Dans cette série, PAM s’intéresse à ces dessinateurs, graphistes ou photographes de l’ombre qui font aussi de la musique un bel objet. Aujourd’hui, on vous présente le peintre ghanéen Babs.
Sur Aulos, dernier album du finlandais Jimi Tenor, le Ghana tient une place de choix. On y croise en effet le batteur Ekow Alabi Savage, le percussionniste Kofi Emma, ou les chanteuses Florence Adooni et Lizzy Amaliyenga. Le jazzman joua le jeu de la collaboration intercontinentale jusqu’au visuel, en confiant la réalisation de la pochette à Babs, artiste reconnu des rues de Kumasi. Chargé de réinterpréter l’œuvre Väinämöisen soitto de Robert Wilhelm Ekman -peintre finlandais du XIXe siècle- l’artiste représente alors Jimi comme le dieu central de cette scène mythologique, offrant à cet album un artwork aussi pur et délicat que la musique qui l’habite. « En fait je n’ai jamais rencontré Jimi Tenor », avoue-t-il. « Il a été convaincu par un visuel que j’ai fait pour Ebo Taylor, et m’a engagé par le biais de Max Weissenfeldt ». C’est à travers Heikki Eiden, l’agent de booking d’Ebo Taylor, que le patron du label Philophon sollicite Babs. « C’était marrant de découvrir qu’il habitait juste à 10 minutes de chez moi », se souvient Max. « Babs est un peintre extrêmement sérieux et virtuose, il met beaucoup d’amour et d’effort dans son travail. C’est un super artiste avec qui il est très facile de travailler. »
En discutant avec lui, on découvre en effet un homme humble et passionné, pour qui l’art est avant tout une mission à prendre au sérieux : « pour l’instant, j’ai fait trois peintures pour la musique, mais je n’écoute pas pour autant les albums pour me donner de l’inspiration, je ne suis pas un fan de musique », confie-t-il. Élève de la Junior High School, Babs avait toutes les clés en main pour suivre une voie officielle. Sauf une : « j’ai terminé la JHS en 1993, mes résultats étaient très bons, j’étais même admis à l’école de mon choix pour continuer en arts visuels. Mais je n’ai pas pu continuer car je n’avais pas l’argent nécessaire. » Le jeune étudiant croise alors la route de Sam Francisco, autre illustrateur des rues de Kumasi qui, séduit par son travail, le prend sous son aile. « Je suis un outsider », continue Babs, « je n’ai pas d’éducation artistique formelle, c’est lui qui m’a formé ». A l’époque, c’est le business florissant des affiches de cinéma -qu’il continue de peindre avec une certaine nostalgie- qui donnait à Babs de quoi manger. Les temps changent, mais d’autres opportunités apparaissent : « quand les posters ont arrêté de rapporter de l’argent, des touristes étrangers les ont découverts et sont venus les acheter. C’est par exemple grâce à ça que j’ai peint un portrait de Fela Kuti, à la demande d’un client hollandais qui aimait mes affiches. »
C’est d’ailleurs en voyant ce Fela sur toile affiché dans un magasin que Ben Makkes, manager d’Ebo Taylor, le contacta pour réaliser la magnifique pochette de l’album Yen Ara, qui déclencha à son tour le rapprochement avec Jimi Tenor, pour boucler l’anecdote. Même s’il est « difficile d’en vivre et de s’exprimer librement » dans cette communauté au Ghana, Babs puise sa force dans la passion et continue de peindre des portraits d’inconnus ou de personnalités qui font l’actu (Donald Trump, George Floyd,…), tout en laissant la porte ouverte à ce monde particulier qu’est la musique. Pour conclure, Babs nous partage cette peinture à l’huile qu’il vient de terminer pour la DJ mexicaine Coco Maria, qui pourrait d’ailleurs servir de pochette à une future sortie…
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