Le label Syllart continue d’explorer ses quarante ans d’histoire en rééditant Si Bou Odja, le second album du légendaire orchestre dakarois produit par Ibrahima Sylla.
Ah la belle époque ! Difficile de ne pas être nostalgique de ce temps, même quand on ne l’a pas connue : quand l’Orchestra Baobab au meilleur de sa forme faisait danser le Tout-Dakar et enregistrait de magnifiques disques sous la houlette d’Ibrahima Sylla. Le jeune fan de salsa, fraîchement rentré de France, venait de se lancer dans la production et assurait la direction de ses sessions d’enregistrement au bien nommé studio Golden Baobab.
Depuis dix ans, le groupe réuni pour l’ouverture du très distingué Club Baobab avait eu le temps de forger son identité musicale, profondément sénégalaise et complètement panafricaine. Car Barthélémy Attiso, Balla Sidibé, Issa Sissokho et les autres savaient comme personne fusionner leur passion pour la musique cubaine (écoutez le titre « Ndiambaane ») avec les rythmes du terroir, les accents latins du créole bissau-guinéen, les lentes balades atlantiques et les chevauchées fantastiques portées par le rythme mbalax dont le nom, popularisé ensuite par Youssou N’Dour, deviendra un genre en soi. Dans la chanson « Si Bou Odja », qui donne son nom au disque, on retrouve aussi tout le côté aventureux et inventif du Baobab, qui fait flirter le rock avec mbalax, le mbalax avec l’afrobeat, et ouvre de grands espaces pour le saxo d’Issa Sissokho ou les fulgurances psychédéliques d’Attiso (sur la bande, l’un des membres du groupe l’encourage : « Barthélemy, tu fais le marathon »). Un sommet !
L’album comprend aussi la célèbre chanson « Autorail », signée du regretté Medoune Diallo dont la voix haut-perchée rend hommage au monde du chemin de fer, des cheminots, et au célèbre autorail qui quittait Dakar pour Thiès puis Bamako. Un fier symbole, tant le rail fut l’une des premières voies qu’emprunta la lutte anticoloniale (on se souvient de la grande grève de 1947-48 racontée par Sembène Ousmane dans son roman « Les bouts de bois de Dieu »), mais aussi le trait d’union entre deux pays, le Sénégal et le Mali, qui tentèrent de marcher ensemble vers l’indépendance en fondant « la Fédération du Mali ». Imaginez que dans les années 70 et 80, on pouvait alors quitter Dakar après avoir dansé au son de l’orchestre Baobab, et prendre le train pour continuer la fête à Bamako avec le Rail Band !
Quarante ans après sa parution en 1981, cet album mérite d’être (re)découvert et exploré pour sa richesse rythmique (écoutez par exemple le titre « Bon Bon ») et le vent de liberté qu’il continue de faire souffler. Il porte la marque indélébile du Baobab, capable de tout expérimenter en restant toujours lui-même. Cette réédition, remastérisée à partir des bandes mères, est parue sur un vinyle avec sa pochette originale, signée du peintre Djibathen Sambou. Inutile de dire qu’elle trouve toute sa place dans la Syllart Pearls Collection, et la trouvera tout aussi sûrement au pied du sapin et… sur votre platine.
Si Bou Odja disponible chez Syllart.