produit par des potes. Nous n’avons demandé aucune aide, c’est vraiment du fait-maison, et je pense que c’est représentatif de cette période. » Malgré le côté rudimentaire de sa genèse, Government Tropicana sonne pourtant comme l’un des meilleurs albums de hip-hop entendus cette année.
Membre du casting au sein du projet collaboratif Extra Soul Perception – que nous avions dépeint ici – Lex Amor considère aujourd’hui ce collectif d’artistes éphémère comme une « famille, une communauté où règne la raison et la créativité collective ». ESP a donc laissé des séquelles positives chez l’artiste, la libérant alors de ses chaînes. « ESP était dénué de cloisons », continue-telle, « la musique avait besoin d’espace pour s’épanouir à travers ces différentes voix, ce qui m’a fortement impactée ». Voyageant d’un home-studio à l’autre tout en écrivant des paroles sur la route, Lex Amor est enfin prête à encapsuler une tranche de son parcours musical et de son état d’esprit du moment. Flottant sur la musique grâce à ce charisme déconcertant qu’elle dégage, Lex Amor s’est entourée de proches talentueux le temps de quelques couplets, ou pour enjoliver son flow avec des productions léchées. « Ce que j’adore dans la musique, c’est cet esprit de communauté, de famille qui m’encourage », dit-elle. « Je n’ai même pas eu à choisir ces collaborateurs, c’était comme faire de la musique avec ces potes que je respecte, dans une atmosphère très organique. Ce sont avant tout des amis, mais je suis aussi fan de leur travail, individuellement et collectivement. »
Derrière la délicate vibe UK garage de « Moesh », le poignant « Plant Your Feet » ou les frissons causés par le magnifique « 100 Angels » se cachent l’histoire de sa vie, qu’elle tente de raconter à travers celle de la première génération d’ouvriers noirs venus travailler à Londres. « La première chose qui me vient à l’esprit est la multiplicité des communautés qui m’entouraient », raconte-t-elle. « Cette exposition a conditionné ma façon de parler, de penser, et de naviguer dans ma vie. Je me sens chanceuse d’avoir grandi autour de tant de cultures différentes, c’est ce qui m’a formée et qui explose aujourd’hui dans ce projet. » Lex Amor survole sa propre évolution au sein d’une capitale cosmopolite, loin de ses racines qu’elle honore en chantant de temps à autre en igbo, langue et dialecte de l’est du Nigéria. Véritable révélation, Government Tropicana est un petit chef d’œuvre de 30 minutes qui désarme en résonnant comme une confidence…
L’album est disponible depuis le 18 septembre sur la page Bandcamp de l’artiste.