Née à Lusaka en 1994, d’une mère zambienne et d’un père angolais, M I M I et sa famille déménagent quelques années plus tard en Belgique. Elle étudie les Beaux-Arts à Bruxelles, y poursuivant depuis une carrière d’artiste transdisciplinaire, alliant peinture, gravure, sculpture, photo et bien entendu musique. Cette multidisciplinarité imprègne tout son travail, et notamment la constitution de sa palette musicale. Pour elle, il s’agit de toujours combiner des ambiances et des genres très différents, permettre la rencontre de cultures et de langues qui n’ont a priori rien en commun. « Je suis polyglotte, je suis moi-même un mélange et j’aime tout mélanger. C’est la base. » La musique l’accompagne depuis son plus jeune âge : « Dans la culture zambienne, la musique est super présente de la naissance jusqu’à la mort, il y a des rituels pour tout. Ma grand-mère chantait beaucoup, des musiques très chill, de chorale notamment. Par contre, côté angolais, c’était surtout des rythmes fracassants, à l’image du kuduro, du rap de rue… une musique violente, pleine de révolution. Ces deux ambiances, là, ça a créé quelque chose d’hybride (rires). Et comme je suis très sensible, pour moi, tout est toujours lié à des émotions. »
Dans l’univers de M I M I, la nature est toujours présente. Elle l’emmène avec elle dans les clubs, ces temples de l’urbanité, en pratiquant toujours le contraste. « En Zambie, ma famille habitait dans une ferme. On a toujours eu des plantes, un jardin potager. Pour moi, c’est super important de continuer à partager l’amour de la nature, et d’en apprendre davantage. » La couleur verte, symbole de vie et de bien-être, est omniprésente. « On dépend à 100% des végétaux. Sans eux, pas de vie. J’ai pris conscience que nos destins sont complètement liés à la nature, on en fait partie intégrante. » Au niveau musique, cette démarche s’est traduite par la collecte de sons captés en pleine nature. « J’ai réalisé qu’on pouvait retranscrire ces ambiances, même en soirée. Une fois que je mixais super tard – tout le monde était bien défoncé – et par erreur, j’ai balancé un soundscape de bruits d’oiseaux et de rivières. Ça détonnait complètement mais j’ai laissé tourner… en fin de soirée quelqu’un est venu me dire merci. Ça lui avait fait trop de bien. Ça l’avait apaisée. J’aime créer ce genre de moments inattendus : on arrête le bruit, on laisse parler la nature. Ça permet de redescendre, d’échanger, c’est des bouffées d’air frais. Je kiffe commencer mes sets comme ça et emmener le public tout doucement vers des vibes plus electro. »
De soirées underground à Boiler Room ou Dekmantel, M I M I tisse sa toile sur la scène électro expérimentale. Tout ce qu’elle fait est une constante recherche et sa démarche incite à en faire de même, ne pas avoir peur d’essayer et découvrir du nouveau : « On est tous en quête de quelque chose » rappelle-t’elle. Plongeon dans son univers, avec une sélection des plus éclectiques.
ecology141 – intro
Eco Futurism Corporation – c’est LE label qui tue tout. Si on devait quitter la Terre et emmener des sons terriens avec nous, c’est dans leur catalogue qu’il faudrait taper. C’est le genre de sons qu’on ferait écouter à des aliens qui n’ont jamais vu notre planète, pour leur permettre de l’imaginer… Il y a un hyper-réalisme sonore et textuel, c’est dingue. C’est des images transformées en audio.
Telepopmusik – Smile
Smile !!! C’est un de mes morceaux préférés depuis toujours (rires). Une mélodie magnifique, un morceau super beau et en même temps nostalgique. Il y a comme une sensation de tristesse continue en bruit de fond, et c’est sûrement paradoxal mais cette musique me réconforte. C’est LE classique « douceur » qui m’accompagne depuis petite. Je l’avais entendu pour la première fois à la télé. A chaque fois que j’entendais cette voix, une sensation de douceur m’envahissait, et elle me fait toujours autant d’effet.
Pobvio – No más te amos
Bon changement de registre, et là c’est l’un des plus beaux mashups (ndlr. fusion de deux ou plusieurs morceaux différents en un nouveau morceau) qui existe. Pobvio est un Uruguayen. Pour le coup, il mélange trois morceaux : ça part sur du Annie Lennox et on glisse ensuite dans une ambiance tarraxinha (ndlr. musique club langoureuse des pays lusophones). C’est un peu la BO de ma vie (rires). Je l’écoute tout le temps. J’ai pleuré dessus. Avec une amie on se fait des soirées ou on boit plein de vin naturel, on danse, et ce morceau tourne en boucle. Bah ouais, c’est une chanson de cœurs brisés, c’est pour ça que ça résonne… je t’avais dit que j’étais toute en émotions (rires).
Aeoi – Easy To Forget
Bon là aussi, ce morceau est super beau. C’est un exemple de deconstructed club music – un style de musique électro expérimentale qu’on retrouve sur des labels comme Hyperlink ou Soul Feeder. J’appelle ça, ma musique de l’âme… c’est un truc qui plonge tout de suite très profond, au-delà de l’intellect. C’est tellement profond, d’ailleurs, que le corps ne sait même pas comment réagir. Comment tu danses sur un truc comme ça ? C’est bien simple, tu peux pas.
Martha Da’Ro – Fool
Martha c’est ma cousine. Elle a fait ce morceau avec un ami commun, et ce son est l’un de mes préférés. Il est super intime et émotionnellement profond. Dans ce morceau-là, elle soigne les anciennes plaies d’amour… C’est un magnifique projet, et je crois qu’elle en sortira un nouveau en septembre. J’ai trop hâte de le découvrir.
SOPHIE – LOVE
Débridage total de la musique : tous les codes sautent. C’est l’hybridisme par excellence. SOPHIE a vraiment créé un genre qu’on pourrait appeler hyper-pop, une esthétique qui l’a menée à collaborer avec des stars comme Rihanna ou Madonna. L’hyper-pop, c’est un type de sonorité ultra chirurgical, avec les codes de la pop poussés à l’extrême. Ce morceau est un grand classique du genre, qui m’a beaucoup apporté en termes de liberté de création. Ça m’a permis d’envisager l’infinitude des possibilités existantes pour construire un morceau. En fait, j’expérimente pas mal sur Ableton Live et SOPHIE est l’une de mes principales inspirations (rip SOPHIE).
Nazar – Arms Deal
La première fois que j’ai entendu les morceaux de Nazar, ça m’a choqué !!! C’était toute la musique angolaise bien rugueuse que j’avais entendu en grandissant, mais déconstruite et recomposée en mode électro. Sa musique permet de soigner ces sentiments de violence et de guerre que je n’ai pas directement connus, mais dont je suis finalement le fruit. Ça va toucher les recoins de mon âme qui sont affectées par ce conflit (ndlr. la guerre civile en Angola, qui a duré près de 27 ans) que je n’ai pas vécu. Elle pose une mélodie sur des souvenirs que je n’ai pas mais qui sont transgénérationnels. Révolution, lutte, armes. Colère, fracas, exorcisme, état de transe. Ce morceau m’extrait de mon corps. Il fonctionne comme un massage : il met la pression sur les nœuds et d’un coup, mes muscles se relâchent.
Korn – Twist
J’ai grandi en écoutant du rock un peu hard genre metal et screamcore. J’allais aux concerts, je faisais des moshpits (ndlr. zone située devant la scène d’un concert de rock ou les gens « dansent » en mode auto-tamponneuses) et j’étais souvent la seule nana noire. C’était intense mais ça m’a renforcé. Ce milieu-là m’a beaucoup fait sentir ma différence, même si, en vrai, c’est quelque chose que j’ai ressenti dans pleins d’autres milieux. J’ai souvent été un peu seule dans mes kiffs, donc j’ai bien dû me créer mon propre univers, parce que pas le choix… Je n’ai jamais réussi à faire des trucs super léchés, campés bien à l’aise dans un seul style. Quand on parle de DJing par exemple, je suis incapable de faire le boulot d’un DJ « niche », qui se consacre à un genre musical jusqu’au bout. Moi mon kiff c’est de construire des univers super ouverts pour tout le monde, où chacun peut trouver quelque chose qui lui parle. J’aime créer des ponts : tu vois si t’es fan de metal, bah je pense que du son comme Nazar, ça pourrait bien aussi te parler (rires).
Menzi – QGM Dance
Menzi est juste trop cool, je l’ai vu en live à Bruxelles. C’est du gqom bien bien dark, j’adore. Quand j’entends ça, pour moi ça évoque l’Apartheid, les enjeux socio-économiques en Afrique du Sud. Par ces sonorités, c’est une musique qui engage politiquement. Tu peux difficilement rester insensible, il te parle de souffrances, de précarité, de conflits. On sait ce qu’ils ont vécu et on comprend direct l’intensité. Le dark gqom – je sais pas si on peut l’appeler comme ça, mais bon, c’est puissant en tous cas – c’est pas le genre de musique que je passe tout le temps. C’est à petites doses, pour exorciser les démons, en quelque sorte.
Playboi Carti – No Time ft. Gunna
Playboi Carti représente tout ce que j’aime dans l’univers du rap/trap/hip-hop. C’est le Big King, sans conteste. Son album Die Lit a été une vraie révélation pour moi, parce que je kiffais absolument tout dans les sonorités, j’ai même pas trop les mots pour le dire (rires). C’est pas du rap classique, mais les beats sont beaucoup plus bruts. Et la manière dont il rappe, comme il pose son flow, tout. C’est juste un mood qui peut passer dans un set aussi bien avec des trucs rapides genre kuduro a plus de 130 bpm, qu’avec des sons beaucoup plus lents. Ça va juste avec tout ! C’est le rappeur que j’arrive à caler dans à peu près tous mes sets… d’ailleurs c’est presque devenu ma marque de fabrique (rires).
Pour les curieux, on vous laisse découvrir certains des labels que M I M I kiffe le plus : Hyperlink, Eco Futurism Corporation, Edited Arts, Salviatek, Soul Feeder, Hyperdub, NAAFI, et PC Music.