Tentez de gagner vos places pour le concert d’Urban Village au Café de la Danse le 23 mai à Paris en envoyant votre nom et prénom à [email protected], avec « Urban » en objet.
Le dernier documentaire signé NØ FØRMAT! et Oléo films – une expérience immersive avec les musiciens de Urban Village – est tout à la fois la biographie d’un groupe de musique et celle d’un territoire. S’ouvrant à Paris à l’occasion des 15 ans du label NØ FØRMAT! et donnant à voir l’exceptionnelle interprétation live de « Sakhisizwe » (en langue Zoulou, « construire une nation »), le récit s’envole vers l’Afrique du Sud où l’on s’invite à la répétition du même morceau par le groupe, cette fois-ci en plein air.
Débute alors un film qui prend le temps de ses images, traversé par un esprit fraternel, et embarqué dans l’intimité même de ce jeune groupe qui monte. D’ailleurs, qui mieux que ces quatre enfants de Soweto pour nous offrir la visite de leur très cher « village urbain » ? En route, donc, en compagnie de Lerato, Tubatsi, Xolani et Simangaliso.
Écrit et réalisé par Vladimir Cagnolari, filmé et monté par Julien Borel, le film donne successivement la parole à chacun des membres du groupe Urban Village, qui le mois dernier a sorti son premier album, le bien nommé Udondolo – le bâton du marcheur ou du berger, en langue zoulou. Au cours de ce ride cinématographique, on passe d’une scène à l’autre en suivant à la fois la logique personnelle des protagonistes – leur relation avec la ville maternelle – et la logique collective de Johannesbourg – une ville façonnée par l’histoire des migrations et du colonialisme.
C’est en effet une véritable leçon d’aménagement urbain sous l’apartheid, que nous donne le chanteur et flûtiste du groupe, Tubatsi Mpho Moloi. Dominant la ville depuis le point de vue privilégié d’une mine abandonnée, il nous montre la « frontière » qui sépare littéralement les townships du CBD (« Central Business District », le quartier économique et d’affaires), et aiguise notre regard sur la topographie ségrégationniste de l’apartheid.
Le film est empli d’espoir, cependant, lui qui illustre et célèbre de la plus belle des manières le concept holistique de « village urbain » que le groupe a développé. Pour ses quatre membres fondateurs, le « village » représente l’esprit d’unité, et leur musique est un hommage aux très nombreuses et différentes cultures, coutumes et langages qui ont façonné Johannesbourg au cours de l’histoire.
Au long des quarante minutes que dure le film, on est régulièrement invité au sein de cette grande famille étendue, auprès de qui on assiste à des moments particulièrement touchants. Comme l’explique le guitariste et compositeur Lerato Lichaba, « j’ai connu beaucoup d’oncles lors de mon enfance à Soweto. Ils n’étaient pas tous des oncles biologiques, mais des voisins que l’on considérait comme des véritables oncles tant ils s’occupaient de nous. » Une relation privilégiée qui se dévoile notamment dans les nombreuses scènes où Lerato sollicite un ancien pour recevoir un cours de guitare maskandi, mais aussi dans cette scène de pur ubuntu [en langue zoulou, « être ensemble » ou « toute l’humanité » ; Note du traducteur] où Moloi et ses oncles se lancent spontanément, dans la cour de leur maison dans un chœur en parfaite harmonie, bien évidemment.
« Il ne s’agit pas d’un EPK [film promotionnel ; NDT] comme on a l’habitude d’en produire, puisqu’on a voulu élargir l’horizon, en montrant à travers le groupe et sa musique la signification d’un lieu, d’une ville, voire d’un pays tout entier », nous explique Laurent Bizot, directeur du label NØ FØRMAT!, au téléphone depuis Johannesbourg.
« On a tout de suite été attirés par l’origine du projet et l’histoire du groupe », raconte Bizot qui deux ans plus tôt avait produit, avec la même équipe, un documentaire tout aussi attachant et précieux, cette fois-ci sur l’album-concept mêlant jazz et musique cubaine Que Vola ?. « Nombre de nos projets sont en réalité des rencontres entre deux artistes ou deux milieux culturels très différents. Je suis intéressé par tout ce qui s’ancre dans une tradition forte, mais qui sonne “actuel”. »
Et ce film est précisément à la hauteur des ambitions du label, explorant les réalités locales des clubs qui rappellent les shebeens, ces débits de boissons autrefois clandestins, et des sangomas [chamanes ou oracles NDT] tout en partageant la vision ouverte sur l’avenir d’un groupe (et d’une ville) qui connaît sur le bout des doigts son histoire musicale et sociale.
« Quand on l’a montré à Soweto, le public était stupéfait », rappelle Bizot, non sans fierté. « Les gens nous disaient : “C’est fidèle à notre histoire ! Rien que pour ça, merci !” »
Pour NØ FØRMAT!, faire des documentaires est une façon de mener à bien une mission : offrir à celles et ceux qui investissent dans l’achat d’un album, une connexion intime avec l’histoire qui se cache parfois derrière la musique. C’est ce que propose le label aux adhérents de la formule annuelle « Le Pass » : en achetant des disques, on contribue à soutenir de précieuses productions musicales, en échange de lesquelles on reçoit ce que le label appelle son « millésime ».
« On a choisi ce terme qui vient du monde du vin – dont la cuvée 1994 n’est pas la même que celle de 1995, par exemple. Ici, il s’agit de l’année de production. C’est notre récolte musicale, en quelque sorte », nous explique Bizot.
À l’heure où les moyens de subsistance des musiciens continuent de s’étioler sous l’impact de la pandémie de Covid -19, ce genre de modèle coopératif est une façon de nous inviter à faire partie d’un même village. Un village au sein duquel ce film documentaire nous fait entrer de plain-pied.
L’album Udondolo est disponible chez NØ FØRMAT!.