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The Pan African Music Magazine
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Les Amazones d’Afrique : « Nous sommes les haut-parleurs de ce que les gens pensent tout bas »
© Karen Biswell

Les Amazones d’Afrique : « Nous sommes les haut‑parleurs de ce que les gens pensent tout bas »

À quelques heures du début du couvre-feu, les quatre nouvelles Amazones d’Afrique se produisaient au théâtre de l’Idéal dans le cadre du Tourcoing Jazz Festival. L’occasion de les rencontrer pour évoquer leur dernier album, Amazones Power.

Cette année au Tourcoing Jazz Festival, quelques shows ont survécu aux nombreuses déprogrammations de dernière minute. Les Amazones d’Afrique font partie de ces artistes qui ont réussi à passer entre les gouttes, pour notre plus grand plaisir. Malgré les thèmes difficiles qu’elles abordent, elles ont livré ce soir-là un concert qui, en ces temps incertains, nous a mis beaucoup, beaucoup de baume au cœur. Alors qu’Oumou Sangaré et Mariam Doumbia ont quitté le noyau malien d’origine pour laisser Mamani Keïta, seule rescapée du premier trio, continuer l’aventure, les Amazones reviennent plus nombreuses, plus fortes, et plus internationales, plus que jamais décidées à défendre les droits de la femme. Sur Amazones Power, les militantes pacifistes ont embarqué d’autres femmes du continent et d’ailleurs pour éveiller les consciences plus largement à coup de messages universels cadencés par des fusions afro-électroniques. Les charismatiques Fafa Ruffino (Bénin), Mamani Keïta (Mali), Niariu Diallo (Guinée), Kandy Guira (Burkina Faso) — de gauche à droite sur la photo ci-dessus — ont enfilé leur costume de superwomen pour répondre à nos questions d’une seule voix. Interview.

Sur votre dernier album, il y a beaucoup d’invitées qui viennent de partout dans le monde. Quels furent les critères pour faire partie du casting ?

Mamani : C’est surtout la productrice Valérie Malot qui a créé le groupe à l’origine, avec Oumou, Mariam et moi. Sur le premier album, il y avait aussi Kandia Kouyaté, Rokia Koné, Mariam Koné, Pamela Badjogo, et d’autres. On a tourné deux ans avec ces Amazones, puis Valérie a fait un nouveau recrutement.

Fafa : Elle a fait venir d’autres chanteuses comme Valérie Belinga, l’Algérienne Nacera Ouali Mesbah, la rappeuse Ami Yerewolo, et beaucoup d’autres.

Niariu : C’est parti d’un son, « Power ». On s’est toute retrouvées en studio, c’est là qu’est née la formation.

Fafa : On a passé une journée complète en studio, je pense que c’était sa façon à elle de faire son casting. On était 17, et de 9 h à minuit on a enregistré, on a été filmées sous tous les angles, on a fait des shootings photo, des interviews, la totale ! Elle s’est aussi probablement fiée aux engagements personnels de chaque chanteuse pour sa nouvelle formule Amazones. En voyant notre background de révoltée, elle a sans doute pensé qu’elle devait nous appeler pour continuer.

Les Amazones d’Afrique – Smile (feat. Niariu & Ami Yerewolo) [Official Video]

Vous êtes passées de République Amazone à Amazones Power, y a-t-il une évolution dans le message que vous véhiculez ?

Kandy : C’est dans la continuité. En tant que femmes, nous devons aussi sensibiliser les autres femmes. Le premier album était destiné à tout le monde, en particulier aux hommes qui faisaient du mal aux femmes. Sur ce projet, nous défendons le fait que nous, femmes, envoyons le message aux autres femmes pour arrêter certaines pratiques. Quand on regarde de plus près, leurs décisions sont prises par les hommes, mais pas leur exécution. Nous voulons sensibiliser ces femmes qui pratiquent toujours des mutilations ou des choses dangereuses envers d’autres femmes. On leur explique que ça n’est plus à l’ordre du jour. Il faut qu’elles arrêtent tout de suite, qu’elles prennent les rênes de leur vie pour la diriger comme elles le sentent. Elles aussi peuvent s’engager sur plein de choses et avancer dans la vie par leurs propres moyens.

Niariu : Ça encourage beaucoup la sororité, l’empowerment des femmes, et la manière dont on peut se soutenir pour s’en sortir. On veut leur dire que c’est ensemble qu’on y arrivera.

Kandy : Les Amazones sont un peu les haut-parleurs de ce que les gens pensent tout bas. On n’a pas créé le message, mais on le porte plus loin pour le faire entendre à plus de personnes.

Fafa : Le premier disque était beaucoup ancré sur l’Afrique de l’Ouest. Si la production a fait appel à des femmes de différents pays, c’est aussi pour rendre le message plus global. On ne parle pas que des mutilations génitales, mais aussi du harcèlement sexuel, des femmes violées, des femmes battues, des violences en général. Cette fois-ci, nous nous adressons aux exciseuses, car ce sont les femmes qui pratiquent, comme disait Kandy. Ce sont les mamans qui amènent leurs enfants ! On parle aussi du mariage forcé, le message s’est internationalisé. On s’appelle toujours les Amazones d’Afrique, mais nous sommes un groupe de femmes qui se battent pour le droit de la femme en général.  

Si je comprends bien, une Amazone qui part en tournée, c’est un peu comme une combattante qui part en guerre ?

Kandy : En guerre pacifique ! (rires)

Les Amazones d’Afrique – Love (feat. Mamani Keïta) [Official Video]

La musique elle-même a évolué…

Fafa : Sur le premier disque, c’était déjà une musique assez hybride. C’est le même producteur Liam Farrel (alias Doctor L, NDLR) qui intervient sur le second disque. Pour ce qui est du son, on a voulu s’adresser à la jeune génération, car c’est elle qui va changer les choses. Ce sont ces jeunes entre 13 et 25 ans qui seront les députés et leaders de demain ! C’est maintenant qu’il faut agir, et à ce titre on aborde aussi le thème de l’éducation. C’est pour capter cette audience que Liam Farrell est parti sur des fusions pop, house, R’n’B ou reggae. Il y a aussi beaucoup de langues : anglais, français, yoruba, bambara, arabe… Ce projet a commencé en Afrique mais est en train de s’ouvrir, même si notre base reste quand même la femme africaine.

Niariu : C’est important que des femmes africaines prennent la parole. Dans les causes féministes, nous ne sommes pas toujours suffisamment représentées.

Fafa : On raconte notre histoire, on n’attend pas que quelqu’un le fasse pour nous.

Mamani : Nous parlons au nom de toutes les femmes du monde. Même si on subit beaucoup de problèmes en tant que femmes africaines, il y a d’autres problèmes ailleurs. Grâce aux réseaux sociaux, on commence à comprendre que ça se passe partout.

Niariu : Je suis née et j’ai grandi en France. Tout le monde ici y a vécu, et tout est lié. Des filles nées en France subissent aussi le mariage forcé, le viol et les mutilations. On se rend compte qu’il y a plein de problèmes communs aux femmes du monde. La convergence existe.

Dans les articles de presse, votre groupe est souvent qualifié d’afro-futuriste. Êtes-vous d’accord ?

Fafa : Je pense qu’ils disent ça parce qu’on n’a pas débarqué sur des affiches avec des boubous et de grands foulards (rires). On aurait pu le faire mais on a préféré prendre les gens à contrepied ! On n’aime pas être rangées dans une case, et c’est pour ça qu’on travaille bien ensemble. On n’a pas besoin de le revendiquer, ça se voit que nous sommes des Africaines ! Je dirais oui pour futuriste, parce qu’il y a une recherche avec Doctor L, sa musique est surprenante.

Niariu : Il y a aussi le mélange de toutes ces personnalités fortes qui ont participé. Ces artistes osent aller plus loin, non seulement dans leur message, mais aussi musicalement parlant. On crée notre univers, mais c’est la jeunesse qui se bat réellement, à l’image de ce qui se passe au Nigeria en ce moment.

Fafa : Quand on me parle d’afrofuturisme, je ne vois pas l’espace (rires). Je vois des Africaines qui défendent l’avenir ! Je pense que ce terme vient surtout des tenues et des costumes que l’on porte.

« Toutes les femmes sont les bienvenues, peu importe leur nationalité ou leur métier, tout le monde peut être une Amazone »

Kandy

En invitant toutes ces chanteuses, créez-vous finalement un espace d’expression pour les femmes du monde ?

Fafa : Exactement. Quand on allait quelque part, on faisait monter sur scène une artiste locale, on l’a fait au Maroc par exemple. C’est l’objectif !

Kandy : Toutes les femmes sont les bienvenues, peu importe leur nationalité ou leur métier, tout le monde peut être une Amazone.

Fafa : Mêmes les hommes sont les bienvenus ! Dès lors qu’ils défendent la cause de la femme…

Justement, si vous êtes les messagères du groupe, les hommes sont vos musiciens…

Fafa : On a Nadjib Ben Bella (aka DJ BoulaOne, NDLR) aux platines, Franck Baya à la batterie et Salif Koné ou Thierry Fournel à la guitare. Sans eux, on ne pourrait pas faire tout ça ! Ils croient au projet et au message.

Kandy : Ce sont de belles personnes, ils nous épaulent et on se complète bien. Ils défendent la cause des femmes, du coup on les a acceptés dans le bateau. Ce sont nos Amaz’hommes !

Amazones Power, disponible via Real World.

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