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The Pan African Music Magazine
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En Guinée, Koundou Waka prend son pied

Le Guinéen Abraham Sonty, alias « Koundou Waka », s’apprête à sortir un nouveau disque et entend bien faire découvrir son univers au reste du monde. Découvrez ici son tout nouveau clip, « Dödö Fe ».

Dans le froid de Paris, Abraham Sonty dit Koundou Waka ne se décourage pas. Il en a vu d’autres. Il a même fait de l’adversité son meilleur allié. Celui qui aujourd’hui remplit les salles dans son pays, la Guinée Conakry, n’avait pourtant pas démarré du bon pied dans la vie. Du moins, c’est ce que tout le monde croyait.

Pas sa mère, dont le fils aîné à l’âge de quatre ans fut frappé d’infirmité. La polio l’avait privé d’un pied. Du moins, c’est ce que tout le monde croyait.

Pas sa mère, qui a dû se souvenir de l’histoire de Soundiata, qui s’est dressé sur ses pieds pour démarrer son épopée. Elle, native de Kindia, a encouragé son fils, qui adorait danser, à ignorer son infirmité. « Ma maman était ma première supporter, elle voulait que je danse. J’avais sept ans. Et quand il y avait un concours, elle venait avec ses copines et ses sœurs m’applaudir et m’encourager. » Et puisque son fiston ne pouvait danser comme les autres, il s’est inventé son style, prenant littéralement son pied en main pour danser. Bien plus tard, c’est cette danse qu’on appellerait Koundou Waka, « et aujourd’hui, sourit l’artiste, si tu croises un Guinéen et que tu lui parles de la danse Koundou Waka, tu verras qu’il va tout de suite prendre son pied ».

L’homme est courageux donc, du genre tenace. Mais cela n’aurait pas suffi à en faire une star dans son pays, dont l’héritage culturel, galvanisé par les années Sékou Touré et les grands orchestres, a forgé des générations de mélomanes intransigeants. 
 


Depuis ses premiers enregistrements puis son premier disque, Koundou Waka, paru en 2001, il s’est forgé un style qui puise allègrement dans les rythmes traditionnels, notamment ceux de Basse-Côte d’où vient sa mère, alliant balafons, djembés, aux guitares électriques et à la batterie, sans oublier un dangereux duo de trompettes comme on n’en faisait plus beaucoup depuis l’époque héroïque des Bembeya et consorts.

« Les trompettes, ça nous donne de la force, comme les percussions et la batterie : elles appuient les temps forts, font les « blocages », c’est tellement joli et fort », s’enthousiasme-t-il. Résultat, une musique riche, énergique, rehaussée sur scène par une troupe de danseurs qui puise aussi bien à la source des Ballets africains qu’au répertoire contemporain.

De quoi électriser les foules, comme il l’a déjà fait et comme il promet de le refaire les 22 et 24 février prochains à l’occasion de la sortie de son nouveau disque, baptisé « La Haine de l’autre », très attendu à Conakry. C’est que son succès ne tient pas qu’à sa maîtrise du show et à sa célèbre danse, mais aussi à des textes ancrés dans les problèmes sociaux du pays, qui sont bien souvent ceux d’un continent. « La Haine de l’autre », titre de l’album, évoque les divisions qui minent l’Afrique. « On ne peut pas libérer l’Afrique si on crée la haine entre les Africains ! Aujourd’hui la politique en Afrique c’est diviser pour régner. Les gens ne s’aiment pas, c’est l’intérêt pour l’argent ou l’intérêt politique qui dominent. Ce sera difficile pour nous de nous en sortir si nous ne sommes pas ensemble », rappelle-t-il comme une évidence à qui veut l’entendre. Il en va de même lorsqu’il dénonçait les jeunes filles qui, poussées par la pauvreté, se donnent ou se vendent à des hommes qui les enceintent et disparaissent dans la nature. À multiplier les inconnus, comment savoir qui est le père !

Il fustigeait aussi, dans son troisième album, Sagatala Birigoué, les hommes inconscients qui ne respectent pas les femmes et ne connaissent pas la valeur des choses et des gens. 
 


Dans l’album suivant, Polossé, il s’en prend à la pédophilie, un sujet tabou qu’il pose en place publique. La société, ses travers et ses galères, il a eu le temps de les observer de Kindia, où il est né, à Conakry où sa carrière musicale a vraiment débuté.

Son père, imam originaire de Haute-Guinée, est décédé en 1991 alors qu’Abraham était encore jeune. Celui qui n’est pas encore surnommé « Koundou Waka »  est l’aîné de sept enfants, mais dans la cour il faut aussi compter sur les trois autres épouses de son défunt père, leurs quinze enfants, et tous les élèves – une cinquantaine – auxquels l’imam enseignait le Coran. Autant dire qu’on ne mangeait pas à sa faim, « on passait parfois trois jours sans préparer », se souvient-il. Alors il finit par aller se chercher à Conakry, où dans le quartier de Coronthie (que les Espoirs feront plus tard connaître), il forme un premier groupe baptisé Kalakuta. N’allez pas y chercher une référence à Fela. En soussou, cela désigne d’après Abraham « ce qui sauve l’orphelin ». Pour lui, la musique.

C’est dans ce terreau, dès 1994, qu’il va faire ses premières armes et mettre au point, outre sa propre danse, son style personnel. Il rêve, comme Michael Jackson, d’en faire une marque de fabrique connue du monde entier.

C’est pourquoi il a produit lui-même ses deux derniers disques et entrepris une tournée en France pour annoncer au plus large public possible la sortie de son nouvel album. Bien vrai qu’on n’est rarement aussi bien servi que par soi-même, et que les producteurs capables d’investir ainsi sont rares. Mais, et c’est le crédo de l’artiste : « si tu veux avoir des espèces, il te faut de l’espace. Quand tu as un pied en France, en Suisse, en Angleterre, aux États-Unis, au Japon, un tourneur, des bookers, c’est là que tu as de l’espace. Les espèces suivront. »

Sur le single « Dödö Fe » qu’il a lancé en amont de l’album, le showman s’en prend aux mauvais usages des réseaux sociaux, « les injures publiques, le dénigrement des autres, le fait de filmer des gens et de poster leurs vidéos pour les humilier », et invite tout le monde à réfléchir à ce qu’il poste ou met en ligne, y compris sur soi-même. Cyberespace oblige, il a plaqué sur ce titre un vocodeur sur sa voix. Mais n’est-ce pas, du balafon aux machines en passant par les cuivres, l’application de l’authenticité dont la Guinée de Sekou Touré était la championne ? S’appuyer sur le patrimoine, sur les sagesses populaires, en les modernisant avec de nouveaux sons, de nouveaux mots ? À chacun son opinion sur ce point. Ce qui est sur, c’est que Koundou Waka espère remplir l’esplanade du palais du peuple de Conakry (70.000 personnes) le 24 février prochain. En attendant le reste du monde.

Lire ensuite : La Guinée, Walaye ! Quand le fantôme d’un orchestre d’antan refait miraculeusement surface

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