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The Pan African Music Magazine
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Les meilleurs albums rap de l’année 2020

2021 arrive à grands pas. L’occasion pour PAM de revenir sur les meilleurs albums rap de l’année qui s’en va.

Quand le monde s’est arrêté, le rap a continué. Ni la pandémie, ni les couvre-feux imposés par les États, ni le malaise généralisé ou les bouleversements sociaux massifs n’auront eu raison de son ascension fulgurante. Et pour cause, le rap est le réceptacle de cette persévérance, de cet instinct de survie, de cette urgence à vivre, du besoin de se faire entendre… Tout ceci s’avère d’autant plus prégnant pour le rap panafricain, dont les artistes ont largement prouvé leur engagement à travers le soutien aux mouvements Black Lives Matter et End Special Anti-Robbery Squad (End SARS) au Nigéria. Le rap d’Afrique et de ses diasporas a largement montré qu’il en avait sous le pied quand il s’agit d’affirmer son identité, ne serait-ce que pour répondre à un besoin d’authenticité afin de ne pas toujours être en phase avec les tendances du hip-hop américain. Les rappeurs et rappeuses de la nouvelle vague revendiquent leur langue natale, la fusion des genres avec des musiques traditionnelles et des thèmes faisant la part belle aux différentes cultures du continent africain. Même si l’année nous a parfois semblé interminable, les poids lourds du rap ont quand même tenu le coup, sachant que le temps dont nous disposons est toujours trop court, cette année aura au moins servi à prolonger notre plaisir d’écoute.  Et avec cette sélection que les collaborateurs de PAM vous ont préparée, il y a de quoi longtemps encore prendre son pied.

Lex Amor
Government Tropicana 

Quand Lex Amor rappe, on se tait. Les boucliers tombent et brusquement, une certaine vulnérabilité s’installe. Entre rap et poésie, la Londonienne fait le bilan de sa vie en chuchotant des vers introspectifs sur les neuf chansons qui composent Government Tropicana, un premier album enregistré à la maison et bluffant de maturité. Voyageant d’un home studio à l’autre tout en écrivant des paroles sur la route, la rappeuse britannique aux racines nigérianes encapsule une tranche de son parcours musical et de son état d’esprit du moment. Flottant sur la musique grâce à au charisme déconcertant qu’elle dégage, Lex Amor s’est entourée de proches talentueux le temps de quelques couplets, ou pour mettre en valeur son flow avec des productions léchées. Derrière la délicate vibe UK garage de « Moesh », le poignant « Plant Your Feet » ou les frissons causés par le magnifique « 100 Angels » se cachent l’histoire de sa vie, qu’elle tente de raconter à travers celle de la première génération d’ouvriers noirs venus en masse travailler à Londres. « La première chose qui me vient à l’esprit est la multiplicité des communautés qui m’entouraient », nous racontait-elle dans une interview.Lex Amor survole sa propre évolution au sein d’une capitale cosmopolite, loin de ses racines qu’elle honore en chantant de temps à autre en igbo, langue de l’est du Nigéria. Véritable révélation, Government Tropicana est un petit chef-d’œuvre de 30 minutes qui désarme en résonnant comme une confidence… – François Renoncourt

Draganov
Galess Fdar

Initialement publié en mars, Galess Fdar qui signifie « Assis à la maison », est progressivement passé de quatre à huit morceaux en l’espace de quelques mois. Producteur influent de la scène Casaouie, Draganov est également rappeur. Pourtant, il est loin de se limiter à cette étiquette puisqu’à l’écoute de son projet, on découvre des morceaux explorant d’innombrables influences, allant de la soul à la pop, en passant par la trap et l’héritage des musiques traditionnelles du Maroc mis au goût du jour. Capable de mêler tous ces genres sur un même titre, à l’image du contemplatif « Paradis », Draganov réalise des transitions ultra fluides. Minutieux et subtil, il parvient à créer des compositions qui fourmillent de détails sans pour autant être surchargées. Cet air qu’il laisse offre l’espace nécessaire pour plonger dans le morceau et trouver l’apaisement.  Accompagné par deux têtes d’affiche du Maroc : la puissante Manal sur « Lonely Days » et l’intrigant Snor sur « Jini Lkhir », Draganov éblouit grâce à une identité musicale hybride et incomparable. De la tension enivrante développée sur « Tabac », au sensuel et contemplatif « Maak », ses compositions sont guidées par l’émotion. –Rémi Benchebra

Meryl
Jour avant caviar

Cette première mixtape de la rappeuse martiniquaise de 24 ans marque son ascension dans le rap français, mais pas à n’importe quel prix : en français comme en créole, le flow est insulaire et la trap caribéenne. Ce tempérament déjà bien abouti, Meryl l’a acquis en tant que toplineuse pour Niska, Soprano, SCH ou encore Shay. Son moteur ? Une rage de vaincre inépuisable. « On ne change le monde que si on charbonne/Pas diplomate, pas diplômée/À vrai dire je n’ai même pas de plan B » mitraille-t-elle sur « Comme à la maison ». Née au Lamentin, la rappeuse grandit à Saint-Esprit puis au cœur de la cité Manikou à Rivière-Pilote. « Je viens d’un contexte vraiment vraiment modeste. Jour Avant Caviar, c’est l’expression de toutes ces années de manque et de frustration. Mais on mangeait tous les jours et je trouvais ça incroyable ! » tempère-t-elle avec le recul. La raison d’être de punchlines comme « j’ai hâte de me plaindre de l’impôt sur la fortune » ou « poches remplies cœur léger » devient alors claire : adieu riz blanc, bonjour caviar — ou ce qu’il représente car elle n’en a jamais goûté. Le rap sera son ascenseur social. Elle se l’est juré. – Julie Denis

Sho Madjozi
What A Life

La rappeuse la plus enjouée et colorée de la région du Limpopo met du baume au cœur grâce à sa nouvelle mixtape, la bien nommée What A Life. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance puisque que la rayonnante Sud-Africaine a failli tout arrêter après la tragique disparition de sa petite sœur l’an dernier. Mais c’était sans compter sur le soutien infaillible de ses fans et sa ténacité pour surmonter cette terrible épreuve. L’auteure du tube « John Cena » signe alors un retour épatant marqué par un optimisme à toute épreuve et une énergie communicative… autant d’ingrédients qui faisaient déjà la force de son premier album, le percutant Limpopo Champions League en 2018. Sho Madjozi fait la part belle à la culture de sa province natale en privilégiant la frénésie euphorique du Shangaan electro, et met ainsi en lumière l’ethnie Shangaan issue de la population Tsonga. À la jonction de la tradition et de la modernité, What A Life brille pleinement dans son choix ambitieux de favoriser ce genre local et son tempo effréné, plutôt que de s’inscrire uniquement dans le gqom ou l’amapiano, bien que la rappeuse ne les délaisse pas pour autant. – Simon Da Silva

Little Simz
Drop 6 EP

« Si je vous donne mon temps et mon espace / Sachez que ce n’est pas à gaspiller ». C’est sur cette mise en garde explicite que débute l’EP Drop 6 de Little Simz. Après sa nomination aux Mercury Prize pour son album Grey Area en 2019, la rappeuse et productrice londonienne s’était isolée pour faire le point. Elle qui hésitait à reprendre l’écriture de peur de décevoir son public, aura su tirer profit du confinement pour relancer la machine et nous offrir 5 titres incisifs. Bien qu’il débute avec arrogance sur une rythmique UK garage conquérante — « Vous n’avez vu personne comme moi depuis Lauryn Hill » —  dès le second titre, la production plus dépouillée laisse place à la sensibilité : « J’ai compris qu’il valait mieux me donner de l’amour à moi-même ». Dans « damn right » la rappeuse revient sur son cheminement intérieur, « J’ai essayé la mosquée et j’ai essayé l’église / Maintenant je suis juste spirituelle », avant de de saluer ses racines nigérianes, « riz Jollof dans un pot de glace, c’est l’Africaine en moi », dans « You should call mum ». L’EP se termine sur une collaboration avec la Londonienne Alewya Demmisse, sur « where’s my lighter ». Elle y dévoile ses questionnements — « En qui ai-je confiance ? Vers qui me tourner en cas de besoin ? » — avant de rassurer définitivement ceux qui s’interrogent sur ses intentions  : « Je me concentre sur mon prochain chef-d’œuvre ». On ne le manquera pas. –Thomas Bisiacco

Damso
QALF

QALF : quatre lettres que les supporters de Damso convoitaient depuis 2015. quatre lettres qui leur vont bien, puisqu’elles signifient « Qui Aime Like Follow ». Que ce soit chez lui en Belgique, en France, ou dans son pays d’origine le Congo, il crée l’événement à chacune de ses rares apparitions. Deux ans après la sortie de son dernier opus Lithopédion, il publie enfin QALF, sans clip ni promo, si ce n’est une mystérieuse campagne d’affichage dans le métro qui engendrera de nombreuses théories infondées, notamment celle d’un double album. Nous nous satisferons donc des 45’05 minutes d’une masterclass durant laquelle l’artiste s’émancipe de ses vieux démons pour laisser place à un être sentimental, bien que maladroit. Sa famille y occupe une place centrale puisqu’il se livre sur sa relation avec sa mère et la maladie qu’elle a affrontée, et sur sa peur de ne pas être suffisamment présent pour son fils. Outre Hamza et Lous and the Yakuza, on retrouve l’artiste congolais Fally Ipupa, sur un titre dans lequel les deux artistes passent du français au lingala, et vice-versa. -Thomas Bisiacco

Princess Nokia
Everything Is Beautiful / Everything Sucks

Ce double album est à l’image de son signe astrologique, Gémeaux. Comme elle le chante dans son titre sous forme d’autoportrait « Gemini » joué dans les studios COLORS : « Je suis Gémeaux, 14 juin, tous les rappeurs célèbres ont un signe comme le mien, tous les rappeurs célèbres ont un cœur comme le mien, mais je sais que je suis différente et qu’ils ne sont pas vraiment moi. » Autant inspiré par les sonorités soul jazz au flow sensuel que par l’agressivité du rap et des riffs électroniques, l’artiste new-yorkaise affirme son tempérament psychotique dans toute son unicité. Avec ce nouveau projet réalisé en une semaine seulement, Princess Nokia embrasse aussi ses multiples identités : afro-descendante, portoricaine, féministe, LGBT et continue de développer son univers mi-ange mi-démon, en ouvrant des portes insoupçonnées. – Julie Denis

Limsa D’Aulnay
Logique pt.1 et pt.2

Le rappeur d’Aulnay-Sous-Bois qui a fait ses armes avec la 75e session, fait partie des artistes qui donnent du sens au mot « rap ». Rare et recherchée, sa parole s’apparente à un métal précieux. Créant un petit évènement à chaque nouveau freestyle, notamment chez Grünt, Limsa s’est forgé une réputation de technicien hors pair. Avec Logique pt.1 et pt.2, deux EP formant un total de dix titres avec Isha et Jean Jass en invités, il a adapté son flow pour offrir des titres variés. Ainsi, on découvre un Limsa entonnant des mélodies sur « Avec Moi », « ASB » et « Le Ptit Limsa », sans perdre la substance de sa plume. Clairvoyant, Limsa pointe les paradoxes et failles du quotidien à travers des morceaux souvent introspectifs. Ajoutez à cela une pointe d’humour ainsi qu’un sens de la formule qui fait mouche, et vous obtenez l’un des plus grands lyricistes (paroliers) du rap francophone. Car si le silence est d’or, la parole de Salim est forcément de platine. –Rémi Benchebra

Gracy Hopkins
Encore (Time2020)

Ce n’est pas parce qu’il rappe en anglais que Gracy Hopkins, 23 ans à peine, est l’un des rappeurs français les plus fascinants de sa génération. C’est plutôt parce qu’il est l’artisan d’un univers qui confine au songe. Et cela, que sa voix se pose sur une trap sans concession ou un RnB ultra-éthéré. Avec Encore (Time2020) – un album qui consiste en la réédition de sa mixtape « Time » (2019) augmentée de quelques titres inédits (dont de superbes duos avec le rappeur de Tayc ou la chanteuse Sabrina Bellaouel), le rappeur de Torcy (banlieue parisienne) en a fini de jouer avec nos nerfs. Il appose enfin sa signature et donne de l’épaisseur à son identité musicale. Originaire du Brésil et de l’Angola (il rend d’ailleurs hommage à ses racines d’un point de vue instrumental), il confirme avec ce premier album son statut d’ovni génial du rap français tout en mettant de côté les envolées conceptuelles qui le caractérisaient jusqu’ici. –Makia Fofana

Focalistic
Sghubu Ses Excellent

En Afrique du Sud, qui nierait que 2020 a été l’année de Focalistic ? Le rappeur de Pretoria a bombardé son public de hits de janvier à décembre, clôturant sa saison par le puissant Sghubu Ses Excellent. L’ambition du projet ? Élever la musique de rue à son niveau le plus haut. Défi relevé et remporté haut la main. Les couplets aiguisés du rappeur, mêlés à l’amapiano orchestré par la crème des producteurs sud-africaine, sauront clairement réunir les amateurs de hip-hop et le public électronique. De bangers en bangers, l’EP sonne comme une offensive sombre, dansante et hypnotique, une invasion des ghettos sud-africains sur les ondes nationales. Ces mêmes ondes lui ont d’ailleurs permis de s’exporter, l’emmenant en tournée au Nigéria et en Zambie. Entre chansons jazzy comme « Billion » et hits oppressants comme « Vrr Phaa », Sghubu Ses Excellent représente parfaitement la formidable plasticité de la musique électronique sud-africaine, capable de se réinventer constamment, transperçant les frontières musicales et sociales. –Nils Bourdin

Le Juiice
Jeune CEO

En l’espace de deux ans, Le Juiice est parvenue à s’imposer comme la Trap Mama du rap francophone. Si elle s’est créé un nom en quelques freestyles remarquables et un EP survitaminé, avec Jeune CEO, sa première mixtape, elle confirme les espoirs placés en elle. Accompagnée par son producteur Draco Dans Ta Face, Le Juiice enchaîne banger sur banger après une « Intro » aux phases percutantes et charismatiques. Le cassage de nuque devient même inévitable sur le dévastateur « Buvance » aux côtés de Stavo, membre de 13 Block que tout le monde remercie pour la rigueur de ses travaux. Ou encore sur l’irrésistible « O NONO » avec la toplineuse du rap français, Meryl. Accompagnée par le talentueux et prolifique Jok’Air sur le sensuel « Rich Sex », Le Juiice conclut sur une note plus douce et vaporeuse avec deux titres autotunés façon RnB 2.0. Partagée entre la Côte d’Ivoire, les États-Unis et la France, la Jeune CEO est dotée d’une culture si riche qu’elle semble capable d’extraire le meilleur jus de chaque fruit. –Rémi Benchebra

Costa Titch
Made In Africa

Le rappeur du Mpumalanga (province sud-africaine, NDLR) révélé par le hit « Nkalakatha » a mis son buzz à profit pour dévoiler en octobre Made In Africa , son premier album studio. Alors que dans son pays l’heure est aux rythmes lents et dansants, Costa Titch est allé à contre-courant de la mouvance en livrant un projet ultra énergique et flamboyant, à son image. Les couleurs flashy et criardes du rappeur se retrouvent dans l’esthétique de Made In Africa  à travers la rapidité des morceaux, l’explosivité des flows utilisés et ses sonorités Trap johannesbourgeoises. L’album est également une véritable célébration du hip-hop sud-africain, représenté par son multilinguisme (isiZulu, sesotho, anglais et afrikaans) et ses plus dignes ambassadeurs (DJ Maphorisa, Sjava, Riky Rick, AKA, YoungstaCPT, Frank Casino…). Désormais à un nouveau stade de sa carrière, Costa nous livre aussi des morceaux plus introspectifs que d’habitude (« Holy Rain »), tout en conservant sa crâne arrogance sur de nombreux titres (« Got it », « Great »).  S’il n’a désormais plus grand-chose à prouver chez lui, l’artiste nous a dit qu’il souhaiterait étendre Made In Africa  au continent entier en y intégrant des rappeurs d’ailleurs… –Nils Bourdin

Kida Kudz - Nasty
Kida Kudz
Nasty

Alors qu’il peut se targuer d’avoir converti la légende du Grime, Wiley, à l’Afro le temps d’un morceau, le Nigérian Kida Kudz a démarré l’année 2020 sortant sa première mixtape, Nasty. Celui qui voit l’Angleterre comme sa seconde maison est l’ambassadeur de l’ « afroswank ». Un style qui mêle le groove de l’afrobeats à des sonorités plus sombres et hip hop, à l’image du profondément langoureux « No Pride ». 

Avec ce projet, Kida Kudz décline sa recette en la mariant à d’autres influences. À l’image de l’association d’un sample de piano et d’un beat digne de Brooklyn sur « Big Up » ou de la talkbox qui rappelle les grandes heures de la West Coast sur « Flex X6 ». Avec son univers musical qui peut pousser à l’introspection ou enclencher un inévitable déhanché (comme sur « Yeye Riddim »), armé de son flow imposant, Kida Kudz offre une belle carte de visite qui témoigne de toute la richesse de son afroswank. –Rémi Benchebra

Mosty
Aya De Didievi

Installée en France depuis 4 ans, Mosty fait partie d’une petite communauté d’artistes ivoiriens qui aiment à s’appeler la « Jet Set du rap ivoire ». Elle se fait connaître dans son pays d’origine, il y a un peu plus d’un an, grâce à ses « dégammages », de courtes vidéos humoristiques qui tapent dans l’œil averti de Mr. Béhi, beatmaker renommé au pays. Les deux artistes partagent l’idée de sampler des chansons traditionnelles pour les intégrer à des productions trap et drill. Ensemble ils créent le premier EP de Mosty, Aya de Didiévi. Aya, c’est le prénom donné aux filles nées le vendredi chez les Akan, l’ethnie de son père, et Didiévi est le village de ce dernier dans le centre de la Côte d’Ivoire. L’écriture est au centre des préoccupations de la jeune rappeuse, qui affirme vouloir « le talent à Detfy, la plume à Suspect », têtes d’affiche du rap ivoire, reconnus pour leurs textes. Une plume soignée qui a rapidement fait parler d’elle, à l’instar de son aînée la rappeuse Andy S, qu’elle invite sur « Pilote ». Mosty espère pouvoir communier bientôt avec son public qui l’attend en Côte d’Ivoire. En attendant, elle comble le mal du pays autrement : « Quand je fais du rap, de la musique, je me retrouve. Dans le studio, j’ai l’impression d’être là-bas. » — Renaud Brizard  

j hus big conspiracy
J Hus
Big Conspiracy

Paranoïa, regrets, libido débordante, déracinement culturel et amour-propre, voilà les thèmes qui occupent les pensées du rappeur de Stratford sur son deuxième album. Après un séjour en prison entre 2018 et 2019, Big Conspiracy vient ouvrir un nouveau chapitre dans la carrière de J Hus. Son rap a gagné en épaisseur et le bonhomme a incontestablement mûri, comme l’atteste l’émouvante conclusion « Deeper Than Rap » où il se livre sans détour. Tout au long des quatorze pistes, le Londonien tente de se frayer un chemin qui lui permettra de s’accomplir en tant qu’homme. Travail de longue haleine, il n’aspire qu’à une vie meilleure désormais, et c’est notamment le motif de sa prière afrobeats « Peace, Love and Prosperity » tout en ondulations. Architecte de cet opus pour le moins éclectique, le beatmaker JAE5 synthétise le son de la diaspora noire et saute d’un genre, d’une atmosphère, d’un continent à l’autre avec un brio déconcertant. Le tout bien épaulé par l’apport non négligeable des autres artisans de ce succès, les co-producteurs iO et TobiShyBoy. Bien sur ses appuis mais la tête encore pleine de tourments, Big Conspiracy est le témoignage remarquablement conté d’un gangster playboy (ou l’inverse) qui reprend son destin en main. –Simon Da Silva

Flohio
No Panic No Pain

Son rap énergique déballé à vitesse grand V porte la poésie mordante de ses textes. Impossible de passer à côté de Flohio sans se faire happer par son flow lâché dans l’urgence. Née à Lagos avant d’emménager à l’âge de huit ans dans le sud de Londres, la rappeuse a vite absorbé le rythme de vie aussi rapide qu’un éclair et la pluie quasi constante de la capitale pour en distiller son propre style, effréné et réaliste. La Londonienne s’imprègne autant du grime des années 2000 que des sons électroniques avant-gardistes ou du bon vieux hip-hop. Ce mélange inspirant lui a fait gravir les échelons très rapidement. La rappeuse est désormais pour la scène rap londonienne ce que Jorja Smith incarne pour le renouvellement de la soul RnB anglaise. Mais pour mieux saisir le disque et les angoisses de Flohio, il faut pénétrer l’envers du décors, à Bermondsey, dans le sud de Londres, avec ses usines en briques, ses entrepôts et ses quais désaffectés, et c’est seulement alors que l’écoute de No Panic No Pain prend tout son sens. Les rythmes se transforment en barres métalliques et les synthés en zone industrielle. –Julie Denis

Nasty C
Zulu Man With Some Power

Malgré l’étrangeté des mois passés, on peut dire que 2020 a été l’année de Nasty C. Le rappeur sud-africain de 23 ans a signé chez Universal sur le label Def Jam Africa, s’ouvrant ainsi les portes du marché américain. Nasty C s’est forgé un nom et une réputation énorme dans son pays grâce à un style tranchant et à ses deux premiers albums (Bad Hair et Strings and Bling). Avec Zulu Man With Some Power, sorti le 28 août dernier, il cherche à se positionner comme le rappeur africain numéro 1. Ses textes sont chargés de ce désir de réussir, de conquérir les États-Unis mais aussi du challenge que ça représente (« Overpriced Steak »). C’est aussi l’occasion pour lui de se retourner sur le chemin parcouru depuis ses débuts (« King Shit »). Pour cet opus, on a donné à Nasty C les moyens de ses ambitions notamment en travaillant avec la crème des rappeurs venus d’Atlanta (T.I., Lil Gotit, Lil Keed) et Ari Lennox, l’une des reines du RnB actuel. Comme l’indique son titre, cet album est aussi marqué par un fort engagement politique qui entre en résonance avec les mouvements antiracistes de cette année. –Renaud Brizard

Pa Salieu
Send Them to Coventry

Même si l’intéressé considère son premier jet en studio comme « une première mixtape, un premier pas », Send Them to Coventry reste un uppercut en pleine mâchoire. Début 2020, le jeune homme se fait remarquer avec « Frontline », morceau écrit en 20 minutes qui inonde le web et devient rapidement l’hymne des quartiers pauvres de Coventry. En plus de devenir une voix du peuple, Pa Salieu s’est frayé un chemin en l’espace de quelques mois dans les charts anglais, débouchant sur cet album résolument urbain qui nous épargne les clichés exagérément autotunés du genre. Très attaché à son identité ouest-africaine, il fait sonner ses punchlines avec une musicalité singulière sur des prods qui oscillent entre dancehall, UK drill et afroswing, à l’image de titres comme « Block Boy » ou « No Warnin’ » qui ont marqué l’année de leur éclat. Gare à vous, le rappeur britanno-gambien qui a récemment survécu à une balle dans la tête a entrepris son ascension fulgurante, et frôle déjà les nuages du haut de son scalp avec un premier album essentiel. –François Renoncourt

Pop Smoke
Shoot for the stars, aim for the moon

Si on ne devait garder qu’un rappeur pour illustrer 2020, ce serait indiscutablement Pop Smoke. L’enfant prodige de Brooklyn, tragiquement assassiné le 20 février dernier, a marqué significativement l’année en popularisant la drill. Ce sous-genre du hip-hop originaire du sud de Chicago, remodelé dans le sud de Londres et démocratisé par la scène new-yorkaise, s’est finalement propagé dans le monde entier. Bashar Barakah Jackson de son vrai nom, laisse derrière lui deux mixtapes Meet the Woo et Meet the Woo 2 ainsi qu’un album posthume, Shoot For The Stars Aim For The Moon, dont la version deluxe est sortie le 20 juillet, pour ce qui aurait dû être son 21e anniversaire. Ce projet témoigne de l’aura du rappeur qui s’offre les services des plus grandes stars du hip-hop américain telles que Quavo, Future, Swae Lee ou encore 50 Cent, son producteur exécutif. Non content de collaborer avec les plus illustres de ses compatriotes, il invite aussi les icônes nigérianes Burna Boy et Davido, ainsi que la diva colombienne Karol G, assurant ainsi la propagation de sa voix caverneuse sur tous les continents. Plus qu’un phénomène de mode, les rappeurs du monde entier se sont réappropriés les codes de la drill, de son héritage rythmique caraïbéen à sa basse sinueuse, en passant par ses textes conquérants, ses clips ténébreux et même… ses pas de danse emblématiques ! Thomas Bisiacco

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