Avec Kanawa (ne part pas) annoncé sur Awesome Tapes from Africa, la cantatrice malienne implore la jeunesse de son pays de ne pas partir pour espérer un avenir meilleur et en finir avec les drames humains de l’immigration.
« Je dis que beaucoup de nos enfants meurent dans l’océan et certains d’entre eux pendant la traversée du Sahara. Certains grimpent sur les fils de fer qui traversent les frontières et ils se font tirer dessus. Nous leur avons demandé de ne pas partir et de rester à la maison. »
Nahawa Doumbia a le verbe incisif et n’a pas la langue dans sa poche. L’artiste qui s’apprête à sortir son nouvel album Kanawa chez Awesome Tapes from Africa dénonce les conditions de vie du Mali et sa jeunesse fuyante tout en convoquant la responsabilité du gouvernement et de l’ONU pour créer des emplois à ces jeunes afin qu’ils ne cessent de partir. Elle veut que la jeunesse malienne prenne en main le destin de son pays avant qu’il ne finisse à jamais entre des mains armées. Sous ses airs un peu durs, son discours est un message d’espoir et d’amour unificateur.
Depuis les années 80, Nahawa Doumbia est une des chanteuses les plus populaires du Mali. Ses chansons ont toujours parlé de l’amour de son pays, sans pour autant oublier les conditions de vie parfois difficiles des femmes maliennes (polygamie, mariages forcés). Entre respect des traditions et volonté de faire évoluer les mœurs, la chanteuse de Bougouni connaît un succès incontestable au Mali et en Europe.
Une grande chanteuse, comme l’avait prédit sa mère avant de décéder en lui donnant naissance, mais aussi une personnalité forte qui a su tenir tête à son père qui ne voulait pas la voir monter sur scène — n’étant pas une griote mais une fille de forgeron. Son talent a été révélé au grand public grâce à sa participation aux « Semaines de la Jeunesse » organisées par les agents du Ministère de la Culture en 1980. Un véritable tremplin pour celle qui a grandi à Bougouni dans le chef-lieu du Wassoulou, région boisée du sud de Bamako où elle réside encore.
Nahawa impose son univers, entre tradition et modernité, en gardant le rythme didadi et ses instruments traditionnels (balafon, kamélé n’goni) sur lequel les jeunes gens se défient lors des cérémonies et des soirées de fête aux périodes des semailles et des récoltes. Avec son franc-parler et son air malicieux, la reine du didadi impose désormais sa voix sur les scènes du monde entier et comme on dit en Afrique, « elle ne tient pas sa langue sous son pagne ».
Kanawa sortira le 29 janvier sur un LP disque/vinyle et en digital via Awesome Tapes from Africa.
Retrouvez Nahawa Doumbia dans le documentaire Paris c’est l’Afrique, qui, accompagnée à la guitare et entourée d’une ribambelle de gamins, offre au film sa conclusion et un moment de grâce.