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The Pan African Music Magazine
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Les meilleurs albums de l’année 2020

2021 arrive à grands pas. L’occasion pour PAM de revenir sur les meilleurs albums de l’année qui s’en va. 

Une année difficile s’achève, au cours de laquelle le monde de la musique et de la culture auront été mis à l’arrêt bien trop longtemps pour que l’ensemble de cet écosystème n’en ressorte indemne. Le bilan est sombre et l’impact inquiétant, on n’aura jamais cessé de le répéter, mais il en fallait plus pour décourager les artistes qui ont su s’adapter aux contraintes, notamment par le développement du livestream. Une manière de maintenir le lien avec le public en s’invitant, le temps d’un concert, dans une chambre ou un salon. Le numérique aura également permis — pour certains — de compenser la chute des ventes physique de disques et au streaming de progresser un peu, mais dans bon nombre de pays, c’est la musique live, sur scène et avec du public, qui a été assommée. Et elle est essentielle à la survie (économique et même existentielle) des artistes. 

En attendant la suite, PAM a sollicité bon nombre de ceux qui écrivent sur le site pour vous proposer, de manière chorale, une sélection d’albums parus en 2020, et qui balaie à sa manière, et selon les goûts diversifiés de l’équipe, un large éventail de genres qui, de près ou de loin, sont liés au vaste univers culturel afro. Hip-hop, jazz, reggae, électronique, musiques traditionnelles et urbaines, ou encore dialogues intercontinentaux… de quoi faire un riche flash-back dans vos souvenirs, ou vous faire découvrir, peut-être, des pépites que vous auriez pu manquer. Alors qu’on s’apprête, armé si possible d’optimisme, à entrer dans la nouvelle année, un petit coup d’œil dans le rétro ne pouvait pas faire de mal.

Ray Lema
On entre KO, on sort OK

(One Drop)

Cela faisait bien longtemps que Ray Lema était hanté par Franco, monument de la rumba, prolifique musicien, parolier et improvisateur hors pair. En juin 2019, le festival Jazz Kif de Kinshasa lui proposait de rendre hommage au sorcier de la guitare, au cours d’une magnifique soirée qui fut à la hauteur du grand maître Luambo Makiadi. Son fantôme dansait certainement non loin de là, tout heureux d’être incarné à merveille par le génial guitariste Rodriguez Vangama. Sans oublier les cuivres, les voix, et bien sûr le clavier de Ray Lema qui a relu Franco à sa manière, savante et aventureuse. En un mot, saventureuse ! Cette mémorable soirée de juin a été enregistrée, remixée et gravée sur un disque. « Mario », « Chérie Bondowe » ou « Ebale Ya Zaïre » côtoient des reprises de titres moins connus, comme le drôlissime « Nani Napedalaki Te » (Qui n’a pas pédalé ?). Tout cela, porté par les vivas du public kinois. Écoutez-le, OK ? —Vladimir Cagnolari

Luedji Luna
Bom Mesmo É Estar Debaixo d’Água 

Laissant parler son art pour elle-même, c’est sans promotion particulière que la diva de Bahia a livré son deuxième album officiel « Bom Mesmo É Estar Debaixo d’Água » (« Qu’il est bon d’être sous l’eau »). Le projet, véritable bijou de MPB (musica popular brasileira), est une renaissance pour la chanteuse. Nourrie d’influences nouvelles, Luedji y intègre de la poésie (« Lençois »), du jazz (« Recado »), de l’anglais (« Ain’t I A Woman ») et des influences ouest-africaines (« Origami »), offrant à son public une palette large de ce que peut être la musique noire brésilienne contemporaine. Les thèmes chers à la chanteuse, comme la féminité, sont évidemment abordés, mais sous un prisme nouveau, changés à tout jamais par la naissance de son premier fils, sa relation avec le rappeur Zudizilla et un voyage en Guinée. L’album a également été adapté en court métrage, amenant l’auditeur dans les rues animées de Salvador et les plages élégantes de la région. —Nils Bourdin

Keleketla!
Keleketla!

(Ahead Of Our Time)

Le projet Keleketla est une double satisfaction : celle d’entendre des collaborations internationales prestigieuses autour d’un noyau de musiciens sud-africains, en plus de voir le duo légendaire Coldcut refaire surface, la baguette de chef d’orchestre à la main.  « La pochette représente des gens réunis en cercle autour d’un feu qui se déploie et grandit comme pousseraient un arbre et ses ramifications. C’est un beau symbole qui représente bien ce process. » En posant une légende sur ce visuel riche de sens, Matt Black — ailier droit de Coldcut — a presque tout dit. Keleketla! est un album collaboratif initié par Ruth Daniel de l’association In Place of War. Son idée, fédérer un casting cinq étoiles autour du concept que défend cette organisation : utiliser la musique comme une force positive dans les zones de conflit. Nativement, c’est le trio basse/guitare/percussions constitué par Gally Ngoveni, Sibusile Xaba et Thabang Tabane, qui rythme les voix de Nono Nkoane, Tubatsi Moloi et Yugen Blakrok. Matt Black et Jo Moore ont ensuite enrichi les premières sessions enregistrées à Soweto en récupérant les contributions d’artistes du monde entier tels qu’Antibalas, Tony Allen, Dele Sosimi ou Shabaka Hutchings, entre autres musiciens d’exception. Une fois monté, le résultat est aussi bariolé et excitant que le line-up : un mélange incroyablement riche de broken-beat, UK jazz, afrobeat, hip-hop et électro, qui puise son énergie en Afrique du Sud.  —François Renoncourt

Afel Bocoum
Lindé

(World Circuit)

Le fils spirituel d’Ali Farka Touré publiait son quatrième disque, loin de la ville de Niafunké dont Ali fut le maire, et des boucles magiques du fleuve Niger qu’ils ont tous deux chantées. Et si le fleuve reste une source inépuisable d’inspiration, de rythmes et de chants, le guitariste ne le contemple plus, depuis quelques années, que depuis la capitale Bamako où il a dû élire domicile après que la région de Niafunké fut devenue dangereuse, en proie aux incursions terroristes ou à celles des bandits, tant on ne sait plus qui fait quoi, confiait-il à PAM. Lindé a été produit entre Bamako et Londres et supervisé par Damon Albarn, un des vieux compagnons qui — rappelle Afel Bocoum — a su l’amener, avec force échanges de fichiers, à repousser ses limites. Dans Lindé, la source de sa musique reste cependant profondément ancrée, radieuse et toute entière tournée vers l’espoir. « Restez debout, chantez, et dansez ! » conseille-t-il dans le titre « Avion ». Un appel à la résistance : au Mali, comme ailleurs dans les mondes confinés.   —Vladimir Cagnolari

Tems
For Broken Ears

(Leading Vibe Ltd)

Une production béton et une magnifique voix ne font pas nécessairement un bon album de R’n’B. Le secret réside dans le feeling, dans cette capacité que possède l’artiste à convertir les émotions enfouies dans ses textes en quelque chose de palpable. Dès l’introduction « Interference », on comprend que Tems est doté d’un tel don. Elle était pourtant restée dans l’ombre et chantait en secret jusqu’en 2018, avant de se décider à mettre son titre « Mr Rebel » sur la toile, sans conviction. En l’espace d’une poignée de singles, la popularité de la Nigériane a crevé le plafond et lui a valu toutes les louanges de la sphère urbaine, qu’elle a honorée de la meilleure des manières avec un premier mini-album mâtiné de sons dancehall et soulful qui servent de matelas à son flow caractéristique et à ses textes introspectifs. Un sans-faute qui mérite d’autant plus sa place dans ce top quand on apprend qu’elle a conçu « For Broken Ears » de A à Z, sans aide extérieure. Une forme d’authenticité à fleur de peau qu’elle nous expliquait dans une interview réalisée cette année : « toutes mes chansons sont personnelles et je les chante du plus profond de mon âme. […] Je m’efforce d’être la plus vraie possible. Je suis sincère avec mes sentiments et qui je suis, et je me dévoue pleinement. Bien sûr, il y aura toujours de la musique pour les uns et les autres, mais moi, je ne serai jamais conformiste. Quiconque sait se connecter à ce que je fais s’y connectera. » —François Renoncourt

WurlD
Afrosoul 

(WeareGvds/ Immensum Music) 

Afrosoul, sorti en mai, est l’énième tentative (réussie) du chanteur nigérian de pousser les limites de l’afrobeats plus loin que jamais. Alors que le genre est né dans les rues frénétiques de Lagos, WurlD l’amène ici dans des sphères chics et élégantes, tendant vers le jazz, la soul et même le rock. Dans ce voyage musical, les textes du chanteur accompagnent l’auditeur au plus profond de ses émotions, stimulées par les histoires d’amour, de trahison ou de succès de l’artiste. Si WurlD n’est pas le premier à tenter d’exporter l’afrobeats en en modifiant l’essence, cette fois-ci, la démarche est faite intelligemment, notamment en s’appuyant fortement sur la loyauté de son public nigérian. En chantant en pidgin, en s’entourant de producteurs comme Kel-P et en gardant les rythmes dansants du genre, le chanteur s’est assuré que son projet pourrait également satisfaire les auditeurs de son pays. Une expérimentation authentique et bien ficelée en somme, dans une ère où de nombreuses superstars africaines tentent à l’inverse de séduire un public occidental en rendant leur musique « accessible ».  —Nils Bourdin

Ann O’aro

Longoz

(Cobalt) 

On l’entend, on le sent : Ann O’aro, devenue trio (voix, trombone, percussions), s’amuse. Avec les langues, les mots et leur sonorité. Avec les mélodies aussi. Dans une langue d’une puissance évocatrice cinglante, elle pose un regard lucide et souvent implacable sur elle-même, mais également et surtout sur la société d’hier et d’aujourd’hui. Sans détour, elle évoque l’inceste, les violences sexistes et sexuelles, l’alcoolisme ou encore la négation de la culture et de la langue créole. Alors, oui, il y a de la bagarre ici, celle d’une femme qui arpente les chemins sinueux de la résilience. Mais, il y a de l’humour, de l’amour et de l’espoir aussi. Et puis le bonheur d’écouter s’épanouir une interprète hors du commun. Les percussions de Bino Waro portent haut et loin sa voix sûre, capable de toutes les nuances et variations. Le trombone de Teddy Doris, lui, épouse sa respiration avec finesse, intervient même comme une seconde voix. Ensemble, ils nous font osciller entre gravité et légèreté, entre l’envie de hurler et celle de danser. À écouter, et à voir (dès que possible) sur scène. —Hortense Volle

Tiwa Savage
Celia

Universal Music South Africa

Tiwa Savage, artiste incontournable depuis plus d’une décennie de la scène afrobeats n’est plus à présenter : avec une carrière de plus de 10 ans, forte de nombreux hits devenus des classiques et de ses quatre albums, la chanteuse est bel et bien une superstar. En 2018, elle s’était même imposée face à Davido, Fally Ipupa ou Shekhinah en se faisant élire meilleure artiste africaine aux MTV Europe Music Awards. Sorti sur le label américain Motown, ce quatrième album met encore une fois la barre très haut avec des mélanges suaves d’afrobeats et de RnB ainsi que des collaborations de prestige avec Sam Smith, Davido ou encore Naira Marley, offrant des alchimies tout à fait séduisantes. Alternant tour à tour anglais et yoruba, Tiwa a la recette du succès mondial et des titres addictifs. Ses rythmes de tambours contagieux sont plus qu’une invitation à danser, ils sont une irrésistible incitation à se déhancher. —Julie Denis

Danyèl Waro
Tinn tout  

(Cobalt)

Plus fidèle à lui-même, tu meurs. Danyel Waro nous adressait un salutaire avertissement, sur cet album dont le titre signifie (« éteins-tout »). Mais son message, qu’il comptait aussi porter sur les scènes, a été entravé par la première vague du Covid et son confinement. Reste ce disque, magnifique, pour entendre son appel à décélérer, à re-cérébrer nos vies, quand nous préférons, pour le citer, « engraisser le dow jones comme des couillons ». Lui qui a décidé, comme le lui a enseigné son père, de « planter pour manger » ne fait qu’ouvrir les yeux sur les dégâts de la modernité à la Réunion, et partant, partout ailleurs. Mais l’une des grandes forces de ce vieux père du maloya est de savoir passer des registres politiques à celui de l’intime, comme lorsqu’il rend hommage un déchirant hommage à son ami décédé, le poète Dédé Lansor. Son maloya sait prendre toutes les couleurs de sa personnalité, celles des idées comme des sentiments, celle de la sensualité comme celles de l’humour. Un maloya taillé à sa mesure, à hauteur de Waro. À écouter comme il chante, passionnément. —Vladimir Cagnolari

David Walters  
Soleil Kréyol

(Heavenly Sweetness)

David Walters a fait briller son Soleil Kréyol durant cette année morose et on peut dire qu’il nous a bien aidés à garder le moral. Cet album solo porte en lui toutes ses expériences électro-créoles 2.0 avec un groove imparable. En chantant ses poésies métissées, David Walters convoque cette langue intime de l’enfance qu’il a entendue auprès de sa mère et de sa grand-mère martiniquaise. Son histoire familiale se transforme alors en musique, en convoquant le passé, l’Histoire et les géographies créoles, mais aussi le futur des métissages musicaux qui voyagent de l’afrobeat au kompa haïtien en passant par la soca, à grand renfort d’indéfinissables dérives hip-hop ou électro. Son album est aussi le reflet d’un dialogue musical entre les Antilles et l’Afrique, entamé avec des invités comme Seun Kuti, cadet des fils de la légende de l’afrobeat Fela Kuti. —Julie Denis

Bab L’bluz
Nayda !

(Real World)

L’éveil spirituel gnaoua transpire partout sur cet album. Il faut dire que le quatuor franco-marocain Bab L’bluz s’inscrit dans le mouvement de jeunesse Nayda du Maroc — une nouvelle vague d’artistes et de musiciens qui s’inspirent du patrimoine local et chantent des paroles libertaires en darija, l’arabe dialectal marocain. Pour cela, le groupe s’empare des rythmes de transe gnaoua, nourris au rock psychédélique du désert et adoucis par les tablas et tampura indiennes, augmentant par endroits la puissance poétique du disque d’une petite touche d’encens cosmique. Leur musique se fiche bien des cloisonnements et fusionne ces sonorités gnaoua avec tout ce qui les inspire, enveloppant ce riche mélange dans leur univers bohème. —Julie Denis

Stonebwoy 
Anloga Junction

(Burniton Music Group)

Ce diamant de dancehall made in Ghana est sans aucun doute le plus abouti de Stonebwoy à ce jour. Le chanteur semble avoir trouvé l’alliage idéal pour polir son genre de prédilection grâce aux touches reggae, soca, r’n’b ou highlife qu’il y a introduites. Il est clair que Stonebwoy a ostensiblement gagné en nuances et en maturité sur ce nouvel opus, qui cache une réflexion profonde sur les courants musicaux de l’Atlantique noir. La preuve en est cette intuition, lors de son premier voyage à Kingston en 2016 : « le reggae, c’est la connexion musicale qui témoigne du périple tragique des esclaves noirs de l’Afrique à l’Amérique : il porte en lui cette connexion des peuples. Le continent africain, c’est la Jamaïque en plus grand c’est tout, nous sommes tous frères et sœurs. » Ce trait d’union transocéanique, Stonebwoy le défend depuis le début de sa carrière et l’évoque encore sur cet album, notamment dans la chanson « Journey ». Un rêve panafricain qui se concrétise ici, pour celui qui n’a jamais eu là l’envie de quitter le Ghana pour tenter l’aventure en Amérique ou en Europe. Une fierté africaine que le chanteur encourage notamment sur « African Idol ». —Julie Denis

Various Artists
Verão Dark Hope

(Príncipe)

Bientôt dix ans d’existence et l’empreinte du label Príncipe Discos sur la dance music est toujours aussi incomparable et singulière qu’à ses débuts. Et ce n’est pas leur dernière compilation tutoyant les deux heures sortie au cours de l’été qui va nous faire changer d’avis. Rassemblant les pionniers de la batida tels que Marfox, Nervoso et Nigga Fox avec l’impressionnante jeune garde de producteurs emmenée par Nídia, Lycox ou encore Danifox parmi tant d’autres, le son des ghettos de Lisbonne y est décliné en trente-deux nuances très précisément. Dans cette collection d’archives inédites et de nouveaux rythmes tous plus intrigants, mais addictifs les uns que les autres, la grande famille Príncipe impressionne de par la cohérence stylistique qui s’en dégage, et ce malgré des approches souvent très différentes. Qu’il s’agisse de tarraxo lascif à l’atmosphère ambient, de batida progressive ou encore d’afro house de haute volée, cet « été du sombre espoir » est l’équivalent de ce que a été la première compilation DJ’s do Guetto en 2006 (avant que le label ne voit le jour), la naissance d’une nouvelle ère. —Simon Da Silva

Vee Mukarati 
Vital Signs EP

(Primrose Records)

Le saxophoniste zimbabwéen Vee Mukarati fait souffler un vent nouveau sous le soleil du jazz et ce n’est pas pour déplaire. Ce son afro-jazz-folk-soul-pop ne ressemble à aucun autre. Au fil des compositions, Vee expérimente une forme de catharsis en alternant voix feulée et mots dits, pour évoquer notamment le destin de la migration, et le sort réservé à de nombreux Africains une fois traversée la Méditerranée. L’artiste s’est d’ailleurs donné pour mission de changer le récit de l’histoire des musiques de ses ancêtres, trop souvent infériorisées par la colonisation. « Je voulais un son enraciné au Zimbabwe et dans des textures sonores distinctement africaines afin d’essayer de ramener le jazz à ses racines africaines. Presque toutes les chansons sont écrites et chantées dans ma langue maternelle, le shona, et il y a un usage intensif d’instruments traditionnels comme le mbira, le balafon et les tambours traditionnels. » —Julie Denis

Olamide
Carpe Diem 

(YBNL Nation)

Carpe Diem, Horace, 23 av. J.-C. : « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain ». Carpe Diem, Olamide Adedeji, 2020 : « Je suis dans un délire YOLO ! Je veux juste vivre ma vie, sans limites. Faire tout ce dont j’ai envie, et vivre mes rêves à fond ». Tel est le parti pris du 10e album de l’énorme Olamide, géant du rap nigérian. Alors que la star a dû bâtir sa carrière sur des couplets plus sévères les uns que les autres et des instrumentales sombres au possible (comme sur « Science Student »), Carpe Diem est son album de sérénité. Plus besoin de jouer au dur, de rouler des mécaniques : Olamide veut chanter, s’éclater, faire la musique qui lui plaît. Cette nouvelle attitude, résultat d’un long cheminement personnel, se ressent dans la plupart des titres, du doux « Infinity » ou triomphant « Eru ». Le rappeur, désormais patron de label, profite aussi de cette énergie positive pour mettre à l’affiche des artistes émergents des plus talentueux comme Omah Lay, Bella Shmurda ou Bad Boy Timz. —Nils Bourdin

Pedro
Da Linha 

(Enchufada)

Le producteur lisboète digne héritier des Buraka Som Sistema et disciple de son fondateur, Branko, réalise un bouillonnant premier album avec Da Linha. Il dresse des passerelles entre le son brut émanant des banlieues de sa ville et les phénomènes électroniques d’Afrique et d’Amérique latine. Avec une fougue de tous les instants, le producteur d’Enchufada confirme les espoirs que l’on plaçait en lui et rend un hommage plein d’intensité aux influences de la ligne ferroviaire de Sintra qui l’ont forgé musicalement. Héros local à la résonance internationale, Pedro n’oublie pas de s’ouvrir au monde. Ainsi, il fait monter sur sa ligne le brillant duo brésilien Deekapz (« Toques »), le Dominicain Kelman Duran et son reggaeton déstructuré (« Pusha ») ou encore l’ambassadeur du pidgin rap en la personne du charismatique MC britanico-nigérian Magugu (« Too Much »). —Simon Da Silva

Sélène Saint-Aimé
Mare Undarum

(Komos Jazz)

Sélène Saint-Aimé est une musicienne de jazz, arrivée à la contrebasse sur le tard. Mais elle signe, avec « Mare Undarum », son tout premier album, la bande-son, superbe et magistrale, d’un cérémoniel quasi-liturgique célébrant l’astre qu’est la lune. La contrebassiste a d’ailleurs composé une partie du disque aux phrases aussi denses que dépouillées au cours d’une éclipse lunaire. Elle se fait poète avec « ses collages d’humeur », invente aussi son propre langage, appelant avec sa voix proche de celle d’une Jeanne Lee, à une forme de transe toute spirituelle. En écoutant ce disque, on a le regard tourné vers la lune — et peut-être plus exactement vers la mer lunaire (du latin « mare undarum ») visible sur sa surface quand elle est pleine, tout en étant ancré dans la terre (ce que l’on doit à l’ensemble contrebasse-tambour ka-batterie). D’ailleurs, cet ancrage est particulièrement révélateur de l’identité afro-descendante de Sélène Saint-Aimé. Merveille méditative, habillée d’une franche émotion, « Mare Undarum » compte parmi ces miracles jazzistiques qui nous auront permis de composer avec une terrible année 2020. —Makia Fofana

Niniola  
Colours and Sounds

(Drumroll Records)

À l’aise dans son trône sur la pochette du projet, Niniola est venue reprendre son titre de Queen of Afro-House avec « Colours and Sounds ». De ses débuts à son immense hit « Maradona », la chanteuse a en effet eu comme crédo de mélanger la musique populaire nigériane à des sonorités House et plus électroniques ; en 2020, alors que l’Amapiano conquiert l’Afrique entière, force est d’admettre que Niniola a été visionnaire. Les sonorités hypnotiques et les mélodies dont la chanteuse a le secret sont bien présentes sur « Colours and Sound », et l’artiste a su diversifier son offre musicale, s’essayant par exemple au Reggae/Dancehall sur « So Serious ». Le projet rayonne également par ses invités de marque, de la Sud-Africaine Busiswa aux Kenyans Sauti Sol, en passant par Femi Kuti, Nonso Amadi et le producteur américain Timbaland. —Nils Bourdin

Dino d’Santiago
KRIOLA 

(SME Portugal)

Pour son quatrième album, l’artiste d’origine capverdienne installé à Lisbonne honore l’héritage musical du Cap-Vert en le mariant à des sonorités contemporaines comme la house sur « Sofia », l’afrobeat de « My Lover », ou encore les distorsions vocales façon rock sur « Flan Pamodi ». Le meilleur exemple de cette fusion est son chef d’œuvre « Morna », en référence au genre musical popularisé à l’international par Cesária Évora, qui évoque le désir de retrouver quelqu’un ou quelque chose qu’on a perdu. Instrument à corde traditionnel s’apparentant au cavaquinho, autotune, vocodeur et basses issues de la trap s’entremêlent pour remettre la Morna au goût du jour. Un ultime titre qui évoque une profonde mélancolie, après un projet guidé par la chaleur et la volupté, comme en témoignent les premiers titres « Morabeza (nananana) » et « Roda ». Inspirant même Madonna qu’il guide dans le Lisbonne avant-gardiste, Dino d’Santiago symbolise une ville au carrefour de toutes les influences, portée sur l’exploration de nouvelles sonorités. —Rémi Benchebra

dumama + kechou
Buffering juju

(Mushroom Hour Half Hour)

Ce premier album du duo nomade folk est un kaléidoscope des identités sud‑africaines.

Formé des deux troubadours Gugulethu Duma (voix, synthés, uhadi) et Kerim Melik Becker (beats, arrangements), dumama+kechou est un ovni qui emprunte ses éléments de langage aux créateurs de génie Sun Ra et Alice Coltrane. Éléments que le duo filtre à travers des incantations polyrythmiques en langue xhosa de Madosini — celle qui a enseigné à Dumama l’art de l’arc musical uhadi, équivalent sud-africain et probablement ancêtre africain du berimbau brésilien. Cette recette de base est ensuite mélangée à divers horizons sonores et géographiques comme le blues du désert et le hip-hop. Un art du patchwork inclassable qui bouscule les conventions avec une créativité infinie. « C’est un récit ouvert dans le sens où il n’a pas de fin définitive. On a fait en sorte de créer une structure où chaque chanson déborde sur la suivante, ou bien verse dans un champ sonore qui revient régulièrement. Bien plus qu’une succession planifiée de chansons, c’est un voyage. » —Julie Denis

DaVido
A Better Time

(Davido Worldwide Entertainment)

Dans la directe lignée de son précédent album, l’hédoniste A Good Time, qui l’a installé comme l’une des plus grandes stars du continent africain, mais aussi internationales, DaVido est revenu apporter sa dose de bonnes ondes en cette année troublée. Il ouvre les festivités en faisant taire ses détracteurs sur son imparable tube « FEM », titre repris comme hymne lors des mouvements de manifestation #EndSars qui ont violemment secoué le Nigéria ces derniers mois. Sans prendre de risques, mais en maintenant son cap d’ambassadeur de l’afropop, DaVido continue de démontrer son habileté bien au-dessus de la moyenne pour composer la bande-son ultime de l’optimisme et de la joie. C’est la dynamique qu’il adopte à bras ouvert sur A Better Life, audétriment peut-être d’une ligne directrice plus claire et homogène. Mais qu’importe, l’immuable DaVido offre le temps d’un instant la vision d’un monde serein, une véritable bouffée d’oxygène qui nous rappelle qu’il faut célébrer la vie à chaque fois que l’on en a l’occasion. —Simon Da Silva

Lafawndah 
The fifth Season

(Latency)

La grande prêtresse est aux avant-postes d’un monde sonore fait d’expérimentations spirituelles dont « You, at the End » est la pierre angulaire — une relecture magistrale d’un poème de Kate Tempest. Ce deuxième album de la chanteuse londonienne est celui du lâcher-prise et du pouvoir de guérison par la musique, s’inspirant aussi bien du zār égyptien, de la musique traditionnelle indienne et gnaoua, que des représentants de la musique minimaliste américaine tels que Steve Reich, la Monte Young ou encore Terry Riley. « J’ai toujours été fascinée par les états de transe. Je pense souvent à la manière dont on écoute et dont on consomme la musique à présent. Pour moi c’est très important de ne pas oublier l’aspect social, psychiatrique presque, de la musique, en ce qu’elle est capable de soigner », explique Lafawndah. Un virage incantatoire hanté par les cuivres crépusculaires de Theon et Nathaniel Cross, nouveaux souffles du jazz londonien, les timbales de Valentina Magaletti, les nappes de claviers de Nick Weiss et la rappeuse Lala&ce pour un superbe duo final. —Julie Denis

DJ Maphoriza x Kazba De Small (Scorpion Kings)
Once Upon a Time in Lockdown

(Sony Music)

Union victorieuse depuis la sortie de l’excellent Scorpion Kings en 2019, les deux producteurs de Pretoria ont refait équipe une quatrième fois en l’espace d’un an lors du premier confinement avec Once Upon a Time in Lockdown. Le duo sud-africain poursuit son exploration de l’amapiano, style phare de la house nationale qui n’en finit plus de gagner du terrain. Pendant plus d’une heure et demi, Maphoriza et son acolyte Kabza déroulent sans interruption des grooves hypnotiques aux rondeurs réconfortantes. Au fil de l’écoute, ils viennent casser une certaine monotonie propre au genre pour proposer des fusions bienvenues comme avec la gqom sur le sombre et ensorcelant « Suka » en compagnie de Busiswa. Avec Once Upon a Time in Lockdown, la paire de producteurs, aussi connue sous le nom de Scorpion Kings, nous plongent dans les nappes profondes de l’amapiano et force est de constater qu’ils demeurent des maîtres du genre.  —Simon Da Silva

Zara McFarlane 
Songs of an Unknown Tongue

(Brownswood Records)

Sur ce quatrième album teinté d’électronique, la chanteuse reprend racine avec la Jamaïque, terre de ses ancêtres. Avec seulement dix ans de carrière et quatre disques, cette voix du jazz britannique n’avait, jusque-là, encore jamais osé creuser le sillon fertile de ses origines jamaïcaines. En plongeant dans son histoire personnelle, ses textes et sa musique s’imbriquent inévitablement dans l’Histoire collective et le rapport de domination entre la couronne d’Angleterre et ses anciennes colonies. Entre mélodies jazz imprégnées de soul et rythmes spirituels frappés aux tambours de ses ancêtres, ce sont des siècles d’exactions qui ont marqué l’Atlantique noir que l’on entend à travers la voix de cette jeune femme élevée dans une banlieue anglaise où prospère le très nationaliste British national party. D’où ce titre d’album énigmatique qui consiste selon ses propres mots, « à réapprendre le passé pour informer l’avenir, à reprendre connaissance et à s’approprier les histoires perdues. » —Julie Denis

Fireboy DML
Apollo

(YBNL Nation)

Après son premier projet Laughter, Tears & Goosebumps, le poulain de l’écurie YBNL Nation (label d’Olamide) a dévoilé en août Apollo, l’album que tous attendaient comme celui de la maturité. Sur les 17 titres, le chanteur nigérian garde pourtant la même attitude séduisante et insouciante qu’à ses débuts, depuis son énorme hit « Jealous ». Le playboy va même plus loin dans la coquetterie et le flirt, alignant les titres romantiques aux mélodies plus langoureuses et sensuelles que jamais. Le rookie affamé est devenu popstar, et le laisse bien entendre dans la nouvelle maîtrise qu’il a de sa voix et sa direction artistique pointue. Porté par les hits « Eli », « Tattoo » ou « New York City Girl », cet album groovy et très RnB a définitivement marqué la Naija Pop de 2020, et a dû accompagner nombre de cœurs amoureux en cette année particulière. —Nils Bourdin 

Aya Nakamura
Aya

(Rec 118)

Après Journal intime (2017) et Nakamura (2018), Aya Nakamura a sorti avec Aya l’un des meilleurs albums de l’année 2020. Un album tourné vers l’amour dans lequel la chanteuse française se livre. Elle y exprime avec justesse la complexité d’une relation amoureuse naissante, aussi attirante que déconcertante. Ses chansons décrivent les déceptions (« Ça blesse », « La machine »), la difficulté de faire confiance à l’autre (« Plus jamais », « Love de moi »), mais aussi ses attentes et ses exigences vis-à-vis de son partenaire potentiel (« Jolie Nana », « Biff »). Mais l’album parle aussi du moment où l’on baisse la garde, où l’on tombe amoureux, de l’osmose et de la joie qui en jaillit (« Fly », « Doudou », « Nirvana »). Les textes d’Aya Nakamura sont aussi traversés par l’egotrip et l’affirmation de son pouvoir comme sur « Tchop ». Les productions empruntent au zouk (« Sentiments grandissants »), au kompa (« Préféré ») ou encore à l’’afrobeats nigérian (« Doudou »). Avec cet album, Aya Nakamura a encore renforcé son statut d’icône incontestée. Elle est désormais l’artiste française la plus écoutée au monde. C’est amplement mérité. —Renaud Brizard

Nídia
Nao Fales nela que A mentes 

Il y a des artistes que l’on peut rattacher à une scène, à un label, mais qui ont une identité artistique si forte qu’ils restent inclassables. C’est le cas de Nídia. Cette année, la beatmakeuse lisboète de 23 ans affiliée au label Príncipe Discos nous a offert pas moins de trois projets différents : un album (Não Fales Nela Que A Mentes) et un double single (Badjuda Sukulbembe) parus tous les deux le 22 mai, et enfin un EP éponyme publié un mois plus tard seulement. Un triptyque à travers lequel Nídia a démontré plusieurs facettes de son talent, avec des ambiances très différentes à chaque fois. Si elle nous avait fait danser avec son premier opus Nídia é Má, Nídia é Fudida (2017), l’atmosphère de son nouvel album est plus calme et méditative. Certains morceaux imprégnés de trap nous emmènent dans un univers sombre, nocturne et mystérieux (« Popo », « Rap momento », « Rap tentativa ») tandis que d’autres plus enjoués sont empreints de sérénité et de lumière (« Nik Com », « Raps », « Emotions »). Enfin, difficile de rester assis tranquille sur sa chaise  à l’écoute de « Tarraxo Do Guetto » et « Capacidades ».  —Renaud Brizard

Nduduzo Makhathini
Modes of Communication: Letters from the Underworlds

(Blue Note)

Le pianiste visionnaire nous a régalés avec cet album publié sur label Blue Note. Nduduzo Makhathini a grandi dans une famille de musiciens près des collines luxuriantes et accidentées de Umgungundlovu en Afrique du Sud. Un environnement dans lequel la musique et les pratiques rituelles vivent en symbiose. L’Église a également joué un rôle important dans sa recherche de spiritualité, tout comme les légendes du jazz sud-africain, et plus particulièrement Bheki Mseleku, Moses Molelekwa et Abdullah Ibrahim. Professeur et chercheur, Makhathini est aujourd’hui le chef du département musique de l’université de Fort Hare, dans la province du Cap-Oriental. Il s’est produit à de nombreux festivals réputés tels que le Cape Town International Jazz Festival et l’Essence Festival (à la Nouvelle-Orléans et en Afrique du Sud), et a fait sa première apparition en 2019 au Blue Note Jazz Club de New York avant de signer sur le mythique label cet album aux pouvoirs guérisseurs. —Julie Denis

Wizkid

Made In Lagos

(Starboy Entertainement/RCA Records)  

Avec Made In Lagos, Wizkid signe définitivement l’un des meilleurs albums — à ce jour — de sa discographie. Si les invités ne manquent pas, de Burna Boy à Damian « Jr. Gong » Marley en passant par Skepta, Tems ou Ella Mai, cet album, ultra-sensuel, se démarque par sa production : sans trop de fioritures, sans trop d’expérimentations, faisant la part belle aux fondamentaux de l’afrobeats. Il s’agit d’un retour aux sources qui traduit ce que Wizkid ne caisse de claironner auprès de qui veut l’entendre : « C’est à Lagos que l’on fait la meilleure musique au monde. » C’est une ode à ce style fusion né dans la capitale nigériane, et qui a érigé Wizkid au rang de star internationale en moins d’une décennie. Aussi, cet album aux morceaux entêtants, nappés de quelques salves latines et caribéennes, où le saxophone flamboie à l’envi, est une profession de foi, la marque d’une dévotion au creuset de sons que façonnent avec brio les producteurs attitrés de l’afrobeats. Juls, Kel-P, P2J, Black Jerzee et consorts sont d’ailleurs tous présents aux manettes de ce quatrième album dont la simplicité tient de l’enchantement. —Makia Fofana

Oumou Sangaré
Acoustic

(No Format)

Découvrir un album acoustique d’Oumou Sangaré pour la première fois, c’est un peu comme trouver une perle dans une huître. Pour notre plus grande satisfaction, la diva malienne a saisi une perche tendue par le label No Format ! à la fin d’un concert qu’elle donnait à Londres pour les 15 ans du label. Dans les conditions du live et presque sans filet, elle a alors épuré 11 de ses chansons, les dépouillant des effets de production pour mettre l’accent sur son timbre vocal unique. À cœur ouvert, Oumou Sangaré revisite majoritairement son album Mogoya, un diamant qu’elle vient à nouveau tailler finement pour le faire briller davantage et révéler du même l’essence même de la musique du Wassoulou. Elle y chante aussi quelques-uns de ses classiques, entourée de musiciens discrets, mais essentiels (guitare, kamele ngoni, clavier acoustique) et de ses fidèles choristes Emma Lamadji et Kandy Guira. Avec une élégance naturelle déstabilisante, elle dépeint les bons et les mauvais côtés de la société malienne, tout en restant la porte-parole des femmes, qu’elles soient d’Afrique ou d’ailleurs. —François Renoncourt

Bongeziwe Mabandla
iimini

Cet album est un chef-d’œuvre d’épure, de grâce et d’équilibre dont le miracle réside dans la matière sonore qu’il tire du réel : rumeur d’une rue, chant d’oiseau ou frisson procuré par la marche sur des feuilles d’automne, Bongeziwe pénètre l’espace intime des amants par sa folk lumineuse. En douze titres, iimini — « les jours » en xhosa — revient sur une histoire passionnelle, sans pour autant jouer la carte du pathos. À l’authenticité de sa folk maskandi (un genre musical sud-africain originaire du Kwazulu Natal et diffusé dans les grandes villes par les travailleurs migrants originaires de cette région, s’accompagnant souvent, a minima, d’une guitare dont l’accord a été adapté, NDLR) viennent s’ajouter des orchestrations très raffinées, des chœurs et des percussions minimalistes, le tout subtilement enveloppé par des textures électroniques composées sur-mesure par le mozambicain Tiago Correia-Paulo (ex Tumi & The Volume) qui a, à l’instar du précédent, parfaitement réalisé l’ensemble du disque. —Julie Denis

Burna Boy
Twice As Tall

(Atlantic Records)

Le défi était de taille pour Damini Ogolu aka Bruna Boy avec Twice As Tall. Un an après avoir placé la barre haut sur le triomphant African Giant, qui lui a définitivement offert une reconnaissance internationale, la confirmation de ce coup de maître était particulièrement attendue. Sur ce cinquième album, qui peut se voir comme un second volet à African Giant, Burna Boy continue de prendre de la hauteur et poursuit sa quête panafricaine là où il l’avait laissée sur « Spiritual » l’an passé. Né en partie de sa frustration d’être reparti bredouille des Grammys 2020, Twice As Tall est un flamboyant sursaut d’orgueil de la part du géant nigérian. Mais il ne s’agit pas seulement d’une nouvelle manifestation de la mégalomanie bien connue de Burna Boy, c’est avant tout une prolongation de sa noble mission visant à célébrer l’identité noire et à rassembler sa communauté. Il érige son afrofusion, encore plus affûtée qu’auparavant, comme l’incarnation de son ambition. Volontairement moins ensoleillé et ciblé sur les tubes que son prédécesseur, T.A.T célèbre la communion des êtres par la musique (« Wonderful ») tout autant qu’il panse avec rage les stigmates du passé colonialiste (« Monsters You Made »). Une grande œuvre fédératrice qui détient plus de substance que son apparente légèreté ne le laisse penser. —Simon da Silva

moses-sumney-part-1
Moses Sumney 

græ

(Jagjaguwar)

Deux ans après le carton de son premier album Aromanticism, l’Américain d’origine ghanéenne sort græ, un album concept de 20 nouveaux morceaux, complexes et profonds, sorti en deux temps : la première partie -douze titres- dévoilée en début d’année, et la totalité parue le 15 mai, dans un magnifique double disque. Histoire d’avoir plusieurs mois pour digérer sa singularité. Le champ de bataille de ce nouvel album est déroutant, et on se gardera donc bien de le réduire à un univers, tant la galaxie de Sumney est vaste. Sans étiquette fixe, il brasse le spoken work, gravite parfois seul en guitare-voix, flirte avec des falsetto très hauts ou des tessitures plus graves, trafique une pop distordue, du rock indé intelligent, des beats dancefloor ou des univers sonores inédits. Moses Sumney nous fait traverser les déserts et les mers de nos certitudes imbéciles pour nous embarquer dans un entre deux, dans ce territoire où les genres, les sexes, les regards et même les rythmes n’ont plus de boîtes étriquées dans lesquelles se faire coincer. —Elodie Maillot 

Popcaan
FIXTAPE 

(OVO Records)

Un nouvel album du Jamaïcain Popcaan, c’est toujours un évènement. Le 7 août dernier, l’artiste de dancehall a publié Fixtape, son quatrième opus. Et on peut dire qu’il est loin de nous avoir déçus. Les ambiances et les styles variés des dix-neuf titres qui se succèdent rendent le projet très dense. On y trouve à la fois du dancehall lent, posé et ensoleillé pour paresser (« Chill  », « Buzz », « Mamakita »), mais aussi du ragga plus dur (« Fresh Polo »). La musique de Popcaan peut tendre aussi vers la trap comme sur l’excellent « Unda Dirt » et « Murda ». On a apprécié la sensualité qui se dégage de « Suh Me Luv It » ou encore des deux morceaux en collaboration avec les Canadiens Drake et Partynextdoor (« Twist & Turn » et « All I Need »).Si on ajoute les projets de ces deux derniers à celui de Popcaan, on peut dire que les membres du label OVO (Octobrer’s Very Own) nous ont offert de sacrées émotions cette année. —Renaud Brizard

Ignacio Maria Gomez
Belesia

(Helico) 

Coup d’essai, coup de maître pour ce premier disque d’Ignacio Maria Gomez, jeune argentin qui a condensé dans une dizaine de titres les enseignements et la maturité artistique acquis plus d’une dizaine d’années durant au cours de voyages initiatiques sur les routes de l’Amérique centrale, du Brésil et de Colombie. Dans les communautés afro d’Amérique, il a retrouvé la puissance des racines africaines et l’écho des percussions guinéennes auxquelles il a été, très jeune, initié. Armé de sa voix qui peut tout désarmer, il s’est aussi inventé une langue, qu’il compare à celle des chants icaros que « reçoivent » les chamanes amérindiens. Cette langue, comme sa musique, est de nulle part et de partout : elle résonne en nous comme si nous la connaissions. Comme le souvenir d’une terre mythique, d’un eden perdu, qu’il a baptisé Belesia. C’est le nom de cet album, ticket pour embarquer avec lui sur les fleuves doux et nostalgique qui y mènent. À découvrir absolument. —Vladimir Cagnolari 

Amaarae 
Golden Child

(Sad Saints Angry Angels) 

On ne remerciera jamais assez la chanteuse américano-ghanéenne Amaarae, dont la voix de petite poupée gorgée de sensualité est définitivement unique, d’avoir sorti son premier album en cette presque fin d’année 2020. Très attendu, The Angel You Don’t Know tient toutes ses promesses : si la voix d’Amaarae en est le fil conducteur, les morceaux, eux, en font un album à la prétention pop polymorphe et recherchée. Aussi, Amaarae, toujours aussi crue dans ses textes, queer assumée, sensuelle et sexuelle, punk millenial d’un nouveau genre, délicieusement hardcore, signe une première livrée dont le titre est bien trouvé. Elle nous mène dans divers espaces et fait jeu d’une certaine maturité : l’ultra-pop de « Fancy » ou « Party Sad Face » (en featuring avec Odunsi, dont la présence sur cet album est loin d’être une surprise), le RnB teinté 90s de « Jumpin Ship » (où l’on retrouve d’ailleurs son autre acolyte nigérian Santi et son compatriote Kojey Radical), la pop-rock de « Céline », l’afrozouk de « Sad », « U Broke My Heart » ou les salves de punk hardcore du type « Riot Grrrl » lancées au début et à la fin de l’album. De bout en bout, cet album est une réussite dans la mesure où Amaarae se dévoile en tant qu’artiste au propos abouti, et en tant que queer accomplie. —Makia Fofana

SAULT

Untitled (RISE)

(Forever Living Originals)  

Sault est un collectif de musiciens et chanteurs britanniques qui ne semblent pas prêt de dévoiler l’identité de ses membres. Alors même que depuis 2019, chacun de leur projet est plébiscité. Si l’on reconnaît quelques voix (comme celle de la chanteuse Cleo Sol), le mystère reste entier. Peut-être pour rendre encore plus intelligible le propos de leur musique qui semble une célébration de la blackness dans toutes ses composantes, dans tous ses territoires. C’est du moins ce que donne à entendre cet Untitled (RISE) qui, oui, appelle à se soulever voire à se battre contre racisme et discriminations tout en glorifiant l’Expérience noire chantée et jouée non seulement avec un grand « E », mais aussi au pluriel. Quinze titres où le funk côtoie batucada, gospel, rumba cubaine, (neo)soul, RnB, spoken word, disco, hip-hop, electro, jazz, etc. Ce disque est une déflagration, un continuum de titres qui prennent aux tripes, de morceaux issus du big bang qui a donné naissance à la diaspora noire. Un album essentiel quand on sait que Georges Floyd ou Adama Traoré ne sont ni les premiers ni les derniers… —Makia Fofana

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