Avec son projet Yeko, le Français Yohann Le Ferrand réunit autour de sa guitare des musiciens africains de différents horizons. Son premier clip met en lumière la chanson « Yerna Fassè », qu’il a enregistrée avec la chanteuse malienne Khaira Arby peu avant son décès. Interview.
Fusionner les cultures du nord et du sud et retranscrire le quotidien subsaharien à travers ses luttes et ses espoirs, tel était le fond de la pensée de Yohann Le Ferrand en démarrant le projet Yeko. Dans cette série de portraits musicaux qui donne la parole à différents chanteurs d’Afrique de l’Ouest, il entend bien trouver un juste milieu entre les cultures ancestrales et les musiques actuelles. « Yerna Fassè », qui signifie bonheur partagé, en est un premier exemple convaincant. Yohann a rencontré Khaira Arby en 2013 sur le tournage du film N’gunu N’gunu Kan de la réalisatrice Soussaba Cissé, avant de la recontacter quelques années plus tard pour cette première collaboration. Malheureusement, cette grande dame de la musique malienne s’est éteinte entre l’enregistrement du morceau et le tournage de ce clip également réalisé par Soussaba Cissé, un mini-film qui mêle poésie urbaine et danse contemporaine. Yohann nous en dit plus sur les débuts de ce projet honorable.
Qu’as-tu ressenti au moment du décès de Khaira, toi qui venais d’enregistrer un ultime morceau avec elle sans le savoir ?
J’étais en résidence en Allemagne et je l’ai appris brutalement sur les réseaux sociaux. Ce fut un choc car personne n’était au courant de sa maladie, puis j’ai ressenti la même tristesse que tous ceux qui ont rencontrés ce grand cœur. Elle n’a jamais entendu le morceau. Avant son décès, en travaillant seul chez moi je n’avais de cesse de la remercier intérieurement pour la beauté de son chant. Suite à son départ, en réalisant le privilège qui m’était donné d’être le dernier à avoir travaillé avec elle, je me suis donné comme un fou sur les arrangements. Ça a duré presque une année, je voulais rendre le meilleur hommage possible à l’artiste et à la personne.
D’où vient cette idée de mise en scène façon danse contemporaine dans les rues avec Adiara Traoré, et que raconte ce clip ?
Avant Adiara il y a eu la rencontre avec la danse contemporaine par le spectacle « Kirina » du très créatif Serge Aimé Coulibaly, un show dans lequel j’ai la chance d’être guitariste. Ensuite j’ai été appelé pour mettre en musique une performance du chorégraphe Sénégalais Andréa Ouamba à laquelle Adiara participait. Avec la réalisatrice Soussaba Cissé, nous avons dû imaginer un scénario sans Khaira en racontant l’histoire d’une jeune fille perdue qui effectue un périple à la recherche de Khaira. Son agitation intérieure est imagée par les deux esprits en blanc qui tantôt la suivent tantôt l’abandonnent. Je voulais apporter une dimension spirituelle, c’est pourquoi terminer sur la colline était le lieu idéal, proche du ciel, pour libérer Adiara qui retrouve la peinture de Khaira comme une trace de sa postérité.
Les musiciens représentent la musique, part importante de la vie de Khaira, et sont masqués pour renforcer la dimension irréelle. L’un d’entre eux servira même de guide dans la quête d’Adiara. La danse contemporaine est un moyen de rendre beau un simple déplacement d’un point A à un point B, il fut donc tout à fait naturel de faire appel à Adiara, Daouda et Fané pour ces 3 rôles.
Quelle est la finalité du projet Yeko, et quelles conditions doit respecter l’artiste invité pour pouvoir se retrouver au cœur du projet ?
Le projet Yeko est une façon d’explorer différents styles musicaux à travers l’esthétique et l’origine de chaque invité. J’amène en général plusieurs playbacks un peu ciblés, puis nous travaillons ensemble sur la mélodie. C’est ma partie préférée car la confiance mutuelle crée une alchimie et l’âme du morceau se construit à cette étape. La plupart du temps, l’invité est l’auteur, et choisit la thématique des paroles en fonction de ce que la musique lui inspire. Yeko m’ouvre aussi des portes vers d’autres aventures, car suite à la sortie de ce premier single, j’ai été sollicité pour accompagner et arranger divers artistes.
Peux-tu déjà dévoiler le nombre de collaborations à venir et quelques noms ?
Je suis impatient de sortir la prochaine collaboration ! Il s’agit de « Tina » que les gens ont surtout connu comme danseuse pour Toumani Diabaté ou Salif Keita. Je l’ai rencontrée il y a deux ans lors de ma collaboration avec Rokia Traoré dont elle a été choriste sur la dernière tournée. Ensuite viendront un morceau de hip hop acoustique mandigue avec un chœur gospel, invité en plus d’un rappeur bien connu des Maliens. Le dernier single sera dans une mouvance Afro Rock, avec une chanteuse Burkinabé (indice : Rfi talent en ce moment !). Pour le second volet que j’espère sortir en 2021, les playbacks sont prêts mais je n’ai pas encore tous les invités. Il y aura ensuite une compilation regroupant tous les singles.
Pour en savoir plus, rendez-vous ici et retrouvez le making-off ci-dessous.