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The Pan African Music Magazine
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PAM présente un nouveau documentaire : Lucas Santtana, le paradis (c’est ici)

Dans un voyage émouvant sur sa terre natale, le chanteur brésilien Lucas Santtana  médite, à la veille d’élections historiques, sur l’état de son pays et de notre planète, qui soumet les plus faibles au nom du « progrès », massacrant le seul paradis que nous ayons, la terre. 

Réalisé par Vladimir Cagnolari et produit par Oléo films & No Format, Lucas Santtana, le paradis (c’est ici) est une exploration de la patrie du chanteur brésilien à travers le prisme de son dernier album O Paraíso, paru en janvier dernier. Ce 10 titres sorti sur le label No Format! invite les auditeurs à repenser leur vision du paradis en prenant conscience de la beauté naturelle qui nous entoure et qui disparaît peu à peu. Désormais vivant à Montpellier, Lucas effectue ce voyage à la veille d’élections présidentielles historiques au Brésil, celles qui opposèrent en octobre 2022 Jair Bolsonaro Luis Inàcio Lula da Silva. Pendant le mandat présidentiel de Jair Bolsonaro, de janvier 2019 à décembre 2022, les mesures régressives de l’ancien capitaine militaire se sont attaquées aux aides sociales et à la protection de l’environnement. Toile de fond du documentaire, l’élection est un tournant fort pour la démocratie, l’environnement, et la manière dont nous choisissons de préserver et protéger notre paradis, le seul que nous ayons : la Terre. 

Lucas Santtana est né à Salvador, capitale de l’Etat de Bahia situé au nord-est du pays. Cette magnifique ville côtière, connue internationalement pour ses légendaires carnavals, a une histoire complexe et chargée. Construite sur les souffrances des esclaves emportés par les colons portugais, la réalité de cet héritage fait écho au présent : dans la politique, dans la musique et dans les conversations. En suivant Lucas dans son État natal, ces discussions prennent de nombreuses formes. Parfois, elles s’écrivent sous les gratte-ciel tentaculaires qui dominent les campements de sans-abri et dont les graffitis indiquent « Bolsonaro a tué ma fille ». D’autres fois, c’est avec de vieux amis, comme Quito Ribeiro, qui était le seul élève noir de l’école de Lucas lorsqu’il était enfant. Tous deux se promènent dans le quartier du Pelourinho et constatent les changements. Lorsqu’ils étaient enfants, l’endroit qui avait mauvaise réputation les avait séduits, grâce aux blocos afros, les groupes noirs du carnaval, qui y répétaient. Aujourd’hui, ce même quartier est devenu l’une des attractions touristiques de Bahia pour ses façades baroques et ses groupes de percussion qui en font la bande son. 

Mais certaines choses n’ont pas changé. Comme le théâtre Castro Alves, un somptueux bâtiment moderniste où la mère de Lucas donnait des cours de danse, et où Lucas, âgé de douze ans, vit un concert de Fafa de Belem et découvrit pour la première fois les charmes de la flûte traversière. Mais c’est bien dans les rues de Bahia qu’il comprit l’importance des sons et des percussions héritées de l’Afrique, qui, rappelle-t-il, « sont au cœur de l’identité bahianaise ». Un sentiment qui n’est nulle part plus évident que dans l’atelier d’Alberto Pita styliste et designer, fondateur et directeur artistique du Cortejo Afro – un collectif original riche en chants et en symboles. Perpétuant la tradition en préservant l’héritage du candomblé sur les costumes qu’il crée, Alberto Pita aime à dire que son travail est une « rencontre d’analphabètes » : il s’adresse à ceux qui n’ont pas reçu d’éducation « formelle » et ne savent ni lire ni écrire, qui savent lire les signes et symboles dessinés sur les tissus,  mais aussi aux lettrés qui eux savent lire mais ne savent pas déchiffrer ces dessins hérités d’une tradition populaire, ancienne et complexe. 

Alberto Pita commente avec intelligence nos jugements hâtifs, et le système de valeurs dominant. Ce que Lucas fait aussi dans sa musique, en nous rappelant que le paradis n’est pas dans un éther lointain, dans une seconde vie ésotérique qui nous attendrait après la mort. Il est plutôt ici, sur Terre. Il est dans les arbres et sous le béton qui étouffe la nature au nom du progrès. Lucas fait référence à Ailton Krenak, qui a été déterminant dans sa propre prise de conscience. Militant politique et porte-parole de l’union des peuples indigènes du Brésil, Krenak écrivait dans son livre La vie n’est pas utile : « La vie est une fécondation, c’est une danse, mais c’est une danse cosmique, et nous voulons la réduire à une chorégraphie ridicule et utilitaire ». Qui est sauvage et qui est saint ? Qu’est-ce que le progrès et qu’est-ce que la folie ?

De la ville, nous nous rendons en bateau jusqu’à l’Ilha da Maré, la « communauté la plus noire » de Salvador selon Eliette Paraguassu, une activiste locale. C’est un endroit où les esclaves échappés et rebelles vivaient et formaient des communautés appelées quilombos. Aujourd’hui, l’île et ses environs abritent beaucoup d’usines pétrochimiques. Alors que l’acétone, le butane et divers autres déchets industriels s’infiltrent dans l’eau qui est leur source de vie, les habitants ne reçoivent aucun dédommagement en échange et ne bénéficient d’aucun service public. La pression touristique n’arrange pas les choses. Pour ceux qui vivent de la pêche, de l’agriculture et de l’artisanat, la pollution est une catastrophe sanitaire et économique. Mais pas seulement. Eliette Paraguassu qui se présente aux élections locales qui se tiennent en même temps que la présidentielle, fait le tour de l’île en distribuant des flyers et en cherchant à récolter des voix. Elle évoque le haut taux de cancer dans la population locale, la destruction des ressources naturelles, mais aussi l’impact spirituel. « La mangrove est une femme », explique Paraguassu, « elle protège guérit, porte l’histoire et nous garantit un avenir ». En quittant l’île, Lucas fait un constat glaçant : « les premières victimes de la société de consommation sont ceux qui consomment le moins ». 

Lors d’une dernière étape, Lucas se rend à l’église de São Lázaro, un saint patron catholique, mais aussi une figure du candomblé nommée Obaluaie. Obaluaie est le fils de la déesse de la mer, une force de la nature, comme les autres orishas d’Afrique. La religion afro-brésilienne du candomblé est un syncrétisme entre les religions traditionnelles de l’Afrique de l’Ouest et le catholicisme imposé par les colons européens. Comme le dit Lucas à propos d’Obaluaie, « il peut guérir, mais il peut aussi tuer ». Une métaphore appropriée pour l’ordre naturel et le monde qui nous entoure. Ou, sur une note plus légère, « pas de feuilles, pas de vie ». Devant l’église jaune vif, Lucas est béni avec le goûter préféré d’Obaluie, le pop-corn.

Dans l’épilogue, Lucas retourne chez lui à Montpellier pour attendre les résultats de l’élection. Lula bat Bolsonaro avec 50,9% des voix. Une « victoire pour la démocratie » annonce le vainqueur à la radio… C’est un soupir de soulagement. Une victoire, pour l’instant. En attendant, comme le chante Lucas sur « La biosphère » : « Ne tarissez pas votre fontaine, écoutez les chamans… la nature est notre seul paradis. »

O Paraíso de Lucas Santtana est disponible ici via Nø Format!

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