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The Pan African Music Magazine
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Aziza Brahim : « Celui qui cherche la guerre, c'est celui qui ne l'a jamais connue »

Avec Sahari, un 5e album aux sonorités plus électroniques, la musicienne et activiste emblématique de la culture sahraouie chante la douleur et l’espoir des exilés. Interview.

En hassanya ou en espagnol, la poésie vivace d’Aziza Brahim porte la voix des réfugiés du Sahara occidental (cette Afrique invisible, pourtant résistante et militante) et plus largement celle de tous les exilés. Rencontre, à la Fiesta des Suds de Marseille, avec une artiste à la présence lumineuse dont la voix transcende les sens. Pour PAM, elle explique sa démarche et le sens des chansons qui constituent ce nouvel album.


Des titres comme « Sahari » et « Mujayam » (« Camps ») renvoient explicitement à votre parcours. D’autres comme « Lmanfa » (« Exil ») ou « Hada Jil » (« Cette génération ») peuvent être compris dans un sens plus général. Tendre vers un message plus universel, c’était votre objectif avec cet album ?

Mes chansons parlent de ma propre expérience de migrante et de l’exil : depuis le désert jusqu’au cœur du vieux continent [Aziza Brahim est née en 1976 dans un camp de réfugiés du Sud algérien, a passé une grande partie de son adolescence à Cuba et vit à Barcelone depuis presque vingt ans ; NDLR].

Mon but est de dénoncer les conditions de vie extrêmes qui règnent dans les camps et la grande injustice qui empêche les réfugiés sahraouis de rentrer chez eux. J’essaye de capturer le sentiment de nostalgie que mes aînés expriment pour la terre qui leur a été enlevée. 

La normalisation de l’injustice est quelque chose que les Sahraouis connaissent bien, mais malheureusement nous ne sommes pas les seuls concernés : il y a actuellement 70 millions de personnes déplacées de force dans le monde, 26 millions d’entre elles sont des réfugiés. Inévitablement, cette situation m’affecte et fait évoluer mon écriture. 
 


Avec
Sahari vous vous ouvrez à des sonorités électroniques sous la houlette de l’artiste catalane Amparo Sánchez, leader du groupe Amparanoia. Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Nous sommes amies depuis longtemps et c’est une artiste que j’admire profondément. Cela fait des années que l’on souhaite collaborer et c’était d’autant plus important pour nous qu’Amparo est une chanteuse qui promeut le métissage dans la société espagnole. 

Elle a suggéré d’introduire l’électronique et cela signifiait travailler d’une manière différente. Avant, on enregistrait tout en live avec mes musiciens. Cette fois-ci, nous avons enregistré chacun séparément, puis nous avons assemblé les pièces du puzzle. 

Pour moi, la clef, c’était les guitares et les voix. Amparo a supervisé la partie électronique, les claviers et le saxophone. Elle m’a aidée à établir le dialogue que j’imaginais entre la percussion traditionnelle sahraouie, le tambour tabal, et les percussions électroniques. À trouver l’équilibre entre le passé et le présent, entre les musiques africaines et européennes. La recherche de la communion par la musique implique de voyager à travers différents territoires : géographiques et culturels, individuels et collectifs, conscients et inconscients. Et de trouver l’harmonie à la croisée des chemins.


« Cuatros Proverbios » (« Quatre proverbes »), le titre d’ouverture est lui très épuré : votre voix est uniquement soutenue par des percussions. Quelle est sa signification ?

C’est une chanson qui parle du pouvoir de la paix et du rejet complet de la guerre. Je dis ceci : 

« Il n’existe que deux mots : l’un est guerre, l’autre paix.
Celui qui cherche la guerre, c’est celui qui ne l’a jamais connue.
Le but du dialogue est de le conclure.
Ne jouez jamais avec la paix. »

Le disque s’ouvre avec cette chanson, car elle donne à entendre les racines de ma musique et permet de comprendre les mélanges qui vont suivre.

J’ai enregistré deux tambours tabal pour jouer avec les différents sons du désert. Il y a aussi un set entier de sabar et un djembé. C’est un mix de l’Afrique occidentale et de ma propre culture puisque le tabal est l’instrument de la musique sahraouie. C’est important pour moi de le mettre en avant, d’autant que depuis des siècles cet instrument est réservé aux seules femmes. 
 


Vous avez l’habitude de signer tous vos textes. Pour
Sahari, vous avez coécrit une chanson avec Amparo Sánchez (« Las Huellas ») et le titre « Ard El Hub » a été écrit par Zaim Alal. Qui est-ce ? Et que dit cette chanson ?

Zaim Alal est un grand poète sahraoui ; je me retrouve énormément dans son travail. Nous nous sommes vus la dernière fois que je suis allée dans les camps de réfugiés il y a deux ans et il a écrit ce poème pour que je le chante. « Ard el hub » signifie « terre d’amour » et parle de l’impossibilité pour nous de retourner dans notre patrie. C’est un morceau très important pour moi, il me procure un fort sentiment d’appartenance.

« Ma patrie, terre d’amour,
le berceau de mon enfance.
Pour toi les désirs se lèvent
qui embrassent le ciel. » 
 


Les photos qui illustrent le livret de l’album sont de vous, sauf celle de la pochette. Pouvez-vous nous la décrire et nous expliquer pourquoi vous l’avez choisie ?

Au premier plan, on voit une petite fille sahraouie qui s’appelle Aziza. Elle porte des chaussures de ballet et un tutu blanc. Derrière elle, on voit une tente et les bâtiments d’un camp de réfugiés situé dans le sud de l’Algérie. Cette photo a été prise par une très grande amie à moi qui est aussi une très grande photographe, Ana Valino.

Il me semblait qu’elle était parfaite pour le disque, car elle représente le contexte musical du Sahara : elle dit l’espoir et le courage de ces gens qui sont en train de lutter pour leur avenir.


Prochains concerts

15.11.2019 – CH – Fribourg – La Spirale
16.11.2019 – CH – Onex – Festival Les Créatives
17.11.2019 – CH – Martigny – Cave Du Manoir
21.11.2019 – CH – Basel – Kaserne
22.11.2019 – AT – Innsbruck – Treibhaus

Sahari, sortie le 15 novembre en digital et en CD/LP chez Glitterbeat Records.

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