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Souad Massi : en Algérie, « la flamme est toujours là »
Photo © JBMillot

Souad Massi : en Algérie, « la flamme est toujours là »

La chanteuse kabyle, qui sera en concert le 18 septembre à Montpellier (Festival Arabesques), évoque pour PAM sa vision de l’Algérie, mais aussi de la France où elle vit.

Juillet 2020 : lorsque nous rencontrons Souad Massi à Arles, le sourire est tranquille, mais l’émotion bien réelle. Dans quelques heures, sur la scène du Théâtre Antique, la chanteuse et guitariste kabyle reprendra, dans la ville même où elle a fait ses débuts, une tournée trop longtemps interrompue par les confinements. 

En 1999, après avoir participé à la première édition du festival « Femmes d’Algérie », organisé au Cabaret sauvage (Paris), Souad Massi avait en effet donné à Arles – déjà à l’invitation du festival Les Suds, son deuxième concert en France.

L’Algéroise de 27 ans venait de fuir un pays en pleine guerre civile et Abdelaziz Bouteflika de prendre le pouvoir. 20 ans plus tard, une mobilisation populaire pacifique inédite en Algérie avait raison du clan présidentiel et Souad Massi, qui l’a soutenue depuis Paris, sortait Oumniya, un 6ème album entre folk et chaabi, guitare et mandole. En berbère, en arabe classique et en français, elle y chante sans freins l’amour et la condition féminine, mais également ses rêves de liberté pour l’Algérie. Aujourd’hui, Souad Massi fait le bilan : pleine d’espoir pour son pays natal, elle appelle les Français à la vigilance.

Il faut traduire le titre de votre sixième album, Oumniya, par « mon souhait le plus cher ». Quel est (ou était) ce souhait ?

Cette chanson parle de trahison. Je l’ai écrite en 2017, à un moment où je traversais une période très difficile de ma vie. Mon souhait, c’était d’arrêter le temps pour pouvoir poser mes idées et réfléchir à ce qui se passait autour de moi. Le refrain c’est comme une prière : je cherche une paix intérieure, une main, un sourire, du réconfort. Tout ce qui peu m’apaiser.

Écrite avant la chute de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, la chanson « Fi Bali » est une critique de son pouvoir et d’une parole devenue « inutile ». Qu’est ce qu’elle dit exactement ?

Voir un président démuni, malade, mais qui souhaitait se représenter, ça m’a mise vraiment en colère. Je trouvais que c’était une insulte au peuple algérien. Alors j’ai pris mon stylo et j’ai écrit cette chanson où je critique tous ceux qui étaient au pouvoir. Je leur demande d’arrêter la mascarade et de s’en aller. Je leur dis notamment qu’on est conscient du jeu qu’ils jouent, du fait qu’ils ont envie de nous faire couler dans le même bateau qu’eux…

Tu as obscurci la lumière et bloqué toute issue
Le navire que tu as commandé est désormais perdu
La mort qui rôdait autour de toi, je l’ai bien vue
Tu les as laissés tirer les ficelles
Te voilà face aux vagues qui te malmènent

Cette chanson est venue trouver un écho dans l’actualité algérienne puisque, dès février 2019, tout un peuple s’est soulevé contre la candidature à un cinquième mandat présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika, ce qui a conduit à sa démission. La mobilisation, elle, a continué, car ce que demandent vos concitoyens c’est un changement radical du système de gouvernance en place depuis l’indépendance. Cette série de manifestations a été appelée « Hirak », un mot arabe qui signifie « mouvement ». Pourquoi lui préférez-vous le terme de « révolution » ?

Parce qu’on n’avait pas le droit de manifester et qu’on l’a pris ! On s’est réapproprié la rue et c’était quelque chose d’impensable avant. Pour moi, c’est l’une des victoires du peuple algérien. 

Souad Massi – Les Suds, à Arles 2021

Est-ce qu’à travers le Hirak vous avez découvert un visage de l’Algérie que vous ne connaissiez pas ?

Ce qui m’a fait plaisir c’est que le monde entier découvre non pas l’Algérie, mais le peuple algérien : son éducation, sa conscience politique. Le peuple algérien a donné une véritable gifle aussi à ce gouvernement qui nous a toujours méprisés. Et puis, cette révolution m’a permis de réaliser que nous avions retenu les leçons du passé. On s’est dit : ils vont essayer de nous casser, de nous diviser, mais ça ne marchera pas cette fois. Ce que je ressens, c’est une immense fierté.

Deux ans et demi après le début du « Hirak », comment voyez-vous la suite ?

Le mouvement s’essouffle, car il y a beaucoup de répressions. Ces derniers mois les arrestations, notamment, se sont multipliées en Algérie. Et pas seulement de militants du Hirak, mais aussi de journalistes, d’universitaires, d’avocats qui défendent les droits de l’homme. Mais la flamme est toujours là. Moi j’y crois, je garde espoir. La révolution continue, le peuple algérien continue à mettre la pression à un gouvernement qui agit de manière toujours aussi opaque et ne respecte pas la constitution qu’il a lui-même révisée en décembre dernier.

En revanche, je suis très inquiète par rapport à la situation en France et plus largement en Europe. Le combat pour nos libertés, ce n’est pas qu’en Algérie. Moi je vis en France et je suis choquée de voir comment on peut être violent envers une personne qui exprime son désaccord en manifestant. Et là il faut une vraie prise de conscience commune et une vraie réaction, car on commence à terroriser les gens et pour moi c’est le début de la fin. C’est exactement ce qui s’est passé en Algérie pendant la guerre civile. Ils nous ont terrorisés et ont ainsi réussi à nous diviser et à nous affaiblir. Il faut faire attention à ça, rester vigilant.

Le philosophe perse Djalal al-din Roumi a une très belle image pour donner du courage et inciter les gens à se battre pour rester libre. Il dit : « on est né avec des ailes, pourquoi veulent-ils nous voir ramper ? »

Souad Massi sera en concert le 18 septembre à Montpellier, à l’occasion du festival Arabesques.

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