La bande de Djs, aujourd’hui basée à Dakar, continue d’exporter ses soirées à travers l’Afrique et au-delà. Le 23 novembre, Electrafrique fait escale à Paris, au Club Joséphine. Dj Cortega, l’un de ses piliers, a répondu aux questions de PAM.
Gagnez vos places pour la soirée Electrafrique au Club Joséphine, à Paris, le 23 novembre. Pour participer, envoyez votre nom et prénom à [email protected], en précisant « Electrafrique » en objet.
Cortega, tu peux te présenter ? pourquoi ce nom là ?
Cortega c’est un surnom que j’ai depuis que je suis gosse, c’est pas un nom de scène. Quand on avait douze ou treize ans on avait organisé une sorte de boum chez un pote dont les parents étaient pas là, et on avait organisé la fête sur le thème du Parrain, et comme je faisais partie des organisateurs j’étais Don Cortega et depuis lors, ce nom m’a collé aux baskets.
Comment sont nées les soirées Electrafrique ?
Avant de commencer Electrafrique, j’habitais aux Etats-Unis et là, avec un gars qui s’appelle Dj Underdog, on mixait pas mal dans des soirées sur des thèmes de musique africaine (des classiques comme Fela et des choses plus contemporaines). C’était entre 2007 et 2010, et moi je traînais beaucoup dans les milieux house music aux Etats-Unis, de Chicago à New York, donc j’étais pas mal influencé par ces musiques là. A cette époque j’ai découvert aussi la house sud-africaine, et j’ai du participer à la première ou seconde tournée de Black Coffee aux States, il était pas encore connu et nous on avait booké un club à Washington pour sa venue. Mais il n’y avait pas grand monde de la ville qui était la, quand tout à coup trois cars ont débarqué, remplis de Sud-Africains qui arrivaient du New Jersey, de Virginie… on a complètement halluciné, on imaginait pas que l’événement aurait un tel rayonnement. Pour moi c’était un moment un peu charnière où je me suis dit que, bien que mon intérêt musical soit très large, je voulais monter un concept qui s’intéresse aux musiques contemporaines électroniques du continent. Donc ça a commencé avec l’afro-house et le kwaito. J’ai quitté Washington pour aller m’établir à Nairobi en 2010-2011 et c’est à ce moment là que j’ai lancé Electrafrique avec un collectif de Djs kenyans qui s’appelait « Electric DJs » et un groupe avec lequel on jouait, avec l’idée d’avoir un événement régulier qui s’appelle Electrafrique pour « musiques électroniques qui viennent d’Afrique ».
Les soirées étaient centrées sur l’afro-house, mais aussi ouvertes à toutes les musiques électroniques, dans un sens très large : donc du ndombolo, du coupé-décalé, du kwaito, du gqom, du kuduro … enfin tout ce qui est dancefloor urbain qui claque et qui a une production électronique. Avec quand même, souvent, une forme d’inspiration des musiques, ou des sonorités, ou des voix traditionnelles, et c’est ce qu’on essaie de reproduire sur scène. Donc on avait toujours un(e) ou deux Djs de la place plus un Dj international dans l’idée de lui faire découvrir la scène du pays et du continent. Donc on a eu des Sud-Africains ou des Angolais qui découvraient cette scène en dehors de leur pays, et pour nous il s’agissait d’établir Nairobi, et aujourd’hui Dakar, comme des destinations pour ces musiques là : contemporaines, électroniques, panafricaines.
Il y avait donc l’idée contribuer à une scène, d’essayer de mettre en selle des Djs locaux, et aussi d’apporter un peu visibilité internationale sur la scène où on est établis.
On en est à la 32ème édition : il y en a eu six ou sept avant que je ne m’installe, il y a quatre ans, à Dakar qui est devenu notre résidence principale. Mais même si on a toujours eu une base (hier Nairobi, aujourd’hui Dakar), la soirée s’est toujours baladée : on a fait des soirées à Madagascar, en Afrique du Sud, à Kigali, Addis-Abeba, à Conakry, Bamako… elle est itinérante.
A Dakar, où se passent les soirées ?
Notre résidence c’est la Maison de la Culture Douta Seck. C’est un lieu assez magique qui est en plein cœur de la médina, et c’est un des rares endroits du quartier où il y a un grand jardin (le ministère de la culture, auquel le lieu appartient, a su le préserver). Il y a de vieux arbres magnifiques (entretenus par le père Pouye qui s’en occupe amoureusement) donc c’est assez dingue, le contraste entre un milieu urbain, hyper peuplé et hyper populaire et cet espace vert ! Donc nous on est là sous les étoiles et les arbres, c’est assez beau, et c’est aussi hyper intégré dans la ville. Par exemple à côté tu as les mosquées, et on doit vraiment s’arrêter à 5 heures parce que c’est l’heure du premier appel à la prière. Pour moi c’est hyper symbolique d’être au cœur de la ville, dans ce lieu hyper-populaire et qui a trouvé un bon voisinage avec la mosquée : ils respectent ce qu’on fait, on respecte leurs horaires. Par les temps qui courent, ce vivre ensemble (c’est peut-être un truc assez spécial au Sénégal), c’est assez magnifique.
Qui vient dans vos soirées ? Les élites branchées ?
On essaie de lutter contre le préjugé que cette soirée serait réservée aux élites. La musique est un langage universel, elle rassemble et crée des ponts entre les catégories d’âge, les origines, etc… mais c’est pas juste des paroles, c’est au cœur de la soirée. Un des points importants, c’est que les soirées puissent être accessibles à toutes les bourses. A Dakar, si tu entres avant 23h, c’est gratuit, tu n’es même pas obligé de consommer. Donc si tu habites le quartier, tu peux venir passer ta soirée à écouter des Djs internationaux, sans rien dépenser. Pour nous, ce qui compte c’est que tu sois là pour passer du bon temps, que tu rencontres des gens, que tu découvres des sons différents. Et je pense que lors de nos dernières soirées, il y avait 60 à 70% d’Africains, qui sont de milieux sociaux très divers.
Les musiques électroniques, c’est encore une « niche » où c’est devenu un langage de plus en plus parlé, de plus en plus dansé en Afrique ?
C’est difficile de donner une réponse à l’échelle du continent, ça varie d’un pays à l’autre. Au Sénégal, ça commence à rentrer dans le mainstream. Même les clubs de la place où tu entends les hits genre Trace TV, commencent à passer de l’afro-house. Pour moi c’est un signal assez fort pour dire que ça commence à rentrer doucement. Il y certains artistes qui tournent beaucoup et qui s’y mettent aussi, ils viennent parfois jouer chez nous avec des sets qui vont dans notre direction musicale. Il y a une sauce qui est en train de prendre, c’est pas au niveau du hip-hop, de la pop nigériane ou du mbalax, mais il y a une scène qui existe, qui se construit et qui va je pense s’accélérer.
Si tu regardes le Kenya, l’afro-house est devenue mainstream, tu en entends n’importe où (peut-être pas encore dans les supermarchés comme en Afrique du Sud). Tandis qu’à Bamako, c’est plus confidentiel. Au Cap-Vert, c’est très développé, mais c’est exclusivement le son de la scène lusophone (Angola, Cap-Vert, Portugal) qui est omniprésente dans les clubs. C’est une tendance générale, mais ça rentre dans les habitudes, dans ce qu’on entend et qui se danse dans les clubs.
Après Nairobi, Johannesbourg, Addis-Abeba, Dakar, Accra, Kinshasa, New York et j’en passe… ce sera votre première soirée Electrafrique à Paris ?
On avait participé à une soirée « Ancestral Soul » de Boddhi Satva, mais là on attendait d’avoir une bonne occasion, et on nous a proposé un lieu assez dingue, le Club Joséphine (qui vient d’ouvrir dans le théâtre du Châtelet à Paris, NDLR) et on s’est dit que c’était intéressant pour lancer une soirée plus régulière.
L’affiche ce sera : Boddhi Satva, Cortega, et Cheetah qui est une camerounaise qui vit depuis plusieurs années à Paris et qui a lancé ses soirées « Trap Africa ».
Boddhi Satva, ça a été une sorte de grand frère pour nous, parce que depuis le lancement de la soirée à Nairobi, c’était une des premières grosses pointure à venir jouer chez nous. On est potes, et ses influences musicales, le son « Ancestral Soul » un peu deep avec ses rythmiques centrafricaines, ses morceaux qui ont des messages assez fort… moi j’adore… et c’était super de pouvoir l’accueillir !
Maintenant qu’on lance quelque chose de régulier à Paris, je voulais que ça démarre avec lui parce que c’est quelqu’un que j’apprécie et que je respecte beaucoup, tant au niveau de la personne que de son côté créatif. Sa production est puissante, mais aussi c’est un super Dj, capable de passer du compas haïtien à de vieux morceaux congolais. Il fait voyager des gens dans pleins de directions, qui correspondent à l’identité de la soirée. Donc oui, c’est un grand plaisir de l’avoir avec nous.
Rendez-vous le 23 novembre pour la première édition ElectrAfrique à Paris, au Club Joséphine, avec Boddhi Satva Official Cheetah & DJ Cortega.