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The Pan African Music Magazine
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José Carlos Schwarz, la légende décoloniale de Guinée‑Bissau

Le label Hot Mule Records réédite en vinyle quelques-uns des plus fameux morceaux de José-Carlos Schwartz, le grand poète et musicien engagé de Guinée-Bissau. Lua ki di nos, « La lune est à nous », paraîtra le 9 avril.

C’est l’un des poètes et musiciens bissau-guinéens les plus célèbres du XXème siècle. Pourtant José Carlos Schwarz, dont les oeuvres et l’engagement auront inspiré des générations de musiciens, demeure trop méconnu hors de son pays. Le label Hot Mule lui rend justice, avec la réédition sur vinyle de ses œuvres les plus fameuses. L’occasion pour PAM de revenir brièvement sur son parcours.

Jeunesse d’un résistant

José Carlos Hans Schwarz, d’origine allemande, cap-verdienne et guinéenne, naît à Bissau en 1949. Issu d’un milieu aisé, le jeune homme bénéficie d’une excellente éducation à Dakar puis au Cap-Vert. Se retrouvant finalement à Lisbonne, il revient dans sa ville natale pour y exercer son art, malgré les ambitions de son père, qui rêvait d’une carrière plus « sérieuse » pour son fils. Le jeune artiste en herbe se passionne ainsi pour la musique en compagnie des frères Castro Fernandes, ses amis d’enfance, avant de créer son propre groupe, Sweet Fenda, s’inspirant des musiques brésiliennes ainsi qu’états-uniennes. Les autorités portugaises, séduites par le charisme du poète, tentent ainsi de le recruter au service de la propagande du régime colonial. Mais le coeur du jeune Guinéen ne bat que pour les idéaux indépendantistes, très inspiré par Filinto Barros, figure majeure du Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), et compagnon du fameux Amílcar Cabral. Dès lors, l’art ainsi que l’engagement politique de José Carlos Schwarz seraient indissociables.

Accompagnant la lutte de décolonisation de son pays natal, le jeune indépendantiste se consacre pleinement à la musique, ce qui coïncide avec l’accomplissement de son service militaire au début des années 70. Son art devient politique : il s’intéresse aux traditions musicales guinéennes, à l’instar du gumbé, plutôt qu’aux musiques étrangères, contrairement à l’époque de Sweet Fenda. Le créole guinéen finit par s’imposer comme sa langue de prédilection pour écrire, et chanter. Il fonde d’ailleurs Le Cobiana Djazz à cette époque, aux côtés d’Aliu Bari ainsi que de Mamadu Bá e Samakê, qui devient rapidement le groupe le plus influent de la Guinée-Bissau. Le poète y chantait la révolution indépendantiste, comme avec « Na Kolonia », le cri d’un artiste en exil songeant au sort de ses amis restés au pays.

Connaissant un succès immédiat auprès des différents groupes culturels guinéens, Le Cobiana Djazz incitait la jeunesse à rejoindre la lutte armée qui embrasait alors l’ensemble du pays. Il rendait d’ailleurs hommage aux femmes en lutte, ainsi qu’aux mères de soldats guinéens ayant disparu durant la résistance indépendantiste, au sein de « Mindjeris Di Panu Pretu », un titre aujourd’hui encore très important en Guinée-Bissau. José Carlos Schwarz lui-même était impliqué au sein d’activités de résistance contre le pouvoir colonial, participant aux actions de guerilla urbaine ou aux opérations de sabotage. Sa chanson « Ke Ki Mininu Na Tchora », elle aussi, est restée : elle relatait la scission fratricide entre les indépendantistes et leurs frères colonisés qui soutenaient les autorités coloniales.

José Carlos Schwarz – Mindjeris De Panu Pretu
Djiu di Galinha

Le poète Aliu Bari ainsi que Ducko Castro Fernandes finirent arrêtés et torturés par la Police Internationale et de Défense de l’État portugais (PIDE : Polícia Internacional e de Defesa do Estado). José Carlos, quant à lui, sera incarcéré durant près de deux ans. Il témoigne ainsi de cette expérience dans la chanson « Djiu Di Galinha » (du nom de l’île où étaient déportés les détenus politiques). Libéré en 1974, c’est au Portugal qu’il connaît, en avril de cette année-là, la révolution des Oeillets (Revolução dos Cravos) menée par des jeunes officiers qui refusent d’aller se battre dans les colonies. Leur mouvement -largement soutenu par la population- entraîne la chute de la dictature salazariste au Portugal, et du même coup précipite la fin des guerres coloniales, sonnait le glas de l’emprise portugaise sur le Cap-Vert, l’Angola, Sao Tomé et le Mozambique.  Quant à la Guinée-Bissau, elle était parvenue de fait à mettre en échec les Portugais grâce au maquis dirigé par Amílcar Cabral.

José Carlos Schwarz – Djiu Di Galinha

José Carlos Schwarz se montre très actif durant les débuts de l’édification d’un État indépendant. Les dirigeants politiques se nourrissaient de la popularité considérable du chanteur auprès de la population guinéenne. Cela n’empêche pas pour autant cet artiste, guidé par un désir de justice sociale, de critiquer le pouvoir suite à l’indépendance. Nommé Directeur du Département des Arts et de la Culture, il gêne rapidement les autorités, qui décident de l’écarter, en lui accordant une place de diplomate à Cuba. Le poète s’éloigne également du Cobiana Djazz, avant de créer sa propre formation, le « Kumpô », avec lequel il est peu actif en raison de ses activités politiques chronophages. Il continue néanmoins d’écrire des poèmes, dénonçant les nouveaux gouvernants, qu’il considère comme des traîtres aux idéaux indépendantistes.

L’artiste périt soudainement dans un accident d’avion près de La Havane le 27 mai 1977, à 27 ans, comme de nombreux artistes du fameux « Club des 27 », (Amy Winehouse, Janis Joplin, Jimmy Hendrix ou encore Kurt Cobain). Il quitte donc ce monde en nous laissant d’innombrables poèmes ainsi que trois albums, José Carlos Schwarz Et Le Cobiana Jazz – Vol. 1. Guinée Bissau et José Carlos Schwarz Et Le Cobiana Jazz – Vol. 2. Guinée Bissau, mais aussi bien sûr Djiu Di Galinha. Ce dernier a été enregistré avec la chanteuse panafricaine Miriam Makeba (il se murmure qu’ils furent amants), à New York. Il a été commercialisé à titre posthume. Le 1er juin 1977, chez lui en Guinée, un immense cortège funèbre accompagna la dépouille du poète, rendant hommage au symbole qu’il incarnait, et à l’immense vide qu’il laissait dans le monde de la culture et de la politique guinéennes.

Lua Ki Di Nos de José Carlos Hans Schwarz et du Cobiana Djazz est disponible en digital et sortira en physique le 9 avril 2021 via Hot Mule.

Écoutez José Carlos Schwarz & Le Cobiana Djazz dans notre playlist Songs of the Week sur Spotify et Deezer.

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