Edo Nganga, chanteur, auteur et compositeur brazzavillois, est décédé le 7 juin. Il était l’un des derniers doyens de la rumba sur les deux rives du fleuve Congo. PAM se souvient de lui.
Adieu Edo. A l’âge de 86 ans, le chanteur plein d’esprit, dernier survivant de la toute première formation des Bantous de la Capitale, fondée en 1959, s’en est allé. Avec lui, c’est toute une époque qui continue de s’évanouir dans les plis du temps. Celle d’abord, où les musiciens des deux Congo se retrouvaient à Léopoldville (Kinshasa), bien mieux équipée en studios et labels que sa jumelle Brazza.
Nino Malapet, pilier des Bantous rencontré en 2008, expliquait : « Quand nous étions plus jeunes, nous avions un ensemble qui s’appelait le Negro Jazz, il fallait traverser le fleuve pour se faire un nom dans la musique . Arrivés là bas, le Negro jazz éclate. Les uns vont ici, les autres là-bas ». Edo Nganga, quant à lui, rejoint l’écurie du label Loningisa, où jouait le jeune Franco. En 2013, il se souvenait : « les propriétaires de labels se piquaient les artistes. Chez Loningisa, il n’y avait presque plus de chanteur, à part Vicky Longomba. Sinon il y avait Franco, De la lune et Dessouin, mais pas de second chanteur, or c’était la tendance à l’époque. Et c’est comme ça que les Franco et compagnie m’ont fait venir. » Entre Edo et Luambo, une longue amitié allait naître.
Edo est donc là en juin 1956, quand naît L’OK Jazz, nommé d’après Oscar Kashama, le propriétaire du bar où se produisait le groupe. C’est avec cette formation qu’il signe son premier titre, « Aimée wa Bolingo ».
Mais le vent de l’indépendance se mettant à souffler, et les troubles à agiter Léopoldville, Edo rentre en 1959 avec Jean-Serge Essous et Celestin Kouka, pour ne citer que ceux-là, à Brazzaville. Ils ne reviennent pas bredouilles : ils ont en tête de fonder un nouvel orchestre : ce sera Les Bantous de la Capitale, qui donne son premier concert le 15 aout 1959 chez Faignond, le bar en vogue à Brazza.
Les Bantous seront l’orchestre phare de l’indépendance du Congo-Brazza, et longtemps l’emblème du pays à l’étranger, participant au Fesman de Dakar en 1966, au Festival Panafricain d’Alger en 1969, ou encore au Festac de Lagos en 1977. Sans compter les tournées internationales et les deux escales à Cuba (en 1974 et 1994) qui comptèrent beaucoup pour ces férus de son, de merengue et de cha-cha-cha.
Edo n’avait pourtant pas totalement divorcé de l’OK Jazz, avec lequel il retravaillera à Léo entre 1962 et 1964, puis revenu à Brazza montera une société avec Franco et Vicky Longomba : Lulonga (Luambo, Longomba, Nganga). Une petite maison de production qui enregistrait des artistes, des deux côtés du fleuve Congo. Mais il ne s’éloignera jamais longtemps de sa maison : les Bantous.
Certesn au fil de son histoire, l’orchestre connaîtra des hauts et des bas, traversant la révolution et ses mots d’ordre comme bien plus tard la guerre civile congolaise. Il connaîtra aussi des dissidences (le trio Cepakos, les Bantous Monument), mais tiendra bon, Edo repartant en tournée avec les Bantous au début des années 2010, toujours enthousiaste… à 80 ans.
Edo, malgré la reconnaissance, les décorations et les responsabilités (en 2013, il était chef de son quartier mais aussi conseiller du ministre de la Culture), ne vivait pas grand train. La dernière fois que nous l’avons revu, en 2013, il vivait très modestement et ne possédait pas même une voiture. Il déplorait que les artistes comme lui ne touchent guère de droits d’auteurs, et la fâcheuse propension qu’avait pris la musique congolaise à se perdre dans les mabanga (les dédicaces). Mais il continuait son chemin, avec foi dans son orchestre, foi dans la musique et sa « noblesse » comme il aimait à dire. Ce n’était pas facile, mais plutôt que de s’en plaindre, il préférait en rire pour dissiper les nuages qui alourdissent la vie.
En 2019, les Bantous de la Capitale fêtaient leur soixante ans d’existence. Avec de jeunes recrues, et Edo Nganga, le dernier survivant de leur premier concert chez Faignond. Adieu Edo.