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The Pan African Music Magazine
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PAM Rewind : l’univers de Boddhi Satva en 15 sons

Tous les mois, Cortega vous emmène à la rencontre d'un DJ ou producteur qui met l'Afrique et sa diaspora à l'honneur. Avec, en bonus, une playlist exclusive des 15 sons qui ont façonné son univers musical. Aujourd'hui, Boddhi Satva.

Bria, petite bourgade minière au cœur de la République centrafricaine. Le jeune Armani remplit son temps libre à jouer au basket-ball et rapper avec son groupe, le Gbekpa Crew. Adolescent, il passe ses journées à tailler des diamants pour le business de son père, où l’on imagine sans difficulté qu’il y développe le goût de la précision et l’attention aux détails, qui plus tard caractériseront sa production, affutée comme le fil d’un rasoir. Peu après son arrivée à Bruxelles, alors âgé d’à peine vingt ans, Armani décide de se dédier pleinement à sa passion musicale sous le pseudonyme Boddhi Sativa. Son style caractéristique – étiqueté “Ancestral soul” – est à la fois profond et spirituel, tissant les liens qui unissent un large panorama musical africain à sa propre interprétation du beat de la house. L’an dernier, Boddhi célébrait ses 18 ans d’excellence musicale, une quasi double décennie qui l’aura vu collaborer avec des noms aussi prestigieux qu’Oumou Sangaré, feu DJ Arafat, Louie Vega ou Osunlade, pour n’en citer que quelques-uns.

Fela Kuti – He Miss Road

Cet album, franchement… Je m’en souviens encore comme si c’était hier. C’est l’été 1996, et je suis à Namur (en Belgique ; NDA) avec mon grand frère Laurent et son fils Bobby. Il avait le vinyle 12” et était l’heureux propriétaire d’un énorme soundsystem. La pochette du disque m’a tout de suite frappé. Il l’a posé sur la platine, et là, j’entends « He Miss Road »… Mec… Ce moment a changé ma vie. Un truc de dingue. Une explosion d’émotions. Rien que d’en parler, j’en ai encore la chair de poule aujourd’hui. Je ressens tout ça des pieds jusqu’au cuir chevelu (fou rire). Je l’ai écoutée en boucle, littéralement, pendant que Bobby me racontait l’histoire de Fela et du Afrika 70. Une fois les vacances terminées, je rentre pour une année entière chez moi, en Centrafrique, où il m’est impossible de mettre la main sur ce disque qui ne cesse de m’obséder. En effet, il n’y avait pas de magasins de disques à Bria, le village où j’habitais, ce qui réduisait considérablement l’accès à la musique. Ce n’est que quelques années plus tard que mon frère achètera le CD, que je finirai d’ailleurs par lui subtiliser (rires). Cet album est extrêmement important pour moi, puisqu’il a fait le musicien que je suis aujourd’hui.

Koffi Olomidé & Quartier Latin – Magie

Déjà, il faut se rappeler que la Centrafrique a toujours écouté énormément de musique congolaise. Quand cet album est sorti en 1994, je vivais à Bria, à 600 km de la capitale, Bangui. Et comme dans la plupart des villages africains, il y avait ces petites boutiques qui vendaient un peu de tout, et notamment des cassettes audio. Ils avaient des copies nigérianes d’à peu près tout ce qui sortait : Michael Jackson, Snoop Dogg, Ace of Base, et un tas de musique africaine. C’était tout un circuit organisé de distribution pirate. « Magie » avait cette pochette très jaune, je la vois encore très clairement. Je l’ai achetée 2000 francs CFA environ. Cette chanson a été un énorme succès dans la région. Ah, Koffi Olomide ! J’ai de sacrés bons souvenirs, à danser sur cette musique avec mon crew. Toidere, Djiby, Sylvain, Aladji, Cyril, Willy, tous les frérots étaient accros à ce son, tandis que notre maestro DJ Fanfan la jouait en boucle.

Petit Tchadien – Pauvreté 

Encore un classique pour les Centrafricains. Une belle mélodie mais pas seulement : c’est aussi une oeuvre très puissante puisqu’elle parle du mépris que les pauvres subissent pour le simple fait d’être pauvres. Beaucoup de gens s’y sont identifiés, qu’ils soient discriminés pour leur statut social ou leur manque de ressources. La chanson est à la fois très émouvante et rythmique. Elle fait partie intégrante de mon enfance, avec d’autres classiques comme les chansons de Petit Centro, Musiki, Canon Star, Waka Star, toute cette bande. Un son qui a beaucoup influencé ma jeunesse, en réalité.

Marvin Gaye – Sexual Healing 

Cette chanson est sur le tout premier album que mon père m’a fait écouter, avec aussi « What’s Going On ». Il écoutait ces cassettes dans l’autoradio. Je ne comprenais rien à la langue anglaise à l’époque, mais mon père m’a juste dit que c’était une de ses chansons préférées. Tu sais, mon père était quelqu’un de très strict, et de très cool à la fois. Je l’admirais énormément, et cette chanson me rappelle à son très bon souvenir, et au fait qu’il m’a transmis sa passion pour la musique.

Erik Satie – Gymnopédie No. 1 

Dans un genre complètement différent, mais c’est la même histoire qu’avec Marvin Gaye. C’était la chanson préférée de mes parents, qui avaient l’habitude de l’écouter à la maison le soir. Ce morceau évoque encore pour moi les images de mon enfance, et les moments intimes avec mes parents et ma petite sœur. C’est une chanson très personnelle, directement reliée à ma famille. C’est la musique idéale pour te relaxer après une journée bien remplie. De la musique pour élever l’âme, avant de tomber dans un doux sommeil.

IAM – L’École du Micro d’Argent 

Yo ! Cet album est un disque phare pour mes frères et moi, tout autant que celui de Fela Kuti. Big up à Akhenathon, Shuriken, Kheops, Imothep… et tout le crew ! Là on nage en plein dans la science de haut vol, la métaphysique, la philosophie. Le savoir dans sa forme la plus pure. Quand on était gosses, on avait notre crew hip-hop et on faisait des reprises devant un petit public. Et bien la première reprise qu’on a faite, c’est cette chanson, « L’École du Micro d’Argent » (il commence à rapper les lignes « Assis en tailleur, Voilà des heures que je médite. Sur ma montagne, je n’arrive pas à faire le vide. »)…

The Notorious B.I.G. – Mo Money Mo Problems 

La première fois que je l’ai entendue, j’étais à Miami, où je visitais mon cousin Edicito et sa mifa. Ce mec était un vrai joueur. Beau gosse, les yeux verts, tout ça… Toutes les filles lui couraient après. Cette chanson me ramène à Miami. Le soleil, les piscines des lotissements privés, et les filles en bikini… bien qu’à l’époque je n’étais pas très doué avec les filles. J’étais super timide et je ne parlais pas bien anglais. Et puis ma mère était toujours dans le coin, alors je devais la jouer profil bas.

Miles Davis – The Doo Bop Song (feat. Easy Mo Bee)

Ouais, du très très lourd pour moi. Une fois de plus, c’est mon père qui m’a initié à Miles, et à toute son œuvre. Cet album est extrêmement important pour moi, parce que je n’avais encore jamais entendu de mélange de jazz et de hip-hop. Comme à l’époque de Jazzmatazz. D’ailleurs, des années plus tard, j’aurai l’honneur de connaître Easy Mo Bee et d’entendre cette légende vivante me dire qu’il adore ma musique. Je n’en croyais pas mes oreilles. Il s’agit quand même de celui qui a fait une partie des plus gros succès de Bad Boy (le label fondé par Puff Daddy, sur lequel ont signé Notorious BIG, Faith Evans, Craig Mack et bien d’autres ; NDA). Je peux mourir tranquille, mec. La reconnaissance ultime.

Oumou Sangare – Moussolou 

Il y a une énorme communauté malienne et sénégalaise en Centrafrique, donc j’y entendais régulièrement de la musique d’Afrique de l’Ouest. Les gens écoutaient ça toute la journée, partout : chez eux, à la cuisine… J’entendais ces chansons magnifiques, alors que Oumou Sangaré était déjà très populaire à l’époque – et encore aujourd’hui. Sa voix m’a toujours fasciné. Quant à sa musique, c’était quelque chose d’unique en son genre, avec cette kora, et ce rythme plus lent. Tout l’inverse de ce qui se faisait alors en Centrafrique à l’époque. Cet album en particulier est important pour moi aussi parce que j’ai fait un remix de « Ah Ndiya », la dernière chanson du disque. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai pu rencontrer Oumou à Bamako, alors que je voyageais avec mon père, qui la connaissait déjà. Il m’a emmené à la concession de voitures qu’elle tenait alors. Elle a été très sympathique. Je lui ai fait écouter mon remix et elle m’a fait un des plus beaux compliments que j’ai jamais reçus : « comme tu le sais, j’ai travaillé avec de grands noms de la musique, comme Peter Gabriel, mais je n’ai jamais entendu quelqu’un faire ce que tu as fait avec ma musique ». Je n’ai jamais vraiment voulu y croire, mais quand même, ça en disait long… Oumou Sangaré, une véritable reine, qui me dit que ma musique est unique. Elle m’a adopté sur-le-champ, en quelque sorte.

Mamosadi KB – El Musica (feat. Osunlade)

Du lourd, mec. Du lourd ! J’aurais pu citer plein d’autres chansons de Osunlade, mais celle-ci en particulier a complètement bouleversé ma perception de la musique, et de ce que je produisais à l’époque. J’étais pourtant déjà très inspiré par lui, et j’ai souvent essayé de l’imiter, mais c’est trop difficile. J’avais beau ne pas savoir jouer de guitare – et je ne sais toujours pas en jouer –, cette chanson m’a vraiment forcé à creuser et développer mes talents de producteur (rires).

Alton Miller – Sweet In The Morning (Rubadub Mix)

Ce titre était sur l’album Rhythm Exposed. C’est une chanson cruciale pour moi, parce que c’est en l’écoutant en boucle et en décortiquant sa structure que j’ai compris qu’il fallait que j’invente ma propre vision aussi. Et c’est à partir de ce moment que j’ai décidé d’essayer de travailler avec tous les noms que j’admirais musicalement. C’était mon intention, et Alton Miller a été la première personne avec qui je me souviens avoir vraiment voulu collaborer. Le détail marrant, c’est qu’on est même devenus colocataires quelques années plus tard. Une sacrée époque…

DJ Mix Premier – Lumiere 

Ahhh oui ! Le coupé-décalé ! Ça, et DJ Caloudji, et bien entendu Douk Saga et Arafat (paix à leurs âmes). C’était une époque vraiment formidable. J’adore cette musique et l’esprit en général. Si tu écoutes bien le rythme des percussions, cette syncope : tout est là ! Ça a été un morceau très important, parce que personne ne s’était encore essayé à coller ce genre de rythmes sur de la house auparavant. Ce son m’a beaucoup influencé au niveau rythmique. D’ailleurs, on n’utilisait pas encore le terme « afro house » à l’époque, et il y avait encore tout à faire pour introduire des rythmes africains dans la house. C’est ce que j’ai ensuite fait en m’inspirant de ce genre de tracks, non sans ajouter ma propre touche et mon propre swing pour me démarquer.

Kaysha – On Dit Quoi

Yeah, Kaysha ! Le seul, l’unique, la légende ! Un frère d’une autre mère. En réalité, et peu de personnes le savent, mais lui et ses sœurs sont parmi les pères fondateurs et pionniers du hip-hop en France – depuis le tout début. C’est une légende vivante, avec qui ma collaboration était écrite avant même qu’elle ait lieu. D’abord, quand j’ai découvert sa musique sur MCM Africa, ça m’a renversé. Et quelques années plus tard, je suis son témoin lors de son mariage… On était entretemps devenu comme deux frères. Mon âme sœur, une personne qui suit ses rêves, avec des intentions claires et un cœur pur, droit dans son éthique… Il est tellement authentique et généreux avec son savoir. Et puis il innove sans cesse : c’est même un des pionniers du zouk et de la kizomba. C’est un avant-gardiste dans la façon dont il envisage la musique et le milieu. Par exemple, il a anticipé la révolution digitale très tôt.

Boddhi Satva – Punch Koko (feat. Yacoub)

Cette chanson est apparue dans ma vie alors que j’étais au Mali. Je m’étais rendu à Bamako pour faire de la musique mais aussi pour rendre visite à mes parents qui y habitaient à l’époque. Mon père y avait déjà rencontré beaucoup de musiciens, et il m’a présenté à Yacoub (Jacob Soumeiga ; NDA), surnommé « le Jimi Hendrix du Mali ». J’avais aussi rencontré à la même occasion Mangala Camara, un musicien dont j’adorais le travail et avec qui j’allais également travailler plus tard. Bref, j’ai donc composé ce morceau, « Punch Koko », en hommage à mes parents. Le titre est emprunté au nom d’une boîte de nuit à Bangui, et je l’ai choisi car j’ai toujours aimé imaginer ce que mes parents faisaient lorsqu’ils sortaient faire la fête avec leurs amis. Yacoub a enregistré ces incroyables parties vocales et de guitare. Et c’est devenu une chanson phare dans ma discographie, puisque c’est grâce à elle que j’ai signé sur le label de Louie Vega (Vega Records, un des labels les plus reconnus pour la house music ; NDA) et pour la première fois avec une de mes propres compositions. Je pense que c’est ce qui a lancé ma carrière. C’est une chanson très importante pour moi, aujourd’hui encore, et je serai éternellement reconnaissant envers Louie, pour son soutien et son travail. Il a d’ailleurs apporté sa touche personnelle au morceau, et c’est ce qui l’a rendu intemporel. En résumé, « Punch Koko » représente un gros virage pour moi.

Celaya and Pegguy Tabu – Turn to You

Il y a beaucoup de chansons que j’ai récemment sorties et dont j’aimerais parler, mais il m’est impossible d’en choisir une en particulier… Alors prenons « Turn To You », au hasard, sortie en janvier 2021. Cette chanson a vraiment bien démarré, et c’est une de mes productions qui marche le mieux sur Spotify. Elle a vraiment explosé dans la communauté dance. À titre personnel, elle apporte un renouveau en ce qui concerne le motif rythmique et le mixage, que j’ai affinés au cours de ma carrière. Cela dit, avec moi, il faut s’attendre à tout. Je ne souhaite pas me limiter à un seul type de son, et je promets que je continuerai à surprendre au fil de mes prochaines sorties.

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