Depuis trente ans, le festival Africolor poursuit un chemin inédit, offrant visibilité et reconnaissance aux musiques africaines en France. Enraciné en Seine Saint-Denis, il est devenu un lieu de rencontres entre artistes et publics d’Afrique, de France et d’ailleurs. Du 15 novembre au 24 décembre.
Photo de N’Krumah Lawson Daku
L’histoire commence par un cadeau de Noël, pour ceux qui n’ont pas l’habitude de le fêter. Philippe Conrath, longtemps journaliste au quotidien Libération, décide d’organiser une soirée exceptionnelle conviant griots et griottes maliens au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis. Dès la première édition, le public est au rendez-vous, et il ne faudra pas longtemps pour que le « Noël Mandingue » devienne incontournable. Pour les Maliens d’abord, qui parfois font le déplacement de province, mais de plus en plus pour le public français, curieux de l’Afrique et qui découvre ses musiques telles qu’elles existent, et non telles qu’on voudrait les leur servir, après les avoir digérées à la sauce world music.
Les relations avec les associations de ressortissants maliens, en particulier issus de la région de Kayes (région administrative du Mali), font résonner radio-trottoir pour la publicité, garantissant l’ambiance de ces évènements qui ressemblent plus à des fêtes qu’à des concerts.
Afrique sur Seine (Saint-Denis)
Une dizaine d’années plus tard, le festival obtient le soutien du département et organise des concerts dans de nombreuses villes de Seine Saint-Denis. Sa programmation s’est étoffée, et si elle reste fidèle à ses amours maliennes, flirte désormais avec Madagascar, mais aussi le Sénégal, les deux Congos, le Maroc… La liste s’allonge, et ceux qui deviendront de grands noms y font leur apparition. Doudou N’diaye Rose, Zao, Cesária Évora, Papa Wemba, Ballaké Sissoko, Salif Keita, Bonga, Angélique Kidjo, Fatoumata Diawara, Richard Bona, … C’est le festival qui révèle en France le Réunionnais Danyèl Waro, dont Philippe Conrath deviendra le producteur, manager, compagnon de route et, depuis quelques années, le voisin. Waro, un parfait ouvreur pour entrer sur les chemins rageurs et sublimes du maloya, une musique alors pratiquement inconnue hors de la Réunion. Waro, qui incarne si bien la manière dont musique et engagement politique ne font qu’un quand ils sont vécus avec sincérité. Des valeurs que défend le festival, qui offrira aux mouvements de sans-papiers une caisse de résonance inédite. Et c’est ainsi que les programmations, d’année en année, feront toujours une place aux artistes qui témoignent des soubresauts politiques qui agitent l’Afrique… ou des spasmes qui secouent la France, quand celle-ci se met à ne considérer les Africains que comme des « immigrés ».
Avec le temps, les musiciens français ont trouvé dans ce festival un terrain de rencontre avec leurs collègues venus du continent, une manière d’école comme il n’en existait pas encore. Les créations qui les rassemblent se mettent à fleurir sur les affiches du festival. Moriba Koita, vénérable et facétieux joueur de ngoni rescapé de l’Ensemble Instrumental du Mali, en fut l’un des piliers. Le festival lui rendait d’ailleurs hommage cette année, lors de la présentation de son programme.
Trente ans : demandez le programme !
Africolor, désormais dirigé par Sébastien Lagrave, reste fidèle à ses amours de toujours tout en s’ouvrant aux générations biberonnées aux machines. Cette année, Hibotep et Faizal Mostrixx feront retentir les échos hallucinés de la scène électro ougandaise que Sébastien Lagrave a rencontrée au festival Nyege Nyege. De quoi nous faire flairer le futur, comme cette création des A.I., entendez les Animistes Imaginaires (Clément Petit, Ze Jam Afane, Clément Janinet) qui ouvriront cette 30e édition avec un concert de musique africaine contemporaine… de la fin du XXIème siècle. Quant à Afriquatuor, une autre création originale, elle donnera à entendre une relecture des grands classiques de la musique moderne africaine par un orchestre de cordes et de vents, le tout arrangé par Christophe Cagnolari et servi par la voix de Ballou Canta.
Plus près du béton, ou de la latérite c’est selon, les rappeurs Cheikh MC (Comores) ou Baloji (Belgique-RDC) seront de la partie, portant sur scène les orages politiques ou poétiques de l’époque. Danyèl Waro retrouvera le Théâtre Gérard Philippe, avec sa cadette Ann O’aro, pour un concert qui promet d’être saturé d’émotions : âmes sensibles, courez-y ! Deux jours plus tôt, d’autres Hoareau (Jidé et Stéphane) et leurs copains du groupe Trans Kabar vont eux aussi essorer le public du même TGP, transformé cette année en Shrine du maloya.
On vous le disait, on n’atteint pas trente ans sans de longues fidélités : voilà pourquoi le festival propose, sous la houlette de Simon « Brakka », une soirée « trente ans trop puissants » avec un big band qui rendra hommage aux artistes qui ont, depuis ses débuts, illuminé le festival. Ils seront rejoints par quelques-uns des membres de Bakolo Music International, le groupe qui accompagnait Wendo Kolosoy, pionnier de la rumba congolaise. Bref, de quoi fêter cet anniversaire en beauté, et pour ne rien perdre des ses propres traditions, Africolor se terminera comme toujours un 24 décembre, en renouant avec ses racines : un Noël Mandingue, autour de la cantatrice Mah Damba.
Pendant tout le festival, PAM – partenaire d’Africolor – vous fait gagner des places pour des concerts. Restez connectés. Le programme complet est à retrouver sur le site officiel du festival.