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The Pan African Music Magazine
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Gafacci, storytelling électronique

Si le phénomène afrobeats envahit l’industrie musicale ouest-africaine, certains artistes ont fait le choix de proposer quelque chose de différent. Gafacci, producteur Ghanéen, fait partie du lot.

Sa musique, l’asokpor, est un cocktail explosif aux ingrédients récoltés dans différentes régions musicales. L’artiste prépare ses productions sur des bpm ultra-rapides qui suivent la cadence des rythmiques électroniques ouest-africaines, agrémentées par la musicalité de sa langue maternelle, le Ga. La philosophie est simple : Jowaa, « dance hard » (danse à fond). Alors que son EP Face The Wall vient de sortir, le producteur nous a accordé un peu de son temps dans son quartier de Labadi, où il puise quotidiennement son inspiration.


Vous avez débuté professionnellement en 2010, juste avant le phénomène azonto auquel vous avez contribué, notamment avec le hit « 
Kpo Kpo o Body ». Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?

C’était surréaliste. J’ai commencé la musique en faisant des sons orientés club et quand tout le mouvement Azonto a démarré, le timing était parfait pour moi. J’adore la façon dont la musique s’est propagée d’Accra au reste du monde. L’expérience a été géniale, et je produisais tout à partir d’un cybercafé, parce que je n’avais pas d’ordinateur portable ou de PC. J’ai fait tous les beats de l’album d’un artiste dans ce même cybercafé. Ça m’a donné de la confiance : je pouvais faire quelque chose chez moi qui pouvait gagner les quatre coins du monde. Mais à l’époque, je voulais déjà faire ce que je fais maintenant : le bpm sur « Kpo Kpo o Body » était déjà proche de ceux que j’utilise sur mes projets actuels ! Mais je travaillais avec un rappeur donc je faisais beaucoup de beats hip-hop d’Atlanta, je n’étais pas libre de faire ce que j’aimais vraiment. Je ne connaissais pas non plus Soundcloud et je n’avais pas assez d’influence pour que les gens écoutent ce que je faisais. 


Quand on cherche Gafacci en ligne, on vous décrit comme un producteur techno, azonto, afrobeats, electro…. Comment qualifiez-vous votre propre son ? 

Je fais de la musique asokpor, un terme local au Ghana. J’ai commencé l’asokpor vers 2016. À cette période, j’essayais de passer de la scène mainstream à des sons plus électroniques, et je me suis rendu compte qu’il y avait une scène alternative de musiciens live ici, mais pas d’artistes électroniques qui occupaient le premier rang. Aujourd’hui, avec mon équipe, nous essayons de mettre en place une plateforme pour les artistes électroniques qui se sentent marginalisés et n’ont pas l’impression d’avoir leur place. On organise des événements, des soirées électroniques avec des DJs d’Europe qui viennent jouer avec les DJs locaux. Il s’agit surtout d’établir une communauté. Depuis le début, je voulais juste avoir une voix pour que je puisse faire monter d’autres personnes. Ma musique a aussi un message, elle parle de tout ce qui m’inspire dans ma communauté chaque jour. Je veux que les gens écoutent ma musique et se disent « wow, ce type est en train de nous raconter une histoire ».

Gafacci accra


Votre musique fait penser au kuduro angolais ou au Gqom sud-africain.  Est-ce une influence sur votre travail ?

 Oui ! Je suis très influencé par ces genres d’Afrique australe. J’écoute beaucoup de musique angolaise : Tarraxo, Tarraxinha… Buraka Som Sistema ! C’est ce qui m’a donné une perspective différente, et une direction à ce que je voulais faire. J’adore les trucs lusophones : Angola, Portugal, Cap Vert, Mozambique… J’ai aussi l’impression qu’il y a certaines similitudes entre le kuduro et notre propre asokpor. Leur musique a (Gafacci mime un rythme) pa pa pa pa pa pa-pa pa-pa pa, et nous avons pa pa pa pa pa pa-pa, vous comprenez ? Le rythme a le même swing. Et à propos de l’Afrique du Sud, c’est quand j’y suis allé en 2010 que je suis revenu avec « Kpo Kpo o Body ». J’ai été fortement inspiré par ce voyage et tout ce que j’y ai vu. Les danses par exemple : à cette époque, le Gwara Gwara était fou, il fallait y être pour y croire. J’ai aussi été inspiré par la façon dont ils produisent leur musique, comment ils fusionnent leurs éléments locaux avec des influences étrangères. J’étudiais leurs séquences et leur phonétique. Parfois, je faisais ma musique en Ga, mais j’imitais la façon dont un Sud-Africain ou un Angolais aurait chanté sur une chanson. 


Vous parlez beaucoup du peuple et de son impact sur la musique. Si vous voulez le toucher avec votre son, pourquoi avoir choisi de vous éloigner de la musique grand public ? 

Je veux toucher les masses mais j’ai arrêté de faire du mainstream à cause de la structure. Nous n’avons pas de structure adéquate dans ce pays pour les artistes en général, et ça a été difficile pour moi d’explorer certains domaines de mon talent. Je veux établir un schéma de carrière. Je viens du peuple : j’ai grandi à Labadi et ma famille y est encore. Je m’entends mieux avec les gens du peuple qu’avec n’importe qui. Je fais ma musique presque comme un activiste pour être indépendant du système et pour qu’à l’avenir, si un gars de Labadi veut être comme Gafacci, il y ait une route tracée qu’il puisse suivre.


Il y a 2 ans, dans une interview pour Ransom Notes, vous avez dit qu’il n’y a « aucune scène » pour le type de musique que vous faites à Accra. Est-ce toujours le cas ? 

Oui, et c’est très décevant que vous posiez la même question pour que je vous donne la même réponse… ça veut dire que je n’ai pas fait un bon travail. Il y a peut-être une scène underground à Accra que je ne connais pas, et que je voudrais connaître, alors pour les lecteurs de cette interview, s’il y a quelque chose que je devrais savoir, contactez-moi. D’après ce que je sais, je peux dire sans complexe qu’il n’y a pas de place pour nous à la table. 
 

Gafacci


Mettre sa musique à la radio est apparemment une étape centrale pour les artistes ghanéens. Comment un artiste comme vous peut-il gagner de l’attention sans passer par les canaux traditionnels ? 

Grâce aux réseaux sociaux, les événements que j’organise…. Il y a de bons DJs qui jouent mes chansons à la radio de temps en temps, mais avec ce que je fais maintenant, je ne pense pas que la radio me serait utile. J’aime le côté underground de ce que je fais. Je suis en train de construire une fondation et je fais toutes les étapes ingrates en ce moment, donc ce n’est pas le bon moment pour être trop exposé. La musique compte pour moi; je ne veux pas en faire juste parce que je sais qu’on peut en vivre. Mon père était musicien et j’ai vu toutes les expériences qu’il a vécues. Pour l’instant, je peux travailler avec la radio, mais je ne mourrai pas pour ça. Ma radio, c’est Internet.  


Votre relation étroite avec Accra et Labadi revient systématiquement dans votre travail : dans votre prochain EP, les titres de vos morceaux sont des concepts purement ghanéens et même typiquement d’Accra.

J’ai un lien très fort avec Labadi parce que j’ai vécu ici plus de 20 ans. Ma famille est là et si le monde entier me rejette, je peux me réfugier chez eux. C’est aussi ici que j’ai appris à faire de la musique et où j’ai eu des expériences qui ont fait de moi l’artiste que je suis. Labadi signifie beaucoup pour moi, et la musique est la seule chose qui me maintient à mes racines : sans elle, je n’aurais aucun objectif. Je n’ai pas d’engagement communautaire pour le moment, mais c’est quelque chose que j’espère faire à l’avenir. Je gagne un peu en notoriété et avec le temps, je veux vraiment tout redonner à ma communauté. Les gens ne le savent même pas, mais je fais ma musique pour eux. Je veux que les gens dans le monde sachent, quand ils écoutent Gafacci, que ce gars est de Labadi – Accra. 

Face The Wall EP est déjà disponible et Gafacci sera en tournée européenne en été prochain. 

Lire ensuite : Ghetto Boy, le petit prince d’Accra
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