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The Pan African Music Magazine
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J.Derobie, un mec normal à l'assaut du dancehall

Avec ses multiples featurings internationaux, des millions de streams et le parrainage de Mr Eazi, difficile d'imaginer que J.Derobie était encore inconnu du public il y a deux ans. PAM a rencontré la nouvelle sensation du dancehall ghanéen, à l’occasion de la sortie Nungua Diaries, son nouvel EP.

À propos de son enfance, Derrick Obuobi Junior alias J.Derobie s’exprime peu : « J’ai grandi à Nungua (ville côtière à l’est d’Accra, NDLR). C’était normal, Ghanéen moyen. La vie était normale. Tout était normal ». Mais la musique vient rapidement bouleverser la vie du jeune Derrick. « Un jour, j’ai entendu une femme chanter dans ma maison et ça m’a marqué », se souvient-il. « J’ai commencé à me pencher sur la musique et je me suis mis à chanter. À chaque fois que je chantais, les gens me disaient : “Oh, tu chantes vraiment bien !” ». À Nungua, le jeune homme est au carrefour de différentes cultures musicales et écoute tout ce qui est à la portée des jeunes Ghanéens : afrobeats, highlife, hiplife… « et le dancehall au lycée », ajoute-t-il. Mélangeant toutes ces influences, il sort deux titres afrobeats, une chanson dancehall et un freestyle sur la démo de son titre « Poverty ». Le freestyle attire l’attention du nouvel incubateur de talents de Mr Eazi, emPawa Africa, qui le sélectionne la première édition d’emPawa 100, qui donnait à cent artistes une bourse de 3000 $. Le titre original, sorti en janvier 2019 via emPawa, cumule aujourd’hui plus de 3 millions de streams et a indubitablement marqué le public ghanéen. Le jeune chanteur en a tiré une exposition internationale, un management professionnel, des milliers de followers et cerise sur le gâteau, un remix de la superstar jamaïcaine Popcaan.

J.Derobie – Poverty (feat. Mr Eazi)
Un lien naturel

Au cours des vingt dernières années le dancehall s’est considérablement développé au Ghana, avec de nombreux artistes à la renommée internationale. « On dit que la plupart des personnes emmenées en Jamaïque sur des bateaux d’esclaves venaient du Ghana », explique Derobie. « Nous avons comme un lien naturel. Les Ghanéens aiment naturellement le reggae et le dancehall ». Si les pionniers du genre au Ghana — General Marcus, Samini, Shatta Wale ou encore Stonebwoy — se sont inspirés directement des sonorités caribéennes, une nouvelle génération d’artistes prend désormais pour modèle les chanteurs de dancehall ghanéens. À force d’influences, il se trouve que certains des plus grands hits ghanéens sont chantés en patois jamaïcain, une langue créole très rarement utilisée à Accra. « J’ai commencé par écouter les grands artistes de dancehall locaux, tout en écoutant aussi de l’afrobeats et d’autres genres », raconte Derobie. « Mais j’en voulais plus, alors j’ai commencé à écouter directement les Jamaïcains. J’ai eu envie de comprendre leurs paroles, surtout Chronixx. C’est comme ça que j’ai appris le patois jamaïcain. Et j’ai réalisé que je pouvais le faire aussi. Et maintenant, la jeunesse comprend vraiment. »

Il serait cependant réducteur de dire que le dancehall ghanéen est le fruit d’une pure importation. Les artistes ont fini par créer un son et une culture hybrides, qui trouvent leur source localement. « Ici, ce qu’on fait, c’est qu’on mélange l’afro avec. On appelle ça l’afro-dancehall. Dans l’afro-dancehall, on entend des rythmiques africaines et on peut aussi ajouter des langues locales pour les gens du coin ». 

emPawa

Le programme emPawa Africa de Mr Eazi, avec lequel Derobie collabore depuis plus d’un an maintenant, joue également un rôle croissant sur la scène musicale africaine. Derobie nous explique : « emPawa est une initiative qui permet aux artistes émergents de se mettre sous les projecteurs. Elle aide sur la distribution, l’édition, le marketing, le conseil musical… Elle permet à des individus de se transformer en artistes. » Avec une candidature spontanée, le jeune Derrick a réussi à obtenir une place dans le Top 10 d’Empawa 2018-2019. Aux côtés de neuf autres chanteurs du continent, il s’est rendu en Afrique du Sud pour une masterclass de trois semaines animée par des artistes de renom comme Diplo, Guilty Beatz ou Raye. EmPawa est en phase avec les ambitions de J.Derobie pour son pays. 

« J’apporterai aussi quelque chose dans un avenir proche quand je serai célèbre », affirme-t-il. « Parce qu’il y a tellement d’artistes talentueux ici qui ne reçoivent pas le soutien et les choses dont ils ont besoin pour se faire connaître. » Avant de prendre la musique au sérieux, le jeune chanteur était d’ailleurs bénévole au sein à la mairie de quartier de Madina à Accra, mais il a vite compris que la musique avait un plus grand impact pour faire du bien à sa communauté et soutenir des artistes émergents dans son sillage.

Un mec normal

Son nouvel EP, intitulé « Nungua Diaries » (les carnets de Nungua), traite de l’amour, de la camaraderie, des luttes qu’il a mené durant sa carrière et des défis du quotidien ghanéen. « Quand j’étais jeune, j’ai réalisé que raconter des histoires est l’une des meilleures choses à faire en musique. C’est ce qui rend une chanson intéressante », explique le chanteur. « Je m’inspire d’événements de la vie réelle, d’une histoire d’un ami, ou parfois j’en imagine simplement une. » Lorsqu’on lui demande si les histoires qu’il raconte seront différentes dans le futur avec sa nouvelle célébrité, il répond mystérieusement : « L’histoire va toujours changer… mais elle restera aussi la même. »

Certaines choses changent déjà dans la vie du chanteur : « mes conversations WhatsApp comportaient environ 18 nouveaux messages. Maintenant, il y en a plus de 300 ! », plaisante-t-il. C’est un thème qu’il aborde sur « Fake friend », un titre sur sa relation avec sa célébrité nouvellement acquise. Si les premières paroles sont « me no really like attention », il assure pourtant qu’il apprécie la nouvelle attention que reçoit sa musique. « Mais je n’aime pas vraiment avoir trop d’amis », ajoute-t-il. « Ce que je sais, c’est que trop d’amis mènent à des problèmes et à de mauvaises choses. J’ai de nouveaux amis maintenant, j’aime les gens, mais je n’ai pas beaucoup de gens qui me connaissent par cœur. »

Plus à l’aise auprès des siens que dans les sphères du showbiz, J.Derobie signe « My People », dédicacé comme le reste de l’EP à tous les gars des quartiers d’Accra : « my Nungua boys, Madina boys, Sakumono, Spintex, Ashaiman Boys… ». « Ils m’ont soutenu, ils m’ont montré de l’amour, et ça me touche beaucoup », explique-t-il. Une chanson qui est rapidement devenue un hymne pour les mecs des quartiers, parmi lesquels beaucoup voient le chanteur comme le prochain « King of Ghana Dancehall ». Ce mec normal issu de la classe moyenne serait-il un futur modèle d’inspiration pour cette jeunesse ghanéenne ? « C’est aussi mon devoir », conclut-il.

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