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The Pan African Music Magazine
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Darkovibes : Ghana is the new cool

Darkovibes est déjà plus qu’une étoile montante au Ghana. Son premier album solo, Kpanlogo, est une réussite. Rencontre avec l’un des moteurs de l’effervescence artistique qui règne à Accra.

« J’ai grandi à Jamestown et à Labadi, qui sont des communautés Ga traditionnelles à côté de la mer. On chante et on danse beaucoup pour le moral. La danse Kpanlogo, c’est celle dont je me souviens dans mon enfance. C’est fun et énergique ». Ces souvenirs d’enfance n’ont jamais quitté Paul Nii Amu Andrew Darko, né à Accra en 1995. 25 ans plus tard, il leur rend hommage avec son premier album solo Kpanlogo, sorti le 3 avril.

Itinéraire d’un enfant d’Accra

L’eau a coulé sous les ponts depuis le temps où le jeune Darko dansait avec insouciance. Avec son groupe de potes, La Même Gang, il a écumé les scènes d’Afrique de l’Ouest et a largement participé à placer Accra sur la carte d’une industrie en plein boom. Sa musique est décrite comme un pot-pourri de rap, d’afrobeats, de highlife, faisant feu de tout bois et de toutes langues : anglais, pidgin, ga et twi. Avec des ingrédients pareils, le produit final ne pouvait qu’être original. PAM a rencontré celui qu’on surnomme avec raison « Cool Paul » pour revenir sur sa carrière et discuter de son nouveau projet.

Dans une interview pour Redbull, KwakuBS, proche de Darkovibes, expliquait que « les Ghanéens ont des opinions très fortes, surtout en termes de morale. Tu ne peux pas avoir un certain look, tu ne peux pas donner une étreinte à ton pote ». Cool Paul dénote clairement dans ce paysage : tatoué, changeant de couleur de cheveux quasiment chaque semaine, habillé comme le plus exigeant des fashionistas (il déteste ce terme), trainant avec des skaters… son style de vie est vu par certains comme une provocation. Il l’explique par son enfance passée à Labadi et Jamestown, deux quartiers d’Accra aux histoires et caractères particuliers : « Dans les deux communautés, l’originalité a toujours été célébrée, donc on a grandi en s’intéressant à pleins de choses », explique l’artiste. « Moi par exemple, j’ai toujours été un curieux de la musique, et je me souviens que je pouvais me disputer avec mes amis pour savoir qui avait entendu un titre de rap le premier ». Ce sont ces deux endroits, d’après lui, qui lui ont enseigné ce qu’il appelle son « héritage », complété par les musiques (RnB, reggae, highlife, hiplife ou soul) qui passaient à la radio et à la télé.

Depuis enfant, il « interprète » en musique tous les sons qu’il entend. Au cours de sa première année d’université, il décide de sérieusement passer à l’action. Il commence alors à fréquenter le studio Villain Sounds et y rencontre $pacely, Nxwrth, KwakuBS, Kiddblack et RJZ. Quelle est la probabilité de rencontrer 5 jeunes aux visions totalement similaires quand on est un artiste Ga aux cheveux verts à Accra ? « L’alignement des étoiles ! », préfère expliquer l’artiste. De fait, entre eux, le courant passe aussitôt : même look, même style, mêmes passions, mêmes ambitions. « Rien de tout ça n’avait été prévu. On était juste tout le temps au studio à créer, exploitant les forces de chacun. C’était une période magnifique ». Les six compères forment donc le collectif La Même Gang, où se chevauchent la musique, la mode, les arts visuels et la culture. « Je dis toujours qu’on est comme les Power Rangers », ajoute Darkovibes. « On a nos super pouvoirs individuels et on fonctionne super bien dans nos propres domaines, mais quand on se met ensemble, c’est un autre niveau total ».

Chambouler les frontières artistiques

Les membres du La Même Gang sont rapidement devenus les ambassadeurs d’un mode de vie jeune, décomplexé et branché, contrastant avec la rigueur chrétienne et conservatrice qui existe dans une certaine frange de la société ghanéenne. Les 6 rappeurs, tous tatoués, arborent des teintures ultra flashy, font du skate, sont grossiers dans leurs paroles. Bref, ils s’amusent et ne laissent personne les en empêcher. Darkovibes explique que l’effet de groupe a participé à forger ce style : « on est tous des rebelles, et en s’ambiançant ensemble au studio on s’échangeait tous nos idées. C’est en faisant ça qu’on a développé notre son que les gens qualifient d’ ‘alternatif’ ». Les débuts sont compliqués : « Ils nous traitaient d’artistes Twitter, se souvient Darko. Alors on a assumé ce label et on a continué à avancer. On faisait juste de la musique pour nous, on s’en foutait du son dominant. On était bruyants et dérangeants, et notre lifestyle était très contagieux. On est provocateurs, donc soit les gens nous adorent, soit ils nous détestent. Et les gens ont fait leur choix ».

L’équipe sort une mixtape en 2017 (« La Même Tape ») et une autre en 2018 (« La Même Tape : Linksters »), qui les propulsent très vite au-devant de la scène ghanéenne, leur permettant de faire des concerts et des apparitions dans tout le pays. En février 2020, ils étaient même invités à chanter au SXSW festival de Austin, au Texas (annulé par la suite).

En parallèle, les membres enchaînent les collaborations avec leurs proches, qui grandissent tous ensemble : Joey B, Kwesi Arthur, B4Bonah, Kuvie… Accra s’organise et tout le monde s’entraide dans cette dynamique joyeuse qui déteint sur le monde des arts. Unis par l’ambition de chambouler les normes, musiciens, créateurs de mode ou d’ d’arts visuels réunissent leurs forces. Il n’est pas rare de voir graviter autour du La Même Gang d’autres collectifs de mode comme Free The Youth ou The Weird Cult, ou certains réalisateurs qui ont sauté dans ce navire en marche. Pour décrire cette sorte de vague interdisciplinaire qui électrifie Accra, Darkovibes, qui a aussi un pied dans la mode, utilise un adage : « les oiseaux de même plumage volent ensemble ». Il explique : « C’est un rythme et un mouvement qui se développe. Il y a peu d’argent dans ces industries, et aucune forme de renforcement des capacités pour les individus intéressés. Il n’existe pas d’institution structurée qui enseigne formellement ces choses au Ghana. Les gens apprennent seulement avec l’expérience. Mais on apprécie ce processus, et je crois que cela rend l’aventure plus riche ».

Kpanlogo, du local au global 

Le 3 avril, Darkovibes sortait son album Kpanlogo alors que son single « Inna Song (Gin & Lime) » était numéro 1 dans le pays. On peut difficilement dire que le projet est un album de rap : Darkovibes décrit son style de musique comme du « feels ». Des titres comme « Emotional », « Different », « Mama Cee », ou « Medaase » rappellent très clairement les sonorités highlife ou hiplife, tandis que la plupart des autres morceaux sonnent plus comme de l’afrobeats ou du dancehall revisités. « Cet album a été fait avec les Ghanéens en tête, et pour montrer le Ghana au monde entier », explique l’artiste. « Il y a beaucoup de highlife dedans, et de sons traditionnels auxquels les Ghanéens pourront directement s’identifier ».

Darkovibes a tout à fait réussi le pari de faire du neuf avec du vieux et de réécrire le futur du Ghana en s’inspirant du passé. Les rythmiques afrobeats se mélangent à la perfection aux guitares chaloupées du highlife et l’artiste est passé au niveau supérieur dans la maitrise de sa voix, tandis que des interludes de musiques Ga ponctuent la tracklist. « Tu ne peux jamais vraiment quitter tes racines », commente-t-il simplement. Il a également invité les meilleurs de ses compatriotes en featuring (Kwesi Arthur, Stonebwoy, Mugeez, Joey B, King Promise) et certaines superstars nigérianes pour y ajouter de la force (Peruzzi, Runtown, Mr Eazi). Un titre en collaboration avec la star Wizkid devait également être sur le projet, mais Darkovibes « n’aimait pas le son final » et ne l’a donc pas intégré. Si l’artiste est maintenant établi en son pays, la musique moderne et résolument ghanéenne qu’il a réussi à créer commence à s’exporter. Tout comme le highlife des débuts, elle commence à résonner au Nigéria. « Le Nigéria a son propre style et on a le nôtre », dit-il. « Mais j’écoute beaucoup de musique nigériane et j’ai beaucoup d’amis là-bas ».

Darkovibes commence également à rencontrer un certain succès en Europe, notamment au Royaume-Uni, où la diaspora ghanéenne est importante. « La Grande Bretagne, c’est comme un pays africain sur un autre continent. Et peu importe où on va dans ce monde, on va recevoir du soutien parce que les Africains sont partout. Ma musique est pour tout le monde, partout. Tout est à propos du flow et de l’émotion, et ça, ça n’a aucune frontière », conclue-t-il. On ne peut que lui donner raison: Accra, très en vogue ces derniers temps, est devenue un des phares de la musique du continent. Et une rampe de lancement certaine pour ses artistes, qui comme Darkovibes, entendent rayonner dans le monde.

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