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The Pan African Music Magazine
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Sofco, l’ovni casablancais prêt à tout mixer

Multi-instrumentiste, Sofco (la contraction des premières syllabes de son prénom et nom : Soufiane Coradidi) a sorti son deuxième album le 2 juillet : Youngtimer. Rencontre et première interview d’un artiste de l’ombre qui éblouit par son talent.

« Quand j’ai ouvert les yeux dans cette vie, j’ai vu un piano et une guitare, raconte Sofco. J’ai grandi dans la musique des années 80, le funk, le jazz… Mon père écoutait Stevie Wonder, Michael Jackson, Lionel Ritchie, Ray Charles… ça m’a vraiment impacté et touché. J’essaye de suivre le cursus que mon père voulait suivre. Mais les difficultés du quotidien ont fait qu’il a choisi de gagner sa vie autrement pour bien faire grandir ses enfants. Parce qu’au Maroc c’est dur de faire vivre sa famille avec la musique, surtout avec un style de musique européen ou pas très commun ici. » N’empêche, Zouhair Coradidi – son paternel donc – a beau être prof d’arts plastiques, il est archi-connu du jeune public, car « au Maroc, explique Sofco, tous les enfants nés en 1990 ont grandi avec une de ses chansons. J’ai même fait les backs sur certaines. Le matin il fait de la musique pour les petits et le soir pour les grands. »

Zouhair Coradidi (à droite) avec son groupe Kaos

Ingénieux du son

Voilà comment Soufiane Coradidi est tombé dans la grande marmite musicale que son père faisait bouillir matin et soir. En grandissant, tout en reprenant l’héritage de son père, il s’est émancipé de sa pratique acoustique en s’intéressant à la MAO (musique assistée par ordinateur, ndlr). Pour façonner son atmosphère rétrofuturiste, l’artiste marocain a commencé par expérimenter avec ses amis, dont la sensation pop Qaayel : « Avec Qaayel, Idrissi, Achraf et Patocci, on a commencé ensemble vers 12/13 ans. Aujourd’hui, si j’ai un souci de mixage je reviens vers eux. Je les considère comme les meilleurs ingénieurs du son, même s’ils n’ont pas tous continué. Au départ, Qaayel ne chantait pas, il était timide. J’ai été le premier à lui donner une guitare. Sa mère me disait “Soufiane, s’il-te-plaît, dis-lui de chanter. Il a une superbe voix”. Ensemble, on avait signé notre premier titre EDM en 2013 dans un label européen. »

Cet apprentissage en mode autodidacte a permis à Sofco de naviguer à son aise dans le monde du son : « J’ai beaucoup étudié les détails et la technique. En musique électronique, on essaye de faire un maximum de bruit sans casser les oreilles. Ça m’a appris le mixage et plein d’autres choses. » D’ailleurs, le jeune homme de 25 ans est parvenu à une telle maîtrise au mixage qu’on croirait sa voix enregistrée en studio, même quand elle vient d’un téléphone bas de gamme : « J’ai pas mal de titres enregistrés par téléphone, via Whatsapp ou dictaphone. Et mixés, ils marchent super bien : “Sometimes” est fait sur un téléphone prépayé. Même “Cool right now” est enregistré par téléphone. Quand j’enregistre, je ne fais qu’une prise. Je ne recommence jamais. Même si la prise n’est pas bien, elle va le devenir avec le mixage. Je vais bosser 3 fois plus. »

Sofco a réalisé lui-même son premier clip, « i feel it »

Aujourd’hui, Sofco est un producteur/ingénieur du son et sound designer réputé au Maroc : « Après mes études dans l’ingénierie du son et dans le podcast radio, j’ai bossé chez Hit Radio (la première radio chez les jeunes au Maroc), Radio Mars et maintenant You Radio. J’ai ouvert une boîte à travers laquelle je bosse les habillages sonores pour tout type d’émission et je bosse aussi avec des webradios et radios d’entreprises. Pour vivre, il faut avoir un boulot comme ça, la musique pour l’instant c’est juste une passion. Je la fais pas pour l’argent, mais parce que ça me fait du bien. »

Soufiane Coradidi est devenu un groupe à lui seul. Lui qui aime écouter – après son père – Madeon, Daft Punk, Porter Robinson ou encore Majid Jordan, maîtrise ses productions de A à Z : « J’essaye d’imposer ce style au Maroc pour que ça devienne familier, explique-t-il. En Europe il y a déjà ce style de musique, mais ma valeur ajoutée c’est que je chante en arabe. J’essaye de combiner plusieurs styles pour en créer un seul. Tout ce que je produis, je le joue. Je n’aime pas utiliser des samples ou des choses déjà prêtes. Je joue de la guitare, de la basse, du piano… Et je sais jouer de la guitare au clavier, en donnant la sensation qu’il s’agit d’une vraie guitare. À 80 % je compose au clavier, et les quelques éléments que je n’arrive pas à reproduire au clavier, je les joue directement à la guitare ou la basse. Je préfère chanter à travers les instruments plutôt que ma voix, mais les gens prennent moins au sérieux les titres juste instrumentaux… »

Expériences du deuxième sexe, et du troisième type

À l’heure où pas mal de ses amis (El Grande Toto, Draganov…) font exploser le rap marocain à l’international, Sofco poursuit son exploration sonore en même temps que celle de la vie, à l’image de son premier album, Opposite Sex (2019) : « C’est vraiment un album sauvage, je l’ai bossé un peu partout au Maroc : j’ai un sac avec mon ordi, mon clavier, ma carte son et mon micro. Je voyage et dès que je me sens bien, qu’il y a une prise, peu importe qu’il y ait des gens autour de moi ou non, je commence à produire. Je commence toujours par faire la base instrumentale au casque, puis je la mets sur haut-parleur. Les gens avec moi écoutent, je commence à faire des toplines et je me dis que c’est la bonne dès qu’il y a une bonne énergie autour de moi. Je peux faire un titre par jour ou bosser dessus 3 mois, ça dépend de l’énergie. J’ai bossé dans des cafés en Turquie, au Liban… Quand j’étais à la radio, si j’avais une inspiration, je descendais à la voiture avec mon téléphone pour m’enregistrer. Et ensuite je remontais au studio pour écouter le rendu et si j’aimais bien je laissais tel quel. La voiture c’est mieux que le studio en termes d’acoustique. Même si j’ai accès à un studio équipé, je n’y bosse jamais. Mon nouvel album, Fayez, je l’ai fait en plein déménagement. Souvent ce sont les gens qui m’entourent qui me donnent l’énergie pour bosser. »

D’ailleurs, Soufiane a beau connaître les gens qui au Maroc font le milieu de la musique, il a toujours été bien plus impressionné par les rencontres qu’il a faites dans sa vie personnelle. Ce sont elles qui lui ont permis d’avancer et surtout, d’écrire et composer. Sur Opposite Sex, comme sur son nouvel album Youngtimer, chaque morceau raconte une histoire qu’il a vécue avec une fille : « C’est des sujets que tout le monde ne comprendrait pas forcément, mais ce sont des choses que j’ai vécues et que je souhaite marquer à ma façon. Un jour, quand le temps aura passé, je pourrai revenir en arrière et me rappeler de chaque moment de ma vie : par exemple, “M’trippi Morak” est un de mes coups de cœur. J’y raconte un trip sous LSD que j’ai vécu. Quand tu prends ce genre de substance, tu n’as pas le contrôle sur toi-même et tu deviens spectateur de tes idées. Le lendemain je me suis réveillé, j’ai pris une instrumentale qu’Idrissi m’avait envoyée il y a un an et j’ai essayé de reproduire tout ce que j’ai vu et entendu la veille, des choses bizarres à mes peurs : à la fin du titre on entend une voix satanique. C’est la fille qui me parlait pendant le trip, je l’entendais comme ça. Et même si les paroles du morceau sont difficilement compréhensibles, balancées au hasard, ça représente ce que j’ai vécu, car moi aussi je ne comprenais rien. »

Pour ce nouvel album, Sofco a reçu l’aide de son amie, la rappeuse Snowflake : « Elle m’a aidée pour l’écriture des titres. Dès qu’elle voyait que je buguais, elle me motivait. Sans elle il n’y aurait pas eu Youngtimer le 2 juillet. » À ce producteur nomade, aucun rêve n’est interdit. Et s’il fait encore figure d’ovni sur la scène casaouie, sa musique a un tel potentiel qu’elle pourrait bientôt résonner aux quatre coins du globe.

Youngtimer, déjà disponible.

Sofco – Youngtimer

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