Le rappeur nigérian d’Abuja a construit son succès loin de Lagos, revendique un style de trap bien à lui, puisant dans l’afrobeats comme dans les sons et les mots venus d’Amérique. Interview.
Atlanta est-elle toujours la capitale de la de trap music ? son berceau, assurément. Mais le genre a été exporté et enrichi au point que le terme « trap » représente aujourd’hui des réalités aussi nombreuses que différentes. La trap s’est introduite dans les musiques européennes, asiatiques et évidemment africaines. L’afro-trap, terme popularisé par le rappeur français MHD, est un dérivé de cette rencontre, mais elle n’a pas grand-chose à voir avec le son léché et élégant que le rappeur PsychoYP livre depuis 2016. Le natif d’Abuja, qui mélange habilement les codes rap américains et nigérians, a été couronné « Fresh Prince of Nigerian Rap » après la sortie de sa deuxième mixtape YPSZN2 (entendez YP saison 2) en 2019. Considéré comme l’un des pionniers de la trap au Nigeria, il a atteint le sommet de plusieurs charts nigérians. Il était temps pour PAM d’en savoir plus, en lui posant quelques questions.
Quelles sont les influences qui t’ont poussé à te lancer dans le rap ?
La musique dans laquelle j’ai grandi ne s’est jamais limitée à la musique nigériane. En grandissant, j’ai écouté beaucoup de rappeurs américains, comme Drake, Lil Wayne, Mane… J’ai aussi passé un certain temps à l’extérieur du Nigeria, et ça m’a exposé à beaucoup d’influences étrangères. Mais il y a eu aussi évidemment de la musique locale : de l’afrobeats, ou des gars comme M.I par exemple, qui rappait aussi au Nigeria.
Parles-nous d’Abuja et de la place artistique que la ville occupe au Nigeria.
La musique d’Abuja a la même sonorité que celle de Lagos, mais Abuja n’est tout simplement pas au centre de l’industrie musicale nigériane. Tout le monde pense que pour devenir important dans l’industrie, il faut nécessairement déménager à Lagos. Certaines personnes méprisent même la musique d’Abuja, alors qu’elle n’a rien de particulier. On m’a dit à plusieurs reprises que je devais déménager à Lagos si je voulais devenir célèbre. Mais je pense que les choses sont en train de changer maintenant. J’ai été à Lagos peut-être trois fois dans ma vie. Et je suis toujours capable de faire ce que je fais.
Qu’est ce que le rap nigérian peut apporter à la scène rap internationale ? En quoi est-il unique ?
J’ai l’impression que les rythmes et les instrumentaux que nous utilisons sont complètement uniques. Notre processus créatif est également différent. Chaque pays a son propre son, et nous avons certainement le nôtre. Nos producteurs sont évidemment très influencés par les sonorités afrobeats, ou la musique britannique. Le résultat, c’est que beaucoup de rappeurs nigérians ont fait de l’afrobeats et peuvent facilement passer d’un genre à l’autre quand ils en ont envie. Selon les normes nigérianes, c’est toujours considéré comme du rap. Nous avons ce genre d’alchimie avec les rythmes et les sons.
Justement, de quelle manière l’afrobeats, qui a grandi au Nigeria, influence-t-il le hip-hop nigérian ?
Le hip-hop nigérian est en effet influencé par de nombreuses mélodies issues de l’afrobeats qui ne sont généralement pas explorées dans le rap. Quand vous êtes un rappeur nigérian, les producteurs aiment jouer ces mélodies, faire sonner votre chanson un peu comme un morceau d’afrobeats. Ils prendront tous les éléments de la trap et du hip-hop et les mélangeront avec des rythmes afrobeats. Mais en fin de compte, chaque artiste a son propre genre et c’est une bonne chose lorsque tout le monde travaille ensemble. J’ai fait un featuring avec Terri, qui est clairement étiquetée comme afrobeats. Mais ce que je fais n’est pas de l’afrobeats, vous pouvez écouter mon couplet et vous ne pourrez pas dire que c’est autre chose que du rap.
Il y a beaucoup de featurings sur YPSZN2. Quelle est la relation entre les principaux acteurs de la scène rap nigériane ?
Il n’y a aucune embrouille. Tout le monde essaie d’évoluer ensemble. Je ne peux même pas m’imaginer en train de clasher un autre rappeur nigérian. On essaie tous de soutenir le hip-hop, la culture, notre pays… C’est une compétition saine : nous voulons amener la musique la plus stylée à la table. Elle n’est pas encore au niveau qu’elle mérite, mais ce n’est qu’en se serrant les coudes qu’on arrivera à la porter dans des sphères plus hautes.
Tu utilises beaucoup d’argot américain dans tes chansons : est-ce que le public nigérian ou africain comprend facilement ta musique ?
Bien sûr que oui ! C’est précisément ce que j’essaie de montrer aux gens avec le rap. C’est un langage universel. Je suis nigérian, je fais du rap au Nigeria pour des auditeurs nigérians, mais au bout du compte, ce n’est pas différent de ce qui est diffusé en Amérique. Le but, c’est que ma musique ne donne jamais l’impression que je suis en train de m’exprimer dans une langue que l’auditeur ne comprend pas. Et pour cela, je n’ai pas besoin de la faire sonner commercial ou grand public. Je reste juste authentique, et j’essaie de faire en sorte que cela sonne bien pour que tout le monde puisse en ressentir les effets.
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Je continue de prier pour faire mieux. Je sais que j’ai un talent et je fais de mon mieux pour en tirer parti. Je veux juste aller plus loin que le point où je suis en ce moment.
YPSZN2 est disponible sur les plateformes dès maintenant.