C’est à Genève que grandit Luvanga, dans le quartier des Lignons. Bercé par l’OK Jazz, Madilu, Papa Wemba et tous les grands noms de la rumba congolaise que ses parents écoutent sur vinyle, il découvre le reggae et la musique urbaine à travers ses sœurs. Dans un environnement où la musique est quotidienne, omniprésente, il fait ses premières armes dès l’âge de dix ans en jouant sur un instrument atypique : « Quand j’ai eu mon premier neveu, j’ai commencé à jouer avec son piano qui reproduisait des sons d’animaux. Je rejouais des morceaux que j’écoutais sur youtube et petit à petit, j’ai senti un feeling ».
Deux ans plus tard, Luvanga acquiert son premier (véritable) matériel pour composer : « un clavier midi, une carte son et un mac. J’ai commencé par cracker des logiciels pour composer avant d’investir dans Logic pro. J’ai d’abord appris à l’oreille et plus tard j’ai regardé des tutos sur youtube pour apprendre à faire des accords soul, jazz, pop… J’en ai aussi appris à l’église. De mes 16 à 18 ans, j’ai joué du piano dans une église nigériane à Genève, on faisait du gospel africain ».
Réviser ses classiques
Mais le gospel du dimanche ne lui suffit pas. Chez lui, il dévore les genres musicaux, et se met à leur école « Au début, j’étais plus dans la composition. J’ai commencé à sampler quand j’ai compris que les Daft Punk le faisaient dans l’album Discovery. Plus tard j’ai compris que ça se faisait aussi dans la musique urbaine et j’ai commencé à m’intéresser à des producteurs comme J. Dilla. Je suis de nature curieuse, quand je découvre un style j’aime bien en connaître la racine. » La façon dont le légendaire producteur américain est parvenu, entre autres, à humaniser les boîtes à rythme, se ressent également chez Luvanga.
Et c’est ainsi, de fil en aiguille et de sample en sample, que Luvanga a largement exploré la musique électronique, le funk et le hip hop. Ses qualités de producteur lui ont même permis de rejoindre la rayonnante écurie Colors (label genevois qui réunissait alors Varnish La Piscine aka Pink Flamingo, Makala, Slimka, Mairo…) : « J’ai rejoint Colors quand j’avais 18/19 ans. J’ai rencontré Théo Lacroix, on est du même quartier, aux Lignons. C’est lui qui m’a amené certains logiciels comme Logic Pro, des packs pour mieux composer etc. Il était en train de monter un label avec son associé, Thibault Engelmann, on a eu un bon feeling et j’ai rejoint l’équipe pendant 3 ans. »
Durant cette période, Luvanga, qui se nomme alors Classik Luvanga, sort même un clip réalisé par Kantarama Gahigiri primé au festival indépendant du film de Berlin 2017, dans la catégorie « Meilleur court métrage d’animation ». Pourtant, deux ans plus tard, l’artiste genevois est à deux doigts d’arrêter la musique : « Je me disais que la musique que je proposais ne pouvait pas plaire aux gens et qu’il fallait mieux que j’arrête. Puis je me suis fait violence. J’avais jamais travaillé un projet où je m’aligne un peu aux codes. Donc j’ai participé à un beatmaker contest qui était très typé production mainstream hip hop pour me tester. Et c’est passé. »
Revenir à soi
Vainqueur du « Beat Battle » du Music Producer Challenge 2019, avec un jury de mastodontes de la production parmi lesquels Rockwilder, Luvanga reprend confiance en son art et en profite pour refondre son identité artistique : « Un jour je philosophais avec mon père sur la vie et il m’a balancé une phrase : « n’oublie pas d’où tu viens ». Au début je me demandais ce qu’il me racontait puis il y a deux ans, j’ai vraiment compris ses paroles. J’ai commencé à assumer mon prénom. Avant je le trouvais bizarre comparé aux autres, mais quand j’en ai compris le sens, « celui qui fait ce qu’il veut », je me suis dit que ce serait mon seul nom de scène. Et c’est là que je me suis intéressé à tous les styles de la musique africaine : rumba, afrobeats, musique gnawa… l’année passée j’ai découvert l’amapiano, alors que ça existe depuis 2012. Quand j’ai écouté ce style, je me suis dit que c’était ce que je recherchais. »
Dans la foulée, il enchaîne avec le projet collectif Mood For Life, à l’accent principalement hip hop et gospel, élaboré lors d’un séjour en chalet avec Scor Novy, The SugazZ ou encore Mastroz…
Depuis, Luvanga a donné naissance à plusieurs singles afrobeats, puis amapiano, ainsi qu’à trois EP : Luv, Jungle, et Jungle Vol. 2 où se mélangent subtilement house, jazz, hip hop, funk et afrobeats. Sans oublier son escapade avec des amis musiciens au sein du projet collectif #MoodForLife. Dans le même temps, le producteur s’est mis à porter un masque d’inspiration futuriste : « c’est une référence à l’Afrique et son côté moderne. J’aimerais aussi qu’à travers mon masque et ma musique les gens oublient l’Afrique genre Kirikou. »
Alternant entre son travail de dessinateur architecte et son studio de musique, Luvanga produit à l’instinct, seul ou accompagné, tout en ayant défini les contours de son cadre artistique : « je ne suis plus dans un processus où je dois chercher mon son. |Je fonctionne à l’instinct mais je sais ce que je veux. Je travaille actuellement sur un album qui est quasiment prêt, j’espère le sortir l’an prochain. C’est un album spirituel avec des morceaux instrumentaux et d’autres interprétés. Le thème, c’est de revenir à soi. On est vachement dissipé et j’espère que lorsque les gens vont écouter cet album ils vont revenir à eux-mêmes. » On ne demande que ça.