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The Pan African Music Magazine
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PAM présente : Ghassan El Hakim et le Kabareh Cheikhats 

Ce nouvel épisode de la série Off the Map vous emmène à Casablanca, dans les coulisses d’une troupe de théâtre musical. Dirigée par Ghassan El Hakim, elle a décidé de rendre hommage aux cheikhats, chanteuses populaires d’autrefois qui pratiquaient le chant aïta. Un film de Jessy Nottola. 

Une dizaine d’hommes, en costumes satinés rehaussés de broderies, maquillés et bardés de bijoux, s’éclatent sur scène. Habillés en femme, mais avec la barbe ou la moustache qu’ils arborent dans la vie de tous les jours, ils rendent hommage à une vieille tradition marocaine, l’aïta – un chant poétique et populaire venu des campagnes, qui raconte le quotidien des Marocains. Ce sont des femmes qui en firent la plus grande renommée quand l’aïta passa des campagne vers les villes du royaume, en chantant dans les mariages et autres fêtes traditionnelles, et pour certaines dans les soirées des grandes familles. Et c’est cet héritage que le Kabareh Cheikhats remet au goût du jour. Ghassan El Hakim, revenu au Maroc après ses études à Paris, a commencé à travailler sur ce projet en 2014 et trois ans plus tard, son kabareh montait pour la première fois sur scène. C’est lui qui nous guide dans ce film, cinquième épisode de la série Off the Map, à la rencontre de Casa, une ville « un peu punk », et à la découverte de la troupe, exclusivement masculine, passionnément tournée vers les ces figures artistiques féminines que sont les cheikhats.

Jessy Nottola, le réalisateur du film, a entendu parler du Kabareh Cheikhats et sa curiosité a été aussitôt piquée : « je me suis dit : Ouaouh des gars qui se travestissent dans une société comme celle du Maroc, pourquoi ils font ça ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »  Quelques coups de fil plus tard avec Ghassan El Hakim, le voici qui débarque à Casa, la capitale économique, alors que la troupe s’apprête à donner un concert. Répétitions, voyage en voiture jusqu’à Rabat, habillage et maquillage en coulisses, puis entrée sur scène : « Ferme le rideau / éteins ta cigarette, Oh mon Dieu ! fais de moi le croissant lunaire qui s’accordera avec ton ombre » chante sous les projecteurs Ghassan El Hakim au milieu de sa bande. 

Comme il l’explique dans le film : « La vraie naissance du Kabareh Cheikhats, c’est lorsqu’on a joué (pour la première fois). La veille je dormais, et je me suis dit : tu es quand même un peu fou de faire ça. Tu mets dix personnes sur scène, habillées en femme et maquillées, et je me suis dit : on va se faire lapider. Il y a une deuxième voix qui me dit : mais qu’est-ce que tu en sais en fait ? Tu fais rien de mal (…) Comme pendant les répétitions je jouais et chantais, je me suis dit que j’allais monter sur scène pour ne pas les laisser seuls s’ils se font lapider, je vais me la prendre aussi la pierre ». 

Vénérables cheikhats

Pour sûr, dans une société où la « virilité virile » est magnifiée, on pouvait craindre des réactions négatives. Mais en même temps, comme l’explique Jessy Nottola : « Je me souviens que les cheikhats auxquelles ils rendent hommage en s’habillant comme elles, c’est une très vieille histoire : ça a survécu aussi aux colons qui pourtant avaient supprimé beaucoup de choses, et ça fait un bon siècle que ce déguisement féminin est toléré au Maroc. Quelqu’un comme Bouchaib El Bidaoui, comédien et chanteur, a imité ces femmes. Ghassan avait été frappé en tombant sur des images d’archives des années 60, celles de l’émission qu’El Bidaoui animait à la TV et qui amusait tout le monde ».  

C’est en voulant ranimer cette tradition, celle des cheikhats et des hommes qui, s’habillant comme elles, reprennent  leurs chants souvent transgressifs (évoquant le quotidien, les travers de la société, les abus du pouvoir, et des sujets galants ou grivois), que Ghassan El Hakim s’est mis en quête de fouiller, de retrouver les répertoires anciens, ceux d’avant l’influence des films égyptiens. On le voit d’ailleurs dans le film, sur la terrasse de La Parallèle, l’école d’art qu’il a fondée, parler à sa troupe de cette manière égyptienne de chanter « qui a fait oublier l’essence de l’aïta, c’est-à-dire le parler-chanter ». Car il y a dans ces chants une part de la mémoire et de l’histoire populaire du Maroc, celle qui raconte finalement mieux un peuple que la chronologie des faits et gestes des grands de ce monde. 

Évidemment, on pense aussi au chant des médahates qui, porté par les cheikhs et cheikhas algériens, finira par accoucher du raï, et dont cheikha Remitti fut l’une des figures les plus emblématiques. Elle aussi, comme ses soeurs du Maroc, aura été adulée tout autant que méprisée. « Souvent, les cheikhats étaient marginalisées. Il y avait dans leurs chants de la moquerie, de la poésie galante, de la vulgarité aussi…(…) et quand des hommes se travestissent pour chanter, c’est comme quand le clown prend l’habit de clown pour faire le pitre… s’habiller en cheikhat ça permet justement de dire des choses qu’on ne peut pas dire facilement dans d’autres contextes ». 

Ghassan El Hakim et ses amis, depuis qu’ils sont montés sur scène en faisant ressurgir les fantômes poétiques des cheikhats d’antan, ont transporté leur spectacle non seulement dans leur pays, mais ont fait rayonner ces vénérables dames sans-gêne par-delà les rives de la Méditerranée (en France, en Belgique, au Royaume Uni…). 

Entrez dans l’univers de cette troupe de théâtre chanté : il vous suffit d’aller sur la chaîne Youtube de PAM (où vous pourrez retrouver les autres numéros de la saison 1 d’Off the Map). 

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