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The Pan African Music Magazine
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Dub Inc : « le reggae est le plus beau symbole de rébellion pacifiste »

Le groupe stéphanois Dub Inc, artisan d’un reggae métissé, vient de livrer son 7e  album studio : Millions. Rencontre, à Marseille, lors de la Fiesta des Suds.

Photo © Carlos Gerardo García

À peine revenus de Mexico (où ils se produisaient pour la 2e fois cette année), les plus ardents ambassadeurs du reggae français sur la scène mondiale entamaient mi-octobre à la Fiesta des Suds de Marseille une tournée digne d’un marathon : plus de 30 dates en France et en Europe, dont 10 déjà complètes, pour fêter la sortie de Millions, leur 7e album (dont trois certifiés disque d’or). Un album de ragga-dub aux échos méditerranéens irrigué par la nécessité absolue de rêver. Rencontre avec Aurélien Komlan Zohou (l’un des chanteurs) et Grégory « Zigo » Mavridorakis (le batteur). 


Comment se renouvelle-t-on quand on travaille ensemble depuis 20 ans ? 

Zigo : On a toujours été très ouverts dans notre façon de composer la musique donc on ne cherche pas forcément à se renouveler. Finalement, chaque album est un peu le même : on a un peu de musique d’Afrique du Nord, un peu d’Afrique de l’Ouest, un peu de hip-hop et beaucoup de reggae. Ce qui nous permet de faire évoluer notre son, c’est que l’on n’est pas restés bloqués sur nos premiers amours, sur le vieux reggae roots. On essaye de rester en phase avec tout ce qui passe, notamment en Jamaïque. Après, une des choses qui a changé, c’est qu’on ne ressent plus le besoin de prouver quoi que ce soit. Du coup, ça nous offre une liberté énorme. Musicalement, j’ai l’impression qu’on simplifie les choses avec les années, qu’on a plus de facilité à écrire, à aller droit au but.


C’est ce qui explique aussi la présence de morceaux plus introspectifs comme « Erreur du passé » sur le précédent album (
So What) et « À tort ou à raison » sur Millions 

Zigo : Oui, la plume des chanteurs change avec les années, ils se permettent beaucoup plus de poésie. À tort ou à raison est un titre très personnel, mais si tu ne connais pas leur histoire (la perte, trop jeunes, de leur père NDRL), tu peux très bien t’approprier le texte pour des raisons qui ne seront pas forcément les même qu’eux. 
 


La nécessité absolue de continuer à rêver et donc de se projeter dans l’avenir irrigue votre nouvel album (
On est ensemble, En nous). Est-ce une manière d’interroger notre capacité à imaginer le changement dans le temps présent ?

Aurélien : Oui complètement. D’ailleurs, les premières personnes qu’on essaye de motiver c’est nous-mêmes ! Sur un précédent album (Paradise), on avait un morceau qui s’appelle « il faut qu’on ose ». Et c’est exactement ça : il va falloir oser rêver le changement et construire un monde différent, ensemble. D’ailleurs, on esquisse ce message depuis notre premier disque, Diversité : le monde qu’on espère pour demain il ressemble à ça.

Zigo : La nouvelle génération est connectée en permanence et bouffe du négatif toute la journée : la planète meurt, il y a des guerres partout, des attentats. Pour nous, c’est super important de parler de tout ça, mais d’apporter du positif. 
 


N’êtes vous pas parfois justement un peu abattu en constatant, comme vous le faites sur
Millions, que notre monde n’a jamais eu autant besoin de justice et de paix ?

Aurélien : On est tous à un moment ou un autre résignés, avec l’envie de baisser les bras. Mais notre rôle d’artiste dépasse notre personne. À partir du moment où tu as un porte-voix, c’est important de continuer à faire passer ces messages de paix, de justice, de résistante, d’unité, d’humanité. C’est ce qui nous a construit, c’est l’un des fondements de Dub Inc et plus largement du reggae qui est, je pense, le plus beau symbole de rébellion pacifiste qui ait été donnée à la musique.

Zigo : Parfois, bien sûr, il y a de la résignation. Mais on a la chance de beaucoup voyager, de rencontrer beaucoup de gens et notamment des gens qui se battent, qui sont des acteurs du changement. Comme ici, à Marseille, les membres de SOS Méditerranée (association civile et européenne de recherche et sauvetage en haute mer NDRL) qu’on essaye d’accompagner afin de les faire connaître davantage. Parce que, mine de rien, l’activisme, signer une pétition, aller à une manif ça a un vrai impact. Et pour nous, c’est important de véhiculer ça à travers notre musique. 
 


Vous avez choisi pour votre nouvel album un titre ouvert, qui peut renvoyer à beaucoup de choses. Mais
Millions c’est aussi le titre d’une chanson qui évoque le pouvoir de l’argent. Est-ce, selon vous, le plus grand fléau de notre monde actuel ?

Aurélien : Oui, c’est l’un des plus grands fléaux ou en tout cas c’est le moteur de la plupart des grandes problématiques auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui qu’il s’agisse d’écologie ou de migrations. Ce morceau parle du pouvoir de l’argent et aussi de la différence de traitement entre les gens qui en ont : le sort des voyous « d’en bas » n’est pas le même que celui des voyous « d’en haut ». « Millions » évoque donc les millions de dollars, mais ça évoque aussi une époque ou tout est compté en millions de vues, de like, en millions d’espèces qui disparaissent. C’est un terme qui, je pense, traduit bien ce que l’on vit actuellement.


De l’Algérie à l’Afrique du Sud en passant par la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou le Burkina Faso, vous avez beaucoup joué sur le continent africain ces dernières années. Pouvez-nous nous raconter le concert que vous avez donné à Goma (RDC) et qui est, selon votre expression Zigo, « l’un des plus marquants de votre carrière » ?

Zigo : On participait à la 5e édition du festival Amani qui offre un espace de fête, loin des problèmes quotidiens et des séquelles de la guerre, où les peuples de la région des Grands Lacs peuvent se rassembler. On y est allé en passant par le Rwanda, un pays qui est en plein renouvellement. Là-bas, on l’appelle la « Suisse de l’Afrique » parce que c’est hyper écolo et que le plastique est interdit. Et puis, on passe la frontière, on arrive à Goma et on se retrouve escortés par des Casques bleus dans une ville qui est un nid de barbouzes. Car cette région regorge de matières premières donc les lobbies asiatiques, européens et américains arment des milices sur place. Au milieu de ce chaos, on a trouvé des danseurs, des musiciens et des plasticiens avec qui on s’est liés d’amitié comme Justin Kasereka à qui l’on doit le visuel de l’album. On a shooté une vidéo acoustique aussi au lac vert, juste à côté. Il s’est passé plein de choses qui ont impacté la composition de cet album. 
 

Dub Inc à La Fiesta des Suds 2019 © Toine


Le visuel de l’album représente le visage d’un
gorille dont le regard, saisissant, semble nous dire : « je suis menacé de disparition, vous aussi ». C’est pour cette raison que vous l’avez choisi ?  

Aurélien : On a choisi ce dessin tant pour sa beauté formelle (sa technique, ses détails, la puissance de ce regard) que pour ce qu’il représente. C’était tellement cohérent que ça s’est imposé comme une évidence. Non seulement ce voyage a effectivement été très important pour nous, mais en plus ce grand singe, qui est protégé dans le Parc National des Virunga, symbolise la résistance face aux lobbies pétroliers et aux industriels occidentaux qui veulent la mainmise sur cette région afin de piller encore un peu plus ses ressources. Sans ce gorille, cette région serait définitivement à feu et sang. 

Vous avez donné 400 concerts ces six dernières années dans 46 pays différents et sur les cinq continents. Mais il y a une terre de grands fans de reggae que vous n’avez pas encore visité c’est le Japon. Est-ce que c’est prévu ? 

Aurélien : On en rêve ! Chaque pays que l’on a pu « conquérir » on l’a fait de nos propres mains, en passant par des structures locales. À chaque fois, c’est beaucoup de travail et pour le Japon on n’a pas encore eu d’opportunités.

Zigo : On voyage toujours à 12, avec notre équipe technique au complet, car on ne veut pas vendre un sous-spectacle du groupe. Du coup, ça coûte cher, tout spécialement au Japon où le coût de la vie est très élevé. Ça fait plusieurs années qu’on essaye de trouver le contact qui nous fera aller là-bas, on ne désespère pas. 
 

Dub Inc, Millions, disponible sur toutes les plateformes.

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