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Riva, parti vers d’autre rives
Wendo Kolosoy et Riva Kalimazi (DR)

Riva, parti vers d’autre rives

L’acteur, producteur, publicitaire et homme de culture kinois Riva Lombume Kalimazi s’est éteint ce 4 janvier à Kinshasa. Il avait 67 ans. Avec lui, c’est un peu de l’âme de Matonge qui s’en est allé.

Sans lui, le monde est en deuil d’un peu de sa fantaisie, de sa bonne humeur, et de son génie créatif. Riva Lombume Kalimazi, alias « Delo Pipo » était celui que tout une génération avait connu sous le nom de « Mongali », du nom du personnage qu’il incarnait dans La Vie est Belle, de Mweze Dieudonné Ngangura. Dans le film sorti en 1987, il était le cousin de Nkuru / Papa Wemba, dont il était depuis lors resté l’indéfectible ami — dans les joies comme dans les galères. Il était d’ailleurs un des notables du village Molokaï (le fief de Wemba, dont chaque lettre symbolise une des rues ou avenues environnantes), et s’évertuait de maintenir vivante l’âme de Matonge, qui fut longtemps la Mecque de l’ambiance kinoise où s’écrivirent quelques unes des plus importantes pages de l’histoire de la musique congolaise, mais aussi des sports (le coin regorgeait de judokas, de basketteurs)… et de l’histoire tout court (on se souvient de la manifestation de 1958 et de sa répression, jalon du chemin vers l’indépendance). Tout cela, Riva aimait le raconter quand il marchait dans les rues de sable de sa commune de cœur, qu’il continuait d’arpenter — certes plus doucement, avec une canne, depuis qu’un AVC l’avait frappé en 2016.

Papa Wemba et Riva Lombume Kalimazi sur l’affiche du film La vie est belle

Mais il n’en avait pas perdu son immense sourire, son œil aiguisé, pétillant et critique, et son rire retentissant qui parvenait à couvrir la musique des ngandas (les bars à ciel ouvert, il fallait le faire). Autant de qualités qui — bien que fils de diplomate itinérant — l’avaient maintenu en contact permanent avec la rue, et notamment ceux qui en font l’âme : vendeurs ambulants, mamans et leurs étals de chikwangas, sapeurs de passage, shegués à demeure façonnant le vocabulaire kinois en perpétuelle évolution, ou tentant d’ « emprisonner dans leur corps » de nouveaux pas de danse… C’est parce qu’il les comprenait qu’il savait s’adresser au plus grand nombre, en particulier dans les publicités qu’il produisait et réalisait avec son comparse de toujours, Georges Ngalula Abranches. Et pas seulement pour la bière… qui fut certes un client sérieux, mais aussi pour la Banque centrale du Congo lorsqu’il s’agissait par exemple de raconter les péripéties d’un billet qui faisait le tour du pays et passait entre toutes les mains sans qu’on ne fasse attention à lui (à la différence du dollar, qui lui faisait l’objet de toutes les attentions). Toujours, la musique y figurait en bonne place, capable de faire danser et penser, capable aussi de panser les plaies d’un pays qui n’en manquait pas. 

Riva avait aussi travaillé à nombre de productions étrangères, de fiction (Kinshasa Kids) ou documentaires, et demeurait un ami, un tonton, un conseiller pour tous les jeunes artistes qui évoluaient non loin de chez lui à Matonge. Proche du sculpteur Freddy Tsimba, il avait fait visiter l’atelier de l’artiste à la chanteuse Mélissa Laveaux venue pour le festival Jazz Kif 2019. Dans la vidéo publiée par le label No Format, on le voit d’ailleurs lui montrer la foisonnante créativité des plasticiens de Matonge, et finir par chanter en chœur avec eux « la vie est belle ». Pour moi, il restera cet incroyable traducteur et interprète du génie populaire congolais, de l’âme de sa Kin-chérie, et qu’importe qu’elle soit belle ou poubelle, c’était sa ville à lui. Il fallait le voir avec ses amis à Mputu-plage, toujours à Matonge, jouer à la pétanque et, en attendant de fonder une fédération nationale, en attendant les futures compétitions internationales qui ne manqueraient pas de se présenter, il s’agissait de jouer à qui paierait la tournée chez le bien nommé « Matériau durable », tenancier de bar de son état. Évidemment, entre des jolies dames qui passaient et détournaient l’attention des boulistes en les « bippant » d’une œillade complice, et la mauvaise foi de rigueur pour discuter avec acharnement le point, il fallait quelqu’un de neutre pour les départager, voire empêcher les scissions qui déjà se profilaient. Ce jour-là, en tant que représentant de la « communauté internationale », c’est moi qui m’en chargeai. Et qui payai la tournée. La dernière avant longtemps.

Mon cher Riva, depuis que tu es parti, on dira tout ce qu’on voudra, mais… la vie est moins belle.

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