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Etran de l'Aïr : de l’air, des guitares et des étoiles !
© Abdoulmoumouni Hamid

Etran de l'Aïr : de l’air, des guitares et des étoiles !

Depuis que l’électricité fait crépiter les guitares dans le désert, Agadez est devenue une capitale rock qui exporte ses stars comme Mdou Moctar et Bombino. Bonne nouvelle des étoiles : le second album d’Etran de l’Aïr fait déjà trembler les dunes et les frontières musicales du Niger !

L’Etran de l’Aïr jouront à La Station à l’occasion de Le Beau Festival, le 2 juillet 2022. Tentez de gagner vos places en envoyant votre prénom et nom à [email protected], en indiquant « Etran de l’Aïr » en objet.

Ils sont trois à porter les amplis Fender, trois pour installer les guitares et la batterie sur scène. Ils auraient pourtant dû être quatre, quatre « étoiles de l’Aïr » (traduction française du nom du groupe, Etran de l’Aïr, en référence aux étoiles qui brillent au-dessus de ce massif du Sahara).  Ils auraient donc dû être quatre pour leur premier voyage au-delà des sables, comme quatre mousquetaires unis depuis plus de 25 ans : unis pour trouver des guitares qui sonnent, unis pour acheter des instruments en Libye ou au Nigéria, unis pour bidouiller des galères d’amplis et des rêves sonores, unis comme une famille qui a traversé les aléas du rock et des dunes, la concurrence sauvage des orchestres de mariages d’Agadez, et même déjoué l’espionnage musical et les maraboutages, avant de pouvoir enfin quitter le Niger. Mais les dédales des couloirs de l’obtention des visas ont leurs mystères ultimes. Et, allez savoir pourquoi, un des musiciens n’a pas eu son sésame pour l’Europe. « Alors on se débrouille, on fait avec ce qu’on a ! On tourne aux instruments pour assurer les concerts. C’est tellement génial d’être-là ! » jubile Abindi, en arrivant aux Instants Chavirés de Montreuil, une des trente salles qu’Etran de l’Aïr a chaufféées pour sa première sortie en Europe, une tournée de gros succès et de petits miracles, vu les impératifs sanitaires et les frontières traversées (Suède, Danemark, Suisse, Belgique, Hollande, France, etc.).

Etran de L’Aïr – Toubouk Ine Chihoussay
Appel d’Aïr

Abindi a peu dormi, il a sacrifié ses heures de sommeil aux dates et aux kilomètres qui s’empilent, mais quand il branche sa guitare, le son éclaire son regard. Il sourit : « Ça sonne encore mieux que dans le désert ici ! ». Il faut dire qu’à Agadez, le groupe n’a pas l’habitude de jouer avec des sonos impeccables comme celle des Instant Chavirés. Au pays, le défi pour l’Etran, c’est plutôt de s’adapter au matériel des festivités des mariages qui s’étalent en général sur trois jours (le temps que la jeune mariée soit conduite chez son époux). Et dans la jungle concurrentielle d’Agadez où une prestation de mariage signifie souvent jouer au minimum 6 heures d’affilé, pour des cachets autour de 100.000 CFA (soit environ 150 euros par soirée), l’Etran de l’Aïr s’est imposé comme un des groupes les plus créatif de la ville qui choisit toujours de jouer coûte que coûte et préfère les compositions originales aux reprises. L’Etran de l’Aïr se distingue aussi par ses influences qui dépassent les répertoires locaux tamachek, zarma ou haussa, pour flirter avec d’autres territoires (soukouss congolais, chez Ali Farka Touré ou dans le rythmes du Wassoulou Malien d’Oumou Sangaré…).

Mais surtout, Etran de l’Aïr fait danser avec une rythmique imparable, et non pas une mais DEUX guitares solos en dialogue constant ! « Au Niger, on est les seuls à travailler comme ça, raconte Abindi, on soigne les improvisations et les arrangements, et on met beaucoup d’énergie dedans, donc ça doit forcément marcher ! »

C’est d’ailleurs ce qui a séduit Christopher Kirkley, patron du génial label Sahel Sounds, qui a repéré le groupe en 2014, et lui a proposé d’enregistrer pour la première fois.  « On lui a dit : y’a pas de problème. Grâce à lui, on est devenus connus. » résume Abindi, qui a connu le producteur américain de Portland pendant qu’il produisait le film Akunak avec « le grand frère » Mdou Moctar au Niger.

© Abdoulmoumouni Hamid
Agadez, locomotive saharienne

Depuis, le label Sahel Sounds a installé la musique actuelle du Niger dans les charts internationaux et a même permis à plusieurs groupes sahéliens (Les Filles de Illighad, Mdou Moctar, …) d’enregistrer et de tourner aux Etats-Unis et ailleurs. Pourtant, ces succès n’ont pas vraiment changé le son d’Agadez, qui se construit encore souvent à coup de cartes mémoire, d’auto-tune et de bluetooth… « Il y a énormément de groupes à Agadez parce qu’il y a beaucoup de mariages et de divorces ! » sourit Christopher. « Quand j’ai découvert Etran de l’Aïr, je les ai tout de suite appréciés.  C’est un vrai groupe live, un “groupe d’ouvriers de la musique”, prêts à jouer pour n’importe quel public. Ils ont ce pouvoir et cette énergie incroyable qui drive la foule ! Le premier album que j’ai produit avec eux était roots, enregistré avec un seul micro et l’ambiance autour. Pour ce nouveau disque, on a choisi d’installer un studio mobile chez Abindi. Je voulais avant tout capturer le dynamisme de leurs performances sans rien déformer. On est à mi-chemin entre le vrai studio et le live pur. »

Le résultat est là. Comme une locomotive désertique, la batterie drive des guitares hypnotiques, avec, en deuxième plan, des voix et des chœurs chroniquant la réalité actuelle d’Agadez, métropole désertique, devenue un carrefour de migrations, mais aussi pour toujours capitale de l’amour et de la poésie. Si le son de ce disque baptisé Agadez (sortie le 18 février) est à la fois précis et chaleureux, c’est certainement parce que le groupe a poli son alchimie musicale depuis l’adolescence, voire l’enfance dans son quartier. « J’ai commencé la guitare à 9 ans, raconte Abindi. À l’époque à Agadez, il y avait très peu d’instruments. On a débuté en s’entraînant sur une guitare acoustique rapportée de Libye par un ami, et au début du groupe, on n’avait même pas de batterie, juste une calebasse frappée par une sandale

Le soir, près de la Grande Mosquée d’Agadez, quand la vie du quartier d’Abana s’endort, la guitare tournait alors de main en main, jusqu’à 2h/3h du matin. « En ce temps-là, on était célibataires, on était est libres de jouer jusqu’à l’aube, nos parents prenaient tout en charge, on n’avait même pas besoin d’argent !» se souvient Abdini, qui est lui aussi parti travailler en Libye et revenu avec une guitare… « En ce temps-là, il fallait une semaine pour y aller. On est partis en fraude parce que le gouvernement l’interdisait. La voiture m’a déposé à Arlit, et de là, il fallait continuer à pied. C’était dur, sans eau. Arrivé à la frontière, il fallait attendre que la nuit tombe pour passer calmement, quand le garde dormait, ou mieux encore, quand il priait ! Si tu n’as pas un véritable amour de la musique, tu ne vas pas aller jusqu’en Libye pour aller chercher une guitare…» explique Abindi.

Depuis, les étoiles de l’Aïr ont monté une caisse commune pour acheter des instruments, au Nigéria, et ils jouent avec des guitares made in China  « en attendant de pouvoir acheter une belle Fender, inshallah »…  Pour cette tournée, Abindi n’a pas pu emporter sa première guitare, car « elle ne marche plus ». Hélas, à Agadez, il n’y a toujours pas de luthier qui sache soigner les guitares électriques. Alors, dans cet univers de sables hostiles aux circuits électriques et aux cordes tendues, Abindi a un truc pour faire durer ses guitares magiques : « tu ouvres la guitare, tu prends un pinceau et tu le trempes dans l’essence. Tu brosses bien et toute la saleté et le sable vont s’envoler. Après, il faut attendre 24 heures que l’essence s’évapore avant de jouer »…

Avant le prochain nettoyage des sables, l’Etran de l’Aïr aura déjà mis le feu aux galaxies occidentales…

Agadez, sortie le 18 février chez Sahel Sounds.

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