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The Pan African Music Magazine
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Max le Daron, « Think global, act local »
© Guillaume Kayacan

Max le Daron, « Think global, act local »

Rencontre avec le producteur et DJ belge qui redessine les relations entre l’Europe et l’Afrique à travers une musique plus éthique et égalitaire.

Penser globalement pour agir localement. Cette vieille devise de l’altermondialisme qui promeut des échanges plus justes entre les peuples s’applique le plus souvent au domaine du commerce. Or, on aurait tort de croire que le domaine de la musique est exempt de ces problématiques liées à la mondialisation tant l’industrie musicale s’est globalisée ces dernières années. Le producteur et DJ belge a très vite pris conscience de ces enjeux et avait à cœur de fonder son projet sur de bonnes bases, dans une démarche progressiste et égalitaire autour des musiques africaines. Son nouvel album Unless Tomorrow est le fruit d’une réflexion sur les limites de la globalisation, lorsque celle-ci écrase les réalités locales, ou comment faire connaître la musique d’Accra, d’Ouagadougou et de Kampala au monde entier en prenant en compte les spécificités locales de chacun. Ainsi se rencontrent sur son album le joueur de kologo Stevo Atambire, la chanteuse vaudou Azizaa, le producteur Gan Gah imprégné de culture gnawa ou encore le rappeur burkinabé Joey le Soldat. L’album de Max le Daron raconte l’histoire de ces jeunes artistes vivant dans un monde globalisé avec des influences communes mais des origines différentes, un monde où la musique devient un lieu d’échange égalitaire entre l’Europe et l’Afrique. Car cela fait des années que ce globe-trotter cultive des liens très forts avec la scène locale d’Accra tout particulièrement, produisant une musique globale qui prend en compte les spécificités locales des jeunes artistes avec lesquels il collabore. Interview.

Max le Daron feat. Azizaa Mystic et Joey le Soldat – « Freedom »

L’album a été produit, enregistré et mixé entre Accra, Ouagadougou, Kampala et Bruxelles pendant trois ans, comment définiriez-vous son genre musical ?  

Max le Daron : C’est un mélange de toutes mes influences. Il y a beaucoup d’afro-pop parce que c’est vraiment le son que j’entendais beaucoup à Accra et qui m’a influencé ces dernières années. Mais il y a aussi mes influences anglaises, j’aime beaucoup le grime, le UK garage, le dancehall et aussi le reste de la musique africaine, par exemple le kuduro, ou la house sud-africaine.

On retrouve sur cet album beaucoup de collaborations avec des artistes ghanéens, de quelle façon avez-vous été influencé par la musique actuelle du Ghana ?

Max le Daron : En fait c’est arrivé par accident. En 2013, Benjamin Lebrave qui est le patron du label Akwaaba sur lequel l’album est signé, m’a invité à Accra – parce que je suis aussi ingénieur du son – et on a créé une bande son destinée aux producteurs locaux parce qu’on s’est rendu compte qu’ils utilisaient beaucoup de samples américains ou indiens, mais qu’ils n’employaient pas leurs samples de percussions locaux. C’est comme ça que je suis tombé dans la marmite et que j’ai vraiment découvert toute la scène, alors qu’au début je connaissais uniquement les hits qui arrivaient en Europe, donc le fait d’être sur place pour entendre leur musique qui est partout, ça a vraiment été un coup de cœur et c’est ce qui m’a donné envie de plonger dedans. 

Donc il y avait vraiment dès le début cette volonté de donner de la visibilité aux artistes locaux. Mais est-ce auprès d’un public européen ou ghanéen ? 

Max le Daron : Les deux parce que tout ce que je vise, c’est de montrer ces artistes en Europe avec ma notoriété (bon j’ai pas une très grande notoriété mais…), de les faire arriver sur les circuits européens et aussi de les faire plus connaître au Ghana, parce qu’ils sont indépendants donc ils sont connus sur la scène indépendante d’Accra et jouent dans certains festivals, mais ils ne sont pas dans le circuit mainstream du Ghana non plus. Donc c’était pour essayer de les faire mieux connaître au Ghana aussi, parce qu’évidemment, quand les sons sont produits par des étrangers ça met tout de suite de l’attention sur eux.

Comment avez-vous rencontré le joueur de kologo Stevo Atambire, avec qui vous partagez le titre « Mama Kollo » ?

Max le Daron : J’ai mixé et masterisé son album d’avant, qui s’appelle Mabiisi avec le rappeur burkinabé Art Melody, et ensuite on a tourné en Europe… On est devenu assez pote et on a aussi joué en Ouganda au Nyege Nyege. On était devenu très proche et une fois quand je suis retourné à Accra, je l’ai invité à passer au studio et on a fait une sorte de jam et c’est ce qui est devenu ce morceau. 

C’est un des premiers artistes que vous avez rencontré à Accra ? 

Max le Daron : Le tout premier artiste avec qui j’ai travaillé c’est Joey le Soldat, qui est en fait burkinabé mais la première fois que je suis allé à Accra il était là-bas aussi parce qu’ils jouait à l’Alliance Française, du coup on s’est tout de suite connecté et on s’est envoyé des morceaux. On avait déjà fait un single avant sur un autre label et à la base, l’album devait se faire uniquement avec Joey. C’est pour ça qu’il est très présent dessus et puis on s’est rendu compte que faire un nouveau groupe avec lui, c’était un peu compliqué, parce qu’on avait chacun nos carrières solo et entre temps j’avais fait d’autres morceaux avec des Ghanéens et je me suis dit que c’était peut-être plus sympa de faire toutes ces collaborations avec un seul producteur. Donc le premier c’est Joey, ensuite c’est Stevo et puis les autres de sont greffés. Sur les morceaux avec Joey par exemple, on a mis des featurings avec Azizaa ou avec Fokn Bois, car à la base c’était pour notre projet de super groupe. Il y avait aussi mon ami Gan Gah qui est co-producteur sur beaucoup de morceaux de l’album, car on voulait faire un groupe avec lui aussi puis finalement c’était trop compliqué parce que Joey est à Ouagadougou il n’est pas souvent en Europe et quand il vient en Europe il fait ses dates solo. Donc on s’est vite rendu compte que c’était pas possible. 

© Guillaume Kayacan

Où s’est passée la production du titre « Freedom » avec Azizaa, Joey le Soldat et Gan Gah ?

Max le Daron : En fait j’avais ramené des samples qui sortent de la banque de sons qu’on avait faite pour les producteurs ghanéens. Je les ai ramenés chez mon pote Gan Gha et on a fait le morceau en une demi-journée ! On l’a envoyé à Accra car Joey était chez Benjamin Lebrave, donc ils l’ont enregistré directement. Ils ont appelé Azizaa et elle l’a enregistré chez elle au Ghana puis elle a envoyé le son.

Votre album est doté d’une grande énergie spirituelle, de transe presque puisqu’il rappelle les rythmes des cérémonies d’invocation des esprits, qui se heurtent d’ailleurs aujourd’hui au Ghana des religions du Livre. Vous dénoncez d’ailleurs les prophètes fanatiques avec Joey le Soldat : quel message voulez-vous faire passer ? Quelle vision avez-vous de la spiritualité ?

Max le Daron : Il y a beaucoup de problèmes au Ghana, enfin je trouve, je ne vais pas non plus me faire le porte-parole du pays, mais la religion a une très grande place au Ghana, surtout les religions monothéistes et particulièrement le christianisme. En fait ça n’existe pas les athées au Ghana, tout le monde est affilié à une religion et ça prend beaucoup de place dans la politique. J’ai remarqué que les artistes indépendants essayaient de se détacher de ça, donc on a essayé de montrer que c’était possible de ne pas être toujours dans des religions organisées. 

Est-ce que c’est une manière de rendre à la religion sa spiritualité, quelque chose qui touche à l’intime et non à une organisation régie par la politique ? 

Max le Daron : Oui d’une certaine façon, Azizaa est vraiment dans un trip de retour aux sources, sa tribu d’origine, les Ewes, sont de tradition vaudou – même le vaudou d’Haïti vient des esclaves du Togo et du Bénin puisque ces tribus ont été amenées là-bas. C’est vraiment un retour aux racines pour éviter ces religions importées par les colons qui sèment le catholicisme en Afrique de l’Ouest. 

Que répondez-vous à ceux qui pourraient vous dire que ce que vous faites est de « l’appropriation culturelle » ? 

Max le Daron : C’est pas de l’appropriation culturelle parce que tout est fait en collaboration avec les artistes, tous les artistes qui ont collaboré sont mentionnés, ils sont payés la même chose que moi, enfin si l’album se vend bien, et rien n’est caché, le but c’est vraiment de montrer tout le monde et pas du tout de prendre le bénéfice de ces artistes pour ma carrière, ça n’a jamais été le but. Le but dès le début, ça a été de faire de la musique ensemble pour que tout le monde avance dans l’industrie de la musique. 

Donc c’est plutôt un dialogue et une rencontre entre artistes ? 

Max le Daron : Oui c’est pas de l’exotisme déplacé. C’est vraiment du one to one, c’est d’ailleurs pour ça que je travaille avec Akwaaba parce qu’il est sur place et donc comme ça je suis sûr que la rémunération arrivera chez eux donc tout est vraiment très clair on a tout bien fait les contrats pour être sûr qu’il n’y ait pas ce rapport néocolonial Nord-Sud. 

L’album Unless Tomorrow est disponible via Akwaaba Music

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