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The Pan African Music Magazine
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A Abidjan, Sidiki Diabaté offre à DJ Arafat son disque de platine

Le musicien et chanteur malien, très lié à Arafat, était de la cérémonie en hommage au « Yorobo » le 30 août à Abidjan. Lui et son manageur reviennent sur cette amitié, et PAM sur la nuit du 30 août.

Sidiki Diabaté ne pouvait pas rater ça. Voilà quatre ans que lui et le « Daishikan » (un des multiples surnoms d’Arafat) se connaissaient, et entretenaient des rapports fraternels.  Le 12 août, il apprenait la mort de son ami, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre le stade du 26 mars de Bamako où il devait donner un grand concert. Ce soir là, devant une enceinte pleine à craquer, il lui rendait hommage en musique et faisait observer à tous ses fans une minute de silence. 

Deux semaines plus tard, il monte sur le podium du stade Félix Houphouët-Boigny, seul, et égrène dans un moment de recueillement l’Abidjanaise, l’hymne national ivoirien. Et si le public de Côte d’Ivoire n’a pas toujours été tendre avec lui, cette fois-ci, il est au diapason. C’est que les deux musiciens avaient tissé des liens très forts. Leur histoire commence à Abidjan, juste après le  premier concert de Sidiki au Palais de la Culture, rempli à bloc.

« La toute première fois que je l’ai vu, se souvient-il, c’était après mon concert , on s’est rencontrés dans une boîte de nuit ou il devait faire un showcase et il a chanté pour moi, il a fait des atalaku et je lui a donné de l’argent.  Il a dit : « petit, moi je suis pas égoïste, tu es venu enceinter ma femme : le palais de la culture d’Abidjan… applaudissez pour Sidiki ! Après, on a continué tous ensemble la soirée et on a échangé les numéros. Par la suite, quand je venais, c’est avec lui qu’on sortait en boîte, on faisait tout, on s’est collés l’un à l’autre ». 

Aly Castro, son manageur, confirme : « Tout est parti de là, les deux se sont adoptés, dès lors ils ne se sont plus jamais quittés, ils s’appelaient et sortaient ensemble. Quelques temps plus tard, les deux ont souhaité faire un featuring. On est partis vers 2h ou 3h du matin au studio d’Arafat, et sur place c’était Ariel Sheney qui était aux machines, c’est lui qui faisait le beat. Sidiki lui a demandé la place, et il a commencé à faire des programmations. Didier (Didier Huon, le nom à l’état civil d’Arafat) lui a dit:

 » Petit, tu es fort !!!
Puis, Sidiki a envoyé quelqu’un chercher sa kora dans la voiture.
-C’est quel instrument ça ?
Didier ne savait pas que Sidiki etait ingé son, arrangeur, koraïste et chanteur… ça l’a ébahi !
-Laisse, tu vas voir : je vais jouer de la kora mandingue sur du coupé-décalé, personne ne l’a jamais fait.
-Mais, petit, tu es un diable !!!! « 

Les deux se soutiennent mutuellement et quand Arafat décide de s’envoler pour Bamako avec ses musiciens pour soutenir son camarade en participant à son concert, son « petit » lui rend la pareille à Abidjan. L’occasion de faire la fête, et parfois de se filmer au terme d’une trop longue nuit (il y a des fois il vaudrait mieux éviter, deh). Bref, une véritable solidarité s’était installée entre les deux personnages.  

« Récemment, raconte Aly Castro, Arafat était bloqué en France par des soucis judiciaires,  sa femme a accouché en son absence. Du coup Sidiki a pris son billet pour Abijdan, a rendu visite à la famille, à sa femme, et le jour du baptême il a donné 1 million, ce sont des gestes qui renforcent l’amitié. »

Voilà pourquoi, parmi les stars qui firent le déplacement (Davido, Fally Ipupa, Koffi Olomidé pour ne citer que ceux-là) la montée sur scène de Sidiki revêtait un tour particulier. 


Retour à Abidjan, le 30 août :

Après avoir joué de la kora sur des instrumentaux d’Arafat, le Malien prend la parole :
« 
Je dis à la nation ivoirienne : j’avais la plus grande surprise pour mon frère. Il m’avait dit : Sidiki, j’ai pas besoin de maison, j’ai pas besoin d’argent, ce que je veux aujourd’hui, c’est un disque d’or … » Et Sidiki de brandir le disque de platine qu’il a remporté pour l’album Lamomali avec, collé dessus, la photo de « Beerus Sama » (un autre des surnoms d’Arafat). Sur scène, Hamed Bakayoko le rejoint. Le ministre de la sécurité, poids lourd du gouvernement et autrefois patron d’une boîte de nuit, s’adresse à la foule : « Yorobo c’était mon fils, mon fils ! et je l’assume… ». Dans l’univers climatisé des costumes trois pièces de la bonne société ivoirienne, voilà qui avait de quoi détonner. Ces funérailles nationales doivent sans doute beaucoup à Hamback (le diminutif du ministre), lui qui protégeait Arafat, y compris quand ce dernier dérapait. Les autorités ivoiriennes, qui n’avaient pu manquer le déferlement d’émotion que sa mort avait suscité dans le pays, y ont sans doute vu une bonne occasion d’organiser un événement fédérateur, dans un pays où la réconciliation, à la différence des infrastructures,  est restée un chantier inachevé. D’où les grands moyens mis en œuvre (la réouverture du stade, normalement fermé pour travaux, les 6000 policiers déployés, et une retransmission en direct à la télé nationale, de 16h à 6h du matin).

Arafat – au delà des clashes et des frasques dont il était coutulier- avait fait évoluer le coupé-décalé, et loin des « Champagnards » de la jet set, l’avait ramené au ghetto en usant des codes, des mots et des attitudes des nouchis, tous ceux qui vivent dans ou de la rue, qu’ils fassent des petits métiers ou vivent dans les marges de la délinquance. Ceux-là sont la multitude, voilà pourquoi « Sao tao le dictateur » (encore un surnom) avait baptisé ses fans « la Chine », dont il était le président. D’ailleurs, raconte Sidiki Diabaté, Arafat lui confiait « depuis l’enfance mon père vivait, ma mère vivait, mais j’étais orphelin. Tout ce que j’ai eu je l’ai eu dans la rue et cette rue je la connais, elle fait partie de moi, et je suis pas un garçon clean, et j’aimerais même pas être un garçon clean, parce que ça me correspond pas ». Autant dire que les « Chinois » se reconnaissaient en lui qui avait fait ses armes, encore adolescent, au maquis le Shangaï, dans la fameuse rue princesse de Yopougon. Les Chinois, Hamed Bakayoko s’estadressé à eux durant cette nuit d’hommage : « on a dit c’est pas possible (d’organiser un tel événement, ndlr), parce que les Chinois vont tout gâter. Est-ce que les Chinois ont gâté quelque chose ? » et la foule de répondre… « Noooon…. ». En vérité, certains Chinois ont tout de même réussi à tout gâter, le lendemain, au cimetière de Williamsville, en profanant la tombe de celui que Sidiki Diabaté appelait « le prophète du coupé-décalé ». Tout cela parce qu’ils voulaient voir pour croire. On est où là ?

Par Mory Touré (Abidjan) et Vladimi Cagnolari (à Paris).

Lire ensuite : Douk Saga, le Président du coupé-décalé

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